Chapitre 13

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 L'humeur de Selah était massacrante. En l'espace de quelques minutes seulement après qu'elle ait quitté les cachots, elle avait déjà renvoyé une dizaine de domestiques innocents. Elle ne supportait pas qu'on lui dise « non », encore moins quand son avenir en tant que reine en dépendait. De toute façon, il était dit qu'on la rendrait folle avant la fin de la journée. Dans l'après-midi, Hadès lui avait annoncé sa « brillante » idée d'organiser un bal en l'honneur de la princesse disparue revenue à la cour. Une chose était sûre, ce bal ne pouvait que mal tourner.

Pour l'occasion, le roi avait tenu à choisir les vêtements que les jumelles porteraient. Cet ignoble personnage les avait habillé pareil : une robe très simple – indigne d'une reine – dans un orange des plus détestable. Leur maquillage se résumait à quelques fleurs peintes sur une partie de leurs visages et descendant jusque dans leurs cous. Enfin, leurs coiffures n'étaient rien de plus qu'un chignon des plus banal.

Lorsque Selah s'était vue dans un miroir, elle avait dû se retenir de le briser. Elle ressemblait plus à une jeune noble encore ignorante du monde qui l'entourait, encore pure, qu'à une reine sans peur prête à tout pour garder le pouvoir. Elle n'aimait pas l'image qu'Hadès voulait qu'elle renvoie, ce n'était pas elle, ce n'était plus elle. Elle avait perdu sa candeur le jour où elle avait compris que le monde entier souffrait et qu'elle pouvait causé leur salut tout comme leur perte.

Hadès venait tout juste d'annoncer le retour d'Aideen parmi la société par un grand discours bien ennuyeux qu'elle n'avait pas pris la peine d'écouter, trop concentrée qu'elle était à fixer méchamment sa sœur assise sur son trône. Le roi avait jugé bon de la mettre au centre de l'attention pour que le peuple puisse l'admirer à sa guise et venir lui parler. Selah, quant à elle, était complètement délaissée même si elle dansait avec Hadès en personne et gouvernait le monde.

Parfois, pour se venger, elle enfonçait ses ongles dans les bras musclés de son partenaire, mais Hadès répondait toujours à sa mesquinerie par une décharge glacée parcourant son corps, si bien qu'elle avait fini par arrêter de l'importuner. Désormais, ils valsaient de façon étrange sur une musique tout à fait hors-norme, à la fois douce et entraînante. Ce son rappelait un amour interdit qui se consume lentement.

Selah essayait vraiment de s'abandonner dans les bras d'Hadès, d'oublier pendant quelques instants sa jumelle, le trône, la bombe anti CH et le refus de Kessem, de se détendre toute simplement. Mais les veines noires sur la peau du roi, ou encore ses yeux écarlates et sa peau trop pâle lui rappelaient que trop bien qu'elle n'était pas en sécurité avec lui et qu'elle devait constamment être sur ses gardes pour rester en vie.

« Quelque chose te chagrine-t-il ? » demanda soudain Hadès avec un sourire sournois.

Elle aurait voulu le gifler juste pour voir sa réaction. Si elle blessait son orgueil, lui ferait-il payer au point de la faire hurler au beau milieu d'une salle pleine à craquer ? Elle ne le connaissait pas depuis très bien, mais elle savait que son arrogance était sans limite. Tôt ou tard, il lui aurait fait payer si elle avait choisi de le gifler, alors elle s'abstint.

« Oui, toi. », répondit-elle simplement à sa petite provocation.

Hadès éclata de rire, puis vint caresser tendrement le visage de Selah. Elle se tendit, mais le laissa faire malgré le fait que sa peau contre la sienne soit plus froide que la glace.

« Ceci n'est rien de plus qu'un petit jeu enfantin sans réel danger, dit-il en souriant toujours. Que ta sœur prenne peu à peu ta place est certes blessant pour toi, mais nullement mortel.

- Que veux-tu dire ? Est-ce une menace ?

- Je dis seulement que le jeu vient tout juste de commencer et qu'il n'y a strictement aucune chance que tu gagnes. Tu vas souffrir et tu vas perdre ton trône, parce que tu ne mérites rien de plus. Tu ne te soucies de personne d'autre que toi, tu sèmes la peine partout où tu vas sans jamais payer pour tes crimes. Alors, en bon roi, il est de mon devoir de te condamner comme il se doit.

La bombe anti CHOù les histoires vivent. Découvrez maintenant