Quand le Regret fond vers la Folie 5/9

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J'ignore depuis combien de jours je suis enfermé dans cette chambre

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J'ignore depuis combien de jours je suis enfermé dans cette chambre. À vrai dire, plus le temps passe, plus ma perception de la réalité s'efface. Est-ce que le temps passe vraiment, en fait ? Je n'en ai même pas l'impression. Je suis dévoré par les cauchemars à chaque fois que je m'endors, je n'ai pas revu un seul rayon de soleil et l'angoisse est devenue ma plus fidèle compagne.

Je ne sais pas si je sortirai un jour d'ici... Je ne suis plus sûr de rien. Il n'y a que les anti-douleurs du Docteur Serkis qui m'aide à apaiser ce sentiment de lourdeur dans mon corps. Cette douleur... et cette peur...

Mais pour un court instant.

Serkis me rend souvent visite, il me pose des questions sur moi, sur ma condition, et comment je gère mes souvenirs. Si d'abord je n'avais pas compris ce qu'il voulait dire, j'ai réalisé que peu à peu, je perdais des détails sur ce qu'il s'est passé à Kanghwa. Je ne me souviens plus exactement combien nous étions sur la barque, ni comment j'ai atteins le village... Ni même le nom de mes camarades...

Je ne me souviens que de Jimmy... et du commandant Mitchell...

Ou bien Mike... je ne sais plus...

Comme à son habitude, Serkis n'a pas daigné répondre à mes questions. Il s'est simplement contenté de me sourire et de me rassurer. D'après lui, ce n'est qu'un effet secondaire du traumatisme, ça passera avec le temps. J'ose lui faire confiance.

Aujourd'hui, j'ai vu la vieille Hetelle se dessiner dans le creux de ma porte.

— Allez, viens, lève-toi. C'est l'heure du déjeuner.

Moi qui avait toujours pris mes immondes repas dans la chambre, j'ai été surpris d'être emmené hors de celle-ci pour rejoindre les ailes qui m'étaient jusqu'alors interdites de l'hôpital. Je crains de voir bondir la créature de la dernière fois à chaque tournant de mur. Peut-être que la présence de l'infirmière aide à la garder à distance. Je l'ignore... mais je peux encore sentir sa présence terrifiante et ses yeux rouges qui me guettent dans les parts d'ombre.

Peut-être que j'hallucine...

Je suis emmené à la cantine. Sur le chemin, je remarque que les couloirs de l'hôpital, recouverts de carrelage gris et crasseux, sont vides. Je ne vois aucun autre médecin, ni même d'autres infirmiers au travail. Cet endroit dégage une atmosphère lugubre, les rares fenêtres ne donnent que sur des grilles renforcées où aucune lumière extérieure ne passe. Des ampoules vacillantes éclairent notre chemin.

Et la cantine n'est que plus inquiétante.

C'est une large pièce où des tables sont posées un peu partout. Mais ce qui me frappe en premier...

Ce sont les gens qui y sont.

Il y a peut-être une vingtaine de personnes, mais certains me semblent... étranges. Ils mangent leur bouillis dans une symphonie macabre de râles et de sanglots. Leurs visages maladifs, un triste pêle-mêle de pâleur, revêtent des attraits que je n'ai jamais vu. Un homme de petite taille arbore ce qui s'apparente à une large fleur fanée, tristement inclinée, en guise de parure crânienne. Un autre exhibe des dents de sanglier qui broient lentement un morceau de pain rassis. Mon regard croise même celui d'une femme – si l'on peut la qualifier ainsi – à la peau bleutée et aux cheveux ébènes ruisselant d'eau. Elle fredonne un air mièvre que je ne reconnais pas. Ses yeux mauves à la pupille fendue se posent sur moi, faisant bondir mon cœur de terreur.

𝐑𝐄𝐀𝐋𝐈𝐓𝐔𝐀𝐑𝐈𝐔𝐌Où les histoires vivent. Découvrez maintenant