La bombe anti CH

Chapitre 8

 Kessem Vaugrenard avait quatorze ans lorsqu'il quitta le cocon familial pour jouir de la liberté, un sentiment qu'il n'avait jamais connu auparavant. Ses parents étaient très stricts, beaucoup pour leur propre bien, avec eux, c'était toujours « non » pour tout ce qu'il entreprenait. En même temps, Kessem n'était pas un enfant facile. Il avait été capricieux et plutôt casse-cou. Pour lui, la vie était une aventure et tant pis s'il devait la risquer pour la savourer pleinement.

Après une énième dispute avec ses parents, son père étant devenu violent et sa mère sombrant peu à peu dans une forme de folie, il s'était enfui pour atterrir chez sa grand-mère, une vieille femme aigrie qui parlait toujours du passé, avant que la bombe explose, et que tous avaient fini par abandonner. Il aimait bien sa grand-mère qui vivait recluse dans les bas-fonds d'une ville pas encore entièrement construite. Elle, elle savait ce qui signifiait le mot « liberté ».

Perché en haut du mât d'un bateau qu'il ne lui appartenait pas – pas encore –, Kessem contemplait l'horizon en songeant aux futurs pays qu'il verrait et qui bientôt lui appartiendraient. Il sillonnerait les mers et les océans pour ensuite mettre tous les riches à ses pieds et ainsi dominer le monde. Cela lui semblait être un doux rêve. Inatteignable, mais si doux.

Il laissa le vent lui caresser la peau et soulever ses courts cheveux, savoura le goût de sa future promise, la liberté. Un cri sur le pont le ramena à lui, un de ses amis lui demandait une fois de plus de redescendre sur terre avant de se faire prendre là où il ne devait pas être. Il soupira avant d'obéir, il pourrait toujours revenir le lendemain.

« Penses-tu toujours pouvoir devenir un pirate ? », demanda-t-il une fois Kessem l'ayant rejoint, les bras croisé sur la poitrine, sceptique.

Ce dernier esquissa le sourire à la fois charmeur et sournois dont lui seul avait le secret et qui faisait souvent fondre les pauvres jeunes filles sur qui il avait jeté son dévolu.

« Pourquoi pas ? répliqua-t-il.

- T'as pas la tête de l'emploi, tu ressembles plus à un prince délicat qu'à un pirate rompu au combat.

- Aïe ! Ça c'est vraiment bas, même de ta part.

- Enfin, regarde-toi ! »

Il n'avait pas totalement tord, Kessem n'était pas ce que l'on pouvait appeler charismatique ou terrifiant, mais il y avait des limites néanmoins, il n'avait pas l'allure d'un prince qui n'avait jamais rencontré le bas peuple. Il avait des cheveux châtains, une carrure dans la moyenne et un visage étonnamment jeune, ce qui s'éloignait fortement de l'idée qu'il se faisait d'un véritable pirate, mais le temps saurait le forger. Il espérait bien récupérer quelques cicatrices intimidantes après ses premiers combats.

Agacé par cette conversation qui ne menait nulle part, il sauta du pont sans demander son reste. Il avait d'autres choses à faire, car aujourd'hui serait un grand jour, ce serait le début d'une aventure. Cela faisait déjà plusieurs semaines qu'il y pensait de plus en plus sérieusement. Il avait l'intention d'organiser le vol du trésor royal, sa première véritable action en tant que pirate.

Avant de partir vers le repère de sa bande, il héla une dernière fois son ami, Lorenzo, avec un sourire grandissant :

« Hé ! Rassemble le groupe, j'ai une idée !

- Ai-je une raison de m'inquiéter ?

- Toujours ! »

Cette fois-ci, il fila, monta sur un tonneau pour grimper sur les toits en tuiles ou en paille des taudis dans lesquels la plupart des personnes vivant dans le quarter logeaient. Plus léger qu'une plume, il sauta de maison en maison, narguant les rares policiers qui osaient encore s'aventurer dans ces rues. Ici, tout le monde le connaissait et l'appréciait, mais on protégeait quand même ses poches et autres objets précieux quand on le voyait arriver. Ça l'amusait, car ils n'avaient pas la moindre chance de se soustraire à ses mains expertes de pickpocket.