- 𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄 -

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Qui n'a jamais imaginé un monde parfait au moins une fois au cours de sa vie ? Une utopie irréalisable où tous les problèmes se résoudraient sans estafilade, sans guerre, ni violence ? Une terre de fantaisie, d'amour, de lumière et de magie ; un r...

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Qui n'a jamais imaginé un monde parfait au moins une fois au cours de sa vie ? Une utopie irréalisable où tous les problèmes se résoudraient sans estafilade, sans guerre, ni violence ? Une terre de fantaisie, d'amour, de lumière et de magie ; un rêve germant secrètement en chacun de nous. Tout le monde se souvient de ces moments, de ce diaporama rocambolesque nous submergeant, tel une vague sans fin, dans l'antre même de cette fantastique mécanique nommée l'imagination. Moi, je m'en souviens parfaitement. Comment l'oublier ?

J'étais allongé dans mon lit, la tête enfouie dans l'oreiller, tandis que l'innocence de mes pensées était aussi pure que le premier bourgeon du printemps. L'air extérieur était empreint de fraîcheur, caractéristique de l'hiver. Les flocons dessinaient des spirales infiniment folles avant d'achever leur valse sur la chaussée, sans le moindre bruit. De ma fenêtre embuée, je les observais dégringoler avec fascination.

La lueur vacillante d'une chandelle projetait des spectres dorés, dansant en rythme sur les lattes disloquées de ma chambre. Tout était si paisible.

Sagement, j'écoutais la lecture de mon livre favori : Alice au Pays des Merveilles, de Lewis Carroll. Ce livre m'avait été offert pour mes huit ans par mon père, John. Il ne se lassait pas de me conter les abracadabrantes aventures de cette petite anglaise perdue dans ce monde fantastique. Lui-même était un fervent admirateur de cet univers littéraire absolument grotesque ! Je me souviens encore de sa voix sage et rocailleuse, parcourant les lignes où Alice faisait la rencontre de la chenille, du chapelier fou, du lièvre de mars et du fameux chat de Cheshire.

Mais voilà que la fin du chapitre arrive, clôturant ainsi ma lecture quotidienne du soir. Je me suis redressé brusquement, les pages presque neuves se rabattant dans un infime nuage de poussière. Ce ne pouvait pas être fini ! Pas encore ! Je voulais savoir ce qu'il se passait après. Je faisais part de mon mécontentement à mon père, croisant mes bras sur ma poitrine. J'essayai de froncer les sourcils et de gonfler mes joues pour paraître plus intimidant.

— Non, pas maintenant papa, je voulais savoir ce qu'il allait se passer !

Saisi d'étonnement, il plissait ses paupières lourdes de fatigue, sûrement curieux de savoir ce qui se tramait dans ma petite tête.

— Mais enfin, petit ours, tu connais la suite. Ce n'est pas la première fois que je te raconte cette histoire, riait-il.

— Je le sais, mais j'aime la redécouvrir. J'imagine tant de péripéties supplémentaires à chaque lecture ! Parfois, avec Duncan, on fait des jeux dessus et on invente plein de nouvelles choses, comme des créatures ou des endroits merveilleux. Ça n'a tellement aucun sens que j'ai l'impression de vivre une nouvelle histoire à chaque fois.

Il me souriait avec tendresse, jugeant certainement que je ne lâcherai jamais l'affaire. C'était peut-être vrai. Il s'extirpa ensuite de son fauteuil en rotin, abandonnant un grincement derrière lui. Il se pencha alors au-dessus de moi pour me border.

Il déposa mon vieux lapin en peluche, Bunny, à côté de mon oreiller. Il avait un joli noeud papillon rouge autour du cou que je lui avais mis moi-même ; le ruban de ma maman. Celui qu'elle mettait autrefois dans ses cheveux, d'après mon père.

— Dans ce cas, pense à ce qu'a dit Alice dans le livre.

Je fronçais légèrement mes sourcils sur le sommet de mes yeux bleus.

— « Si le monde n'a aucun sens, qui nous empêche d'en inventer un ? » me confia-t-il doucement, tel un secret. Endors-toi maintenant. Bonne nuit, petit ours.

Une caresse se posa dans mes cheveux bruns et me laissa spéculer sur ces paroles. Ma bougie est désormais soufflée, je dois dormir. Mais je n'en ai pas envie... Je percevais encore le son si familier des pages se tournant, comme désirant changer d'horizon. J'imaginais une immense plaine gorgée de livres où j'irais parcourir tous ces univers fictifs auxquels je suis si attaché, accompagnée de fées et autres créatures magiques. Mais aussi de tous ceux que j'aime ; Duncan, Bunny ou même papa.

Oui... J'aimerais tant...

Une fois seul, je bondissais hors de mes couvertures et ouvrais mon tiroir pour sortir mon carnet de notes vierge. Celui que mon père m'a offert à mon anniversaire le mois dernier. Il lui appartenait autrefois, mais il ne s'en était jamais servi. Il était un homme cultivé qui adorait la littérature anglaise, un humble soldat ébréché par l'outrage du temps, de la maladie et de la guerre. Il était et restera toujours un éternel enfant, rêvant tout simplement d'un monde meilleur où personne ne souffrirait. Je voulais lui offrir cet univers dont il rêvait tant.

Sous le regard de mon lapin blanc, je posais alors maladroitement au crayon de papier mes premières idées, mes premières créatures, mes fabuleuses contrées et tous ces personnages. Du plus brut de mon essence naissait un royaume de magie, le royaume de mon imaginaire : Myroria.

Cette minuscule étincelle de créativité, de folie, qui semblait si insignifiante, s'est avéré être bien plus puissante que je ne l'aurais jamais imaginé.

𝐑𝐄𝐀𝐋𝐈𝐓𝐔𝐀𝐑𝐈𝐔𝐌Où les histoires vivent. Découvrez maintenant