Chapitre 22

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Ce matin, j'ai été surprise de trouver Sevan attablé, en train de travailler sur son ordinateur portable. Ce qui m'a le plus choquée, c'est qu'il buvait un thé au curcuma. Jusqu'à présent, je ne l'avais jamais vu boire autre chose que de l'alcool, de l'eau et son café du matin. Et le thé n'est pas la première boisson qui me vient à l'esprit lorsque je pense à lui.

Toute la journée, j'ai regardé la télé en grignotant. Lui, a bossé. L'atmosphère était bizarre, sans être dérangeante. Nous ne nous sommes pas adressés la parole, nous avons mené notre vie chacun de notre côté.

Ce soir, il a commandé des pizzas. Un nouveau choc m'a secoué quand j'ai vu qu'il avait pris une Regina avec beaucoup de fromage pour moi. La première fois qu'il a passé commande, je lui ai dit que c'était ma préférée. Il s'en est visiblement souvenu.

Nous mangeons devant la télé. J'ai mis l'émission de tatouages qu'il aime bien. En fin de compte, elle n'est pas si mal. Les tatoueurs effectuent un travail minutieux, qui demande une patience monstre ainsi qu'une extraordinaire assiduité, et le résultat final est prodigieux à chaque fois.

Au terme de notre repas, je débarrasse et décide d'aller me coucher. En contournant la table, mon regard tombe malencontreusement sur la chaise que Carson occupait pendant que je dansais pour lui. Je mords l'intérieur de ma lèvre, prise de remords.

Je regarde ensuite Sevan, qui est absorbé par son émission. Il est assis - pour ne pas dire affalé - à quelques centimètres de la place à laquelle j'étais installée quand Jackson m'a embrassée.

La scène se rejoue dans mon esprit. Mon cœur se serre, un pincement douloureux m'arrache une grimace. Pourquoi est-ce qu'il a pété un plomb de cette façon alors qu'il disait quelques heures auparavant qu'il ne faisait que jouer ?

Peut-être parce que ce n'est pas qu'un jeu. Peut-être qu'il a menti ? Du moins, en partie. Ou peut-être que je me fais des films ? Oui, c'est plus probable.

Aussi pitoyable que tu es, me souffle ma conscience.

Néanmoins, je dois m'excuser. Et le plus tôt sera le mieux. Je me racle la gorge, plus pour me donner du courage et de la contenance que pour attirer son attention. Puis d'une voix nerveuse, je me lance :

— Tu t'en fous sûrement mais... je voulais m'excuser pour ce que j'ai fait samedi dernier. C'était mal. Je sais que ça n'y changera pas grand-chose... parce qu' il est trop tard, mais je tenais vraiment à te le dire.

Il ne réagit pas, ne bouge pas d'un millimètre. Son silence me gifle violemment. Mon cœur se fissure malgré mes efforts pour repousser la tristesse qui s'insinue dans mes veines et m'étrangle. Je ne m'attendais pourtant pas à une quelconque réaction positive, mais là, je dois dire que son ignorance me foudroie.

Bien moins confiante, mais déterminée à être franche, je poursuis :

— En fait, je l'ai fait parce que...

Ma gorge est tellement sèche, comme si mes glandes ne produisaient plus une goutte de salive.

— Je... je t'ai entendu parler avec Rivera. Ça m'a blessée alors j'ai voulu te le faire payer. C'était con.

Je déglutis avec difficulté.

— Voilà. C'est tout. Bonne nuit.

Sur ces mots, je file en quatrième vitesse à l'étage. Je fais un passage éclair à la salle de bain pour me laver le visage et me tartiner de crème hydratante, puis je m'enferme dans ma chambre et enfile ma chemise de nuit. Je m'étale à plat ventre sur mon lit en soupirant lourdement.

Bordel, pourquoi c'est si compliqué ? Pourquoi est-ce qu'il a dit ça ? Pourquoi je l'ai pris à ce point à cœur ? J'ai joué volontiers, après tout. Mais il a cet effet, ce pouvoir sur moi. Il me met hors de moi et, paradoxalement, il m'attire. C'est plus fort que moi.

Black AngelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant