L'ombre écarlate

93.

Je quitte le donjons avec Della, la tête pleine. Cet homme ne peut pas dire la vérité, puis il n'a pas donné de nom précis... mais il n'y a pas deux commandants en second. Les soupçons ne faisaient que de me venir à l'esprit. Pour en avoir le cœur net, je dois me rendre dans son espace le plus privé : sa chambre.

- De qui parlait-il ? Me demande Della.

Je me tourne vers elle, ne sachant que répondre. Elle a le droit de connaître la vérité. Mais lui dire me forcera à lui révéler la raison pour laquelle le roi d'Inimia cherche après elle...

- J'ai encore quelques doutes, lui dis-je en grimaçant. Retourne dans l'appartement, je te rejoins dans quelques minutes.

Elle semble inquiète, mais hoche la tête. Elle s'en va ensuite, suivi de sa servante et de quelques gardes. Il ne devrait rien lui arriver quand je suis là...

Lorsqu'elle disparaît de mon champ de vision, je me rends dans la chambre de Sardor. Mon unique ami... le seul en qui j'avais une confiance aveugle... pourrait être un traître ? C'est... irréel. J'ai oublié que lui aussi, avait un lien avec Inimia. Son histoire familiale pourrait être totalement fausse.

Je laisse mes gardes à l'extérieur et entre seul, priant que cela n'était que des mensonges. Je cherche chaque tiroir, chaque armoire, chaque vêtement. La chambre, qui était bien rangée jusqu'à présent, est devenu un véritable désordre.

Et enfin, enfin j'ai trouvé. Un petit coffre verrouillé. Je force l'ouverture avec ma dague, et l'intérieur me fige immédiatement. Je le vois. Le sceau de la famille royale d'Inimia. C'est... probablement des lettres qu'il a intercepté, n'est-ce pas ?

Je prends la dernière lettre, celle qu'il a écrite ce mois, et je vérifie s'il y a sa signature. Elle y est. Je me mets à lire son contenu, et plus j'avance dans ma lecture, plus mon poing serre le papier.

"Votre Altesse,

Après avoir entendu votre décision de renier la princesse Della, permettez-moi de vous révéler une vérité qu'Althea souhaite à tout prix vous cacher : la princesse ne vous a jamais trahie."

Mon cœur se met à battre rapidement. En plus de Sardor, Della pourrait être dans le coup également ? Si elle ne l'a jamais trahie, alors...

"La princesse a perdue la mémoire, lors de son enlèvement, il y a six mois. Elle ne se rappelle de rien, si ce n'est de son nom. Althea en a profité afin de faire d'elle une alliée, voire une arme contre sa propre famille.

Évidemment, j'ai tenté de l'aider à regagner ses souvenirs, à garder cette haine qu'elle a contre Althea en vie. Cependant, je sens que nous nous mettons de plus à plus à la perdre. Le prince d'Althea réussit à la manipuler à la perfection.

Pour cette raison, j'ai décidé qu'il était temps pour la princesse de retourner chez elle. Ce ne sera qu'à vos côtés qu'elle retrouvera la mémoire. Soyez certains, elle vous reviendra saine et sauve.

...

Comme d'habitude, j'attends avec hâte les nouvelles de mon père. Je suis toujours reconnaissant que vous l'ayez retrouvé pour moi...

Avec toute ma loyauté, Sardor."

Je me mets à rire. Ce chien... je ris de plus en plus, hystériquement, posant ma main sur la bouche. Mes mains tremblent de rage, alors que je réalise que mon ami d'enfance... Sardor... est un traître. Un chien d'Inimia. Tenter de me prendre Della, et me trahir ?

Je me relève en furie, le visage rouge de colère. Je sors de sa chambre, et me dirige vers mes gardes.

- Amenez-moi Sardor et Dame Luzia ici, sur-le-champ ! Dis-je, la voix tremblante de rage. Ne leur donnez aucune raison.

- À vos ordres, votre Altesse.

Ils s'en vont en courant, alors que je me dirige vers mon bureau. J'ai besoin d'être seul. De réfléchir. Dame Luzia, la noble d'Inimia... elle doit sûrement connaître pleins de secrets sur les rebelles, mais je n'ai reçu aucune information. Sardor garderait-il ces informations pour lui-même ?

Et la façon dont il est dur avec Della... ce n'est pas car elle est notre ennemie. Cela n'est uniquement car elle est une alliée, dans les bras d'un ennemi. Moi.

Est-ce pour cette raison qu'il garde en secret ses actes en guerre ? Le massacre de civils d'Inimia... ils n'apparaissent jamais dans les rapports, ce sont toujours des accusations d'Inimia. Ils peuvent être vrais. Ce ne sont peut-être pas que des accusations.

Il a massacré son propre peuple pour pouvoir nous accuser.

Je me tiens la tête, l'esprit bouillonnant de pensées. Sardor ne peut pas être un traître. Je l'aurais sentis. Je l'aurais su. Je ne peux pas être aveugle à ce point, n'est-ce pas ?

- Azref ?

Je relève la tête, et vois Della. Elle me regarde d'un air inquiet, comme si elle sentait mes préoccupations.

- J'ai entendu du bruit, je voulais m'assurer que tout va bien, me dit-elle en s'approchant.

Elle se penche en avant pour arriver à ma hauteur, et elle pose ses mains sur mes joues, comme une tentative de réconfort. Je la prends par le bras et l'attire à moi, la forçant à s'asseoir sur mes jambes. Puis je l'amène encore plus proche en la serrant dans mes bras.

- Je ne sais plus qui croire, Della, dis-je d'une petite voix. Je suis perdu...

- Écoute ton cœur, me dit-elle doucement. Tu es un homme très intelligent, tu sauras la bonne réponse.

- ... J'ai découvert qui est le traître, dis-je en soupirant. Mon cœur le voit comme un ami, comme la seule personne en qui je peux avoir confiance. Mais les faits contredisent ce que je ressens... Sardor ne peut pas être un traître, Della.

Ses yeux s'écarquillent. C'est vrai, j'avais oublié qu'elle ne pouvait pas savoir que c'est Sardor. 

- Je savais qu'il me détestait... Soupire-t-elle, au fond de moi, je savais bien qu'il allait m'attaquer un jour. Mais c'est ton ami de longue date, Azref. Je ne suis pas aussi importante que lui pour toi. Pour toi, je pourrais lui pardonner, mais c'est à toi que reviendra le choix final...

- Tu veux dire que c'est toi contre lui, n'est-ce pas ?

Il est vrai que je connais Sardor depuis plus longtemps que Della... Toutefois, il est un traître. En tenant Della dans mes bras, je réalise à quel point je ne veux pas la perdre. Si c'est elle ou lui, le problème est déjà résolu.

- Je te choisirai, Della, murmuré-je. Je te choisirai toujours.