Selah détestait savoir qu'elle n'avait pas l'avantage. Cela faisait déjà plusieurs jours qu'Hadès l'ignorait délibérément. Elle ne le croisait que rarement dans les couloirs alors qu'ils étaient officiellement mariés et à chaque fois qu'elle le voyait, il faisait en sorte qu'elle se sente rabaissée, comme si elle n'était qu'une reine de façade. Elle détestait cette sensation.
Assise seule à la grande table à manger qui avait vu d'innombrables banquets et qui était désormais réduite à quelques maigres victuailles tout juste susceptibles de convenir à un seul individu, elle sirotait son vin tout en grimaçant. Elle n'avait jamais apprécié l'alcool, son goût amer et la manière dont il faisait perdre la tête en seulement quelques gorgées, mais ce soir, elle voulait se changer les idées, oublier qu'elle était désormais prisonnière dans son propre château.
A peine eut-elle bu deux gorgées du liquide bordeaux qu'elle reposa son verre sur la table, sentant déjà une migraine poindre le bout de son nez. Elle ne tenait vraiment pas l'alcool et cela ne servait à rien d'insister. Elle se rabattit donc sur le bon gigot d'agneau accompagnés de flageolets qui se trouvait dans son assiette, espérant que le fumet alléchant de la viande la distrait suffisamment de ses problèmes.
C'est alors qu'un évènement inattendu se produisit, un serviteur vint lui annoncer que le roi allait se joindre à elle pour le souper. Elle se crispa à cette nouvelle, ne sachant pas vraiment comment réagir. Hadès l'ignorait jusqu'alors, s'il avait choisi précisément ce soir pour s'intéresser à elle, c'était qu'il devait forcément avoir une idée derrière la tête.
Elle se força à regarder droit devant elle lorsqu'il pénétra dans la pièce, elle ne voulait surtout pas lui faire le plaisir de lui montrer que sa présence lui importait – pire, la mettait mal à l'aise. Pourtant, elle sentit qu'il ne la quittait pas des yeux, le poids de sa présence était incandescent, étouffant et elle se sentait brûler intérieurement sous ses yeux qui la transperçaient de toute part.
Finalement, il s'assit et mit fin à cette étrange intimité qu'il avait initié par le biais d'un simple regard qui avait sondé son âme. Un sourire sournois restait néanmoins figé sur ses lèvres, il avait plus ou moins conscience de l'effet qu'il produisait et s'en réjouissait. Selah ouvrit la bouche pour parler, déjà une réplique bien cinglante sur le bout de la langue pour lui faire regretter de se prendre pour le roi du monde – ce qu'il était malgré tous ses efforts pour l'oublier –, mais il la devança.
« Tu as passé une bonne journée ? demanda-t-il avec une familiarité qui hérissa Selah sans qu'elle n'en montre rien.
- Ne fais pas comme si tu t'en souciais, répondit-elle en choisissant à son tour d'employer le tutoiement, même si cela faisait de lui son égal.
- Au contraire, cela m'importe, surtout après la nuit que nous avons failli passer ensemble. »
Selah tiqua, elle ne voyait absolument pas à quoi il faisait allusion et cela l'agaçait au plus haut point. Hadès nota son air déconcerté et son sourire ne manqua pas de s'agrandir avant qu'il n'ajoute quelques précisions sur cette fameuse nuit :
« Tu ne t'en souviens pas, mais il semblerait que tu ne tiennes pas bien l'alcool. Tu t'es jetée sur moi en m'avouant tes plus sombres pensées à mon sujet. En véritable gentleman, je t'ai repoussée, bien évidemment, mais ça a néanmoins été assez difficile, tu es tout à fait irrésistible en petite tenue. »
Selah se sentit rougir pour la première fois depuis bien longtemps. Elle avait déjà eu des conquêtes avant de devenir reine, mais elles étaient rares et leur histoire n'allait jamais très loin, si bien qu'elle avait oublié ce que cela faisait que de recevoir de tels compliments.
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La bombe anti CH
FantasyLorsque les Hommes se prennent pour Dieu et jouent avec ce qu'ils ne comprennent pas, les conséquences pourraient être désastreuses. Une bombe a explosé, réduisant à l'état de poussière tout ce que le genre humain a construit. Peu à peu, la société...