Chapitre 1

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C'est le dernier virage et après, on rentre sous le pont en pierre surmonté d'une petite cascade d'eau qui à cette période de l'année est gelée. On a roulé huit interminables heures depuis Paris pour arriver sous un ciel bleu dans ce qui est pour moi la meilleure station de ski des Alpes.

Comme tous les ans depuis cinq ans, on a loué le petit appartement de la famille Amary qui a un accès direct sur les pistes. Mais cette fois-ci, on reste deux semaines, car papa a eu « ça prime du moi » comme il aime le dire en rigolant.

- Aria, on est arrivé ! Il faut décharger.

Ma mère me sort brusquement de ma contemplation du paysage avec sa phrase habituelle qui nous signale gentiment de l'aider à décharger la voiture. Mon frère souffle et range son téléphone tandis que je remets mes chaussures.

- C'est quel étage ? beugle mon frère

- Toujours le même Elio ! crie ma mère en s'avançant vers l'entrée de l'immeuble

Cet appartement a toujours la même odeur, un mélange de bois avec un peu de poussière et de temps en temps des relents de transpirations des chaussures de ski, mais qui fait « son charme » d'après mon père. La moquette au sol n'a pas changé, rouge et granuleuse avec des traces de neige laissé par mes Moon Boots. Nos lits superposés sont toujours dans le petit renfoncement de l'appartement qui nous sert de chambre pour la saison de ski. Je remarque que les Amary ont rajouté des étagères sur le côté pour que je puisse enfin poser mes livres autre part que sur le sol. Avant de me jette sur le lit du bas pour faire comprendre à mon frère que c'est le mien pour les deux prochaines semaines, je sors sur le balcon qui est presque plus grand que le salon pour admirer la montagne qui surplombe l'immeuble. Cette station est une des plus hautes des alpes, les arbres y sont rares, mais je préfère l'uniformité de la blancheur de la neige sur les reliefs, ça m'apaise. J'en profite pour prendre une grande inspiration et me détendre avant l'avalanche des choses à faire ne viennent me submerger.

- On descend prendre les skis avant qu'il n'y ait trop de monde et après les garçons vont chercher les forfaits et nous, on fait les courses d'accord Aria ?

Et cette avalanche commence toujours par l'organisation minutieuse de ma mère.

- Oui maman, je réponds en levant les yeux au ciel et lui faisant signe que je me prépare à la suivre

L'organisation minutieuse de ma mère peut paraître angoissante au premier abord, mais elle est réellement utile quand je vois la queue démesurée devant le loueur de skis quand nous sortons avec les nôtres. J'ai eu de la chance cette année, j'ai des chaussures et des skis assortis, noirs avec le logo rouge qui iront parfaitement avec mes deux nouveaux pantalons. Mon frère lui fait la tête comme à chaque fois, car il n'a pas eu de skis confirmés, mais seulement intermédiaire. Ça lui apprendra à répéter non-stop pendant huit heures qu'il est meilleur skieur que moi. Même si je pense sincèrement qu'il l'est depuis qu'il m'a rattrapé en taille malgré le fait qu'il soit plus jeune que moi.

Ma mère avança d'un pas rapide devant nous avec ses chaussures de ski dans une main et son téléphone dans l'autre.

- Elle ne stresse trop pour rien, il n'est que 15 h, braille mon frère

- Je sais, mais laisse-la avec son organisation, c'est sa manière à elle de passer de bonnes vacances

Mon frère acquiesça et il la rattrapa en essayant de ne pas tomber par terre avec ses chaussures de ville. Je les regarde batailler pour savoir qui devait aider qui a porté les skis quand mon regard vu attirer par la vitrine d'une épicerie de montagne. Il y a sur l'étalage une ribambelle de gâteaux savoyard, des bugnes, mais aussi des rissoles. Toutes ces pâtisseries me font saliver et mon ventre crie famine, mais mon cerveau lui n'a pas faim et quand c'est ça, c'est souvent la guerre. J'ai toujours eu du mal avec la nourriture trop sucrée ou trop grasse et surtout en voyage quand je suis loin de chez moi et de mes habitudes alimentaires, je suis tiraillée entre cette faim incessante et cette voix qui m'interdit de manger.

- Aria ! Dépêche-toi, il faut qu'on aille faire les courses et j'ai l'appartement à ranger

- J'arrive, crié-je un peu trop fort que les passants autour se retourne

Ma mère a vraiment la manie de m'exaspère dès qu'elle est stressée de son organisation.

Je presse le pas pour arriver aux casiers à skis sans que ma mère s'aperçoive que j'ai fait perdre 20 minutes à son organisation.

- Je suis là !

- Ce n'est pas trop tôt à baver devant les gâteaux ajouta mon frère avec sa manière agaçante de me rappeler le combat que je mène avec moi-même et qui par ailleurs mène lui aussi

Je lui adressai un regard noir et suivit ma mère jusqu'au supermarché de montagne.

Les rayons étaient vides pour un samedi de chassés-croisés, mais ça n'empêcha pas ma mère de presque courir dans le magasin pour remplir les sacs de courses de gâteaux, apéros et pâtes.

De mon côté, je déambulai dans les rayons en regardant minutieusement toutes les étiquettes des produits pour prendre les meilleurs. Ça, c'est mon organisation qui exaspère ma mère et qui je sens souffler derrière moi quand je m'avance vers le dernier rayon.

- Je ne trouve pas d'eau citronnée gazeuse !

- Prend de l'eau gazeuse et du sirop de citron

- Non, je vais demander au jeune homme

Je fronce les sourcils en me demandant de qui, pouvait-elle bien parler quand je repère le fameux jeune homme qui n'était d'autre que bien évidement un jeune employé de magasin d'environ mon âge, plutôt attrayant. Je reste là donc plusieurs minutes à l'observer parler à ma mère quand il se retourna et m'adressa un petit sourire. Mais au lieu de lui rendre son sourire comme toute personne normalement constituée et aimable, je repris mon regard noir, neutre et lui tourna le dos de manière passablement exécrable. J'ai toujours eu du mal avec les garçons surtout depuis que j'ai 18 ans et que je peux plaire à des plus vieux que moi. J'essaye, car au fond de moi, je veux rencontrer quelqu'un, mais je me braque à chaque nouvelle rencontre. De plus je pense que l'amour doit passer par une amitié forte, bien le fait que mes amis soient majoritairement des garçons, j'ai généralement du mal à aller au-delà de l'amitié. Mais je ne suis pas venue à 2100 mètre d'altitude pour rencontrer quelqu'un, je suis venue pour me reposer, me vider et juste profiter.

Tout SchussOù les histoires vivent. Découvrez maintenant