106.

153 21 0
                                    

Mes pas se font lents, alors que j'entrais au palais, suivis de Birsan. Reynald est mort. Ma sœur est morte. Et j'ai enfin tué le roi. Pour autant, mon cœur est toujours aussi insupportablement lourd, sa mort ne m'ayant pas adoucie. 

Si seulement Reynald n'était pas là, j'aurais nié les paroles du roi, je ne l'aurais jamais cru. 

- Doucement, votre Altesse, dit Birsan en me retenant, alors que j'allais m'effondrer.

Elle m'emmène dans ma chambre, me pose sur le sofa. J'ai beaucoup pleuré, pourtant cela ne me semble pas assez. Je ne veux pas pleurer, je ne veux pas faire le deuil de sa mort, je la veux, je veux la tenir, la voir, lui parler à nouveau.

Je n'ai pas pu lui dire au revoir.

Je n'ai pas pu lui dire à quel point je l'aime.

Birsan me laisse seule dans ma chambre, alors que je sens la présence du Grand Roi. Je me sens... étouffée, comme si le Grand Roi lui-même souffrait de me voir revivre le même destin que lui. Perdre une partie de son âme.

- Ma pauvre enfant, dit-il, les yeux emplis de tristesse.

Mes yeux se sont assombris, je n'entendais et ne sentais que ma propre douleur. Pour cette fois, je voulais être égoïste, ne penser qu'à moi, oublier tout et le reste. Même Inimia.

Je fixe le Grand Roi, son visage ancien et majestueux marqué par une gravité qui semble refléter les siècles de douleurs et de guerres. Il s'approche doucement, s'assoit près de moi, et sa présence apporte un léger réconfort dans la froideur de la chambre.

- Je veux en finir, dis-je, la voix tremblante. Elle ne méritait pas cela, cela aurait dû être moi !

Je sais que le Grand Roi ne serait pas d'accord avec moi. Après tout, je suis son arme, la clé de la liberté, celle qu'il juge apte à mettre fin à cette occupation. Toutefois, je souhaite toujours être tuée à sa place.

- Est-ce ce que vous avez ressenti... lorsque vous avez appris la mort de votre sœur ? Lui demandé-je en tenant fermement ma robe.

- Oui... Je me suis senti perdu, en colère, je désirais brûler le monde entier, dit-il en soupirant. Je connais ta douleur, Della... Je suis celui qui te comprend le mieux.

Il prend ma main dans la sienne, me tournant face à lui. Je le sais. Je sais tout. Je sais qu'il me répétera que tout cela est un sacrifice, un sacrifice pour le bien de tous, pour notre peuple, pour le Royaume. Si j'avais su que le prix à payer serait aussi lourd, j'aurais remis en question ma décision.

Les heures qui ont suivis, je suis restée seule avec le Grand Roi, majoritairement dans le silence, lui me gardant dans ses bras, me réconfortant. C'est à ce moment que j'ai besoin des bras de mon père, mais à défaut de ne pas l'avoir à mes côtés, j'ai le Grand Roi qui agit tout comme...

- Je serais toujours à tes côtés, Della... Peu importe le chemin qui décidera de suivre après ce moment, dit soudainement le Grand Roi, me lançant un dernier regard avant de disparaitre.

Lorsqu'il disparait, la porte de l'appartement s'ouvre. Je lève le regard, et vois Azref. C'est de cela dont parlait le Grand Roi, donc... Azref vient s'asseoir à mes côtés, les sourcils froncés.

- Etais-tu à l'extérieur ? Me demande-t-il. Personne ne m'a prévenu de ta sortie.

- ... J'ai découvert le chaton que tu m'as offert, mort, lui répondis-je, doucement. J'avais besoin de prendre l'air.

Les yeux écarquillés, il reste silencieux. Je sais très bien que ce n'est pas la mort du chaton qui l'a amené à cet état de confusion. Lui aussi ressent le changement, la transformation de notre dynamique, de l'énergie qui nous entoure. Je ne peux plus faire semblant.

L'ombre écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant