La bombe anti CH

Chapitre 32

 Il y a fort longtemps, lorsque les mythes n'eurent plus aucun sens pour cacher la triste réalité : ils n'étaient pas des dieux et tôt ou tard le péché mortel de leur complexe de supériorité finit par se payer.

La fête en l'honneur des fiançailles d'Ares battait son plein sur la place du village. On entendait les rires et le son enivrant de la musique tandis que les villageois dansaient comme s'ils vivaient leur dernière nuit de bonheur. Cependant, Héra et Zeus n'étaient pas aux réjouissances, mais leur bonheur, lui, était bien présent.

Ils avaient bu un peu trop de vin rouge et avaient fini dans la chambre d'Héra. Désormais, la lumière tamisée des bougies baignait la pièce et éclairait faiblement leurs corps allongés dans le lit trop petit pour les contenir tous les deux. Serrés l'un contre l'autre, ils s'embrassaient passionnément, mais Zeus – resté relativement sobre – veillait à ce que ce baiser n'aboutisse à rien qui pourrait mettre Héra dans l'embarras au petit matin.

Il profitait de la vue de sa belle, de sa présence si proche et si lointaine, tout en sachant que jamais il ne pourrait la faire sienne. Il était immortel tandis qu'elle était condamnée à mourir de vieillesse, il ne pouvait pas rester, il ne pouvait pas se permettre de s'attacher en sachant qu'il en souffrirait quoi qu'il arrive. Il n'aurait jamais pensé qu'un jour il serait attiré par l'idée de mourir uniquement pour rester auprès d'une femme. Mais Héra n'était pas n'importe quelle femme, elle était une déesse, elle était une reine, elle était sa définition de la perfection.

« Raconte-moi encore une fois l'origine de tes pouvoirs divins. », murmura Héra tout contre lui après avoir mis fin à leur baiser.

Zeus sourit faiblement, c'était comme si elle lisait dans ses pensées. Ils étaient connectés, mais ils étaient aussi opposés. Héra voulait être éternelle et refuserait que Zeus renonce à son immortalité pour elle, tandis que ce dernier voulait être mortel et n'accepterait jamais que sa belle Héra soit corrompue par le poids des années comme il l'avait été.

« Lorsque j'ai reçu mes pouvoirs, commença-t-il, j'ai ressenti toute l'étendue de l'Univers en moi, et au même moment, le noyau d'une étoile massive avait fini de s'effondrer sur lui-même, créant ainsi un trou noir. Je suis connecté à ce trou noir, c'est lui qui m'a permis de créer la bombe qui anéantit ma civilisation, c'est également lui grâce à lui qu'une brèche entre deux mondes parallèles s'est créée. Et la pierre que j'ai trouvé ce jour-là n'est rien d'autre qu'un fragment d'étoile morte depuis des milliards d'années.

- C'est fascinant... mais je n'y comprends toujours rien. », répondit Héra en éclatant de rire.

Zeus jeta un regard inquiet à la bouteille de vin laissée vide sur la table de nuit. L'euphorie de sa compagne était peut-être le signe qu'elle avait un peu trop abusé des bonnes choses. Il choisit donc de la laisser dormir, déposa un tendre baiser sur son front et partit rejoindre la fête. Héra essaya de le retenir, mais sombra dans un profond sommeil avant d'avoir pu le convaincre de rester.

Sans un regard en arrière, Zeus quitta la chambre, mais changea d'avis au dernier moment et ne retourna pas à la fête. Il erra dans les ruelles sombres du village sans but précis, savourant l'air frais sur sa peau bronzée par le soleil agressif des longues journées d'été. Après la chaleur presque étouffante des vignes en plein jour, cette fraîcheur nouvelle était une bénédiction.

La lune pour seule camarade dans la nuit noire, Zeus laissa libre cours à ses pensées tout en essayant d'en éradiquer Héra. Cette soirée passée à ces côtés avait été parfaite et il la garderait à jamais en mémoire, mais il devait s'éloigner d'elle, pour leur bien à tous les deux. Il n'était pas l'homme qu'elle attendait, il n'allait pas lui offrir une vie de famille bien rangée. Il était le méchant de l'histoire, il était aussi le héros selon les versions, mais il n'était jamais un simple personnage sans importance.