Les Ombres De Néphilune

1 (Partie 2/3)

Sous le ciel et le brouillard écarlates, la maison des Lefèvre semble presque irréelle. Illuminée par la lueur sinistre qui émane du ciel, elle se dresse comme un refuge fragile dans un monde en proie au chaos.

Les murs de pierre blanchie prennent une teinte écarlate dans la lumière étrange de la nuit, tandis que le toit en tuiles rouges semble absorber la couleur rougeoyante du ciel.

À travers la brume la silhouette de la demeure semble flotter, comme si elle était plongée dans un monde de cauchemar. Les ombres dansantes des branches des arbres se reflètent sur les murs, créant une atmosphère angoissante.

Située dans un quartier résidentiel paisible, non loin du centre ville, elle est entourée d'autres bâtisses similaires et bénéficie d'un cadre tranquille, loin de l'agitation des rues principales.

La forêt où le bossu a plantée sa tante est à une distance respectable à environ une demi-heure de marche.

Mila et ses parents, les gardiens discrets de cet oasis fragile, se fondent dans l'ombre. Gabriel, son père, est un homme robuste aux cheveux grisonnants. Il s'occupe de la sécurité de Néphilune, tandis qu'Isabelle, sa mère, douce et résiliente, aide les personnes fragiles vivants dans la cité.

Les cris stridents de Mila résonnent dans la chambre, déchirant le silence de la nuit. Le lit tremble sous les secousses sismiques, préfigurant un malheur imminent. Alerté par le bruit et les tremblements de terre, Gabriel se lève précipitamment de son lit et attrape son épée accrochée à une ceinture. Sa longue barbe et ses yeux vifs comme ceux d'un faucon témoignent de son expérience et de sa détermination à protéger sa famille. Isabelle, sa femme, le suit de près.

— Que se passe-t-il ? demande Mila, effrayée en les voyant entrer dans sa chambre.

Son père, le visage grave, prend une profonde inspiration :

— Alarion est mort.

Mila se souvient alors de la prédiction d'Elindra, une naine âgée, voyante et guérisseuse vivant dans la cité de Pierremasse. Très célèbre pour ses visions généralement toujours exactes et ses soins miraculeux, elle a prédit au Roi lui-même, qu'un jour, sans qu'elle ne sache quand exactement, il se fera tuer par un jeune mage mi-humain mi-elfe répondant au nom de Moros. Dès lors de sa mort, celui-ci créera avec sa magie noire des créatures terrifiantes qu'il appellera des Dra'quens, afin qu'elles détruisent le monde. Pour annoncer leur venue, il provoquera un puissant tremblement de terre et produira un épais brouillard à la couleur du sang.

Personne ne croyait à cette prophétie, car Alarion était connu pour être le sorcier le plus puissant au monde et de surcroît immortel.

— C'est impossible, murmure Mila.

Malgré son incrédulité, elle ne peut ignorer les sombres présages qui se réalisent sous ses yeux.

Isabelle, pose une main réconfortante sur l'épaule de sa fille :

— Chérie, Elindra a toujours eu raison dans ses prédictions.

Mais Mila, les larmes aux yeux, tente de résister à l'évidence :

— Non, pas toujours ! insiste-t-elle. Rappelez-vous la fois où...

Un terrifiant grognement se fait entendre à l'extérieur, la forçant à se taire.

Gabriel, le regard sombre, scrute l'obscurité à travers la fenêtre.

— Ce sont les Dra'quens. Isabelle, emmène Mila dans la cave. C'est le seul endroit sûr.

Isabelle prend la main de sa fille et commence a la tirer hors de la chambre, mais Mila refuse de la suivre.

— Papa, viens avec nous...

Son père, le regard empreint de tristesse, lui sourit avec résignation.

— Non, mon ange. Tu dois suivre ta mère.

Les larmes aux yeux, Mila acquiesce avec peine et suit sa mère vers l'obscurité de la cave. Dans la chambre désormais déserte, Gabriel se tient droit, seul face au danger qui s'annonce. Un silence pesant enveloppe la maison, rompu seulement par le grondement lointain des éléments déchaînés à l'extérieur.

Soudain, un craquement sinistre retentit, suivi d'un fracas déchirant alors que les volets de la chambre sont violemment arrachés de leurs gonds. La fenêtre explose en une gerbe d'éclats acérés, ouvrant une brèche béante par laquelle les créatures s'engouffrent. Leurs silhouettes obscures se découpent dans la lumière vacillante.