Chapitre 8

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- T'es venu faire le prof chiant ou il y a une bonne raison pour que tu nous interrompes ? lance Lucas en étant parfaitement rieur, mais avec une pointe d'agacement.

- Le coach veut te voir, il n'est apparemment pas content que tu dragues au lieu de t'entrainer

Lucas fait les gros yeux en soufflant et j'avale difficilement ma salive, embarrassée.

- Heu... Désolé Aria, je reviens vite, beugle-t-il en s'éloignant à toute vitesse

Je le regarde s'éloigner jusqu'à ne plus l'apercevoir. Je me retourne délicatement vers là où Soren se tient, tête baissée pour faire bien attention de ne pas croiser son regard. Un blanc trop long s'installe entre nous. Avant que la situation ne devienne plus que bizarre, je m'élance avec le snowboard vers le côté de la piste pour me déchausser. Les pas de Soren font grincer la neige derrière moi.

- On n'a pas eu l'occasion de bien se présenter, annonce-t-il

Je me fige et pivote pour me retrouver face à lui, les mains tremblantes légèrement sous mes gants.

- Je m'appelle Soren

- Moi c'est Aria

- Je sais

Moi aussi, je sais qu'il s'appelle Soren, il croit être le seul génie. Un autre blanc s'installe avant qu'il ne réengage la discussion.

- Je voulais m'excuser par rapport à ta chute fin à notre collision et nos réactions

- Pas la peine, Lucas, c'est déjà excusé 10 fois pour vous, mais merci

Je me baisse et m'active à retirer mes attaches.

- Du Lucas tout craché, pouffe-t-il, j'espère que je ne t'ai pas fait trop mal

- Non mais c'est moi qui espère ne t'avoir rien cassée, vu comment je suis arrivée à fond

Il rit en passant une main dans ses cheveux noirs comme la nuit.

- Très honnêtement, même si tu étais allé plus vite, tu ne m'aurais pas fait une égratignure !

Arrogant en plus. Très bien.

- Ça va les chevilles

- Super, me dit-il, avec un clin d'œil malicieux

Je fronce les sourcils et me relève pour rejoindre la plateforme en bois, mais Soren me rattrape et tapote sur mon épaule.

- Attend ! Je suis réellement désolé surtout pour la réaction d'Anaïs, c'était super agressif de sa part

- T'inquiété, j'ai dit, c'est du passé

- Je peux t'inviter à ma petite soirée ce soir ? en guise de pardon ? me demande-t-il nerveusement

Je recule brusquement, choquée de cette question un peu trop directe.

- C'est une tradition ici d'invite des filles en soirée 30 secondes après les avoir rencontrées ?

Il hausse les épaules avec un regard espiègle.

- C'est le chalet à côté du lac

Il s'éloigne pour rejoindre un groupe de snowboardeurs qui s'est formé pas très loin de nous.

- Et l'heure ? je hurle

Il ne se retourne pas. Bien. En plus d'inviter les gens au bout de 2 min de conversations, on s'en va en plein milieu et on ne donne pas les infos entièrement. La gente masculine est bien compliquée.

Ça fait plus d'une heure que j'observe le ravin à côté de la plateforme en attendant le retour de Lucas. Je ne voulais pas partir comme une voleuse sans le remercie du petit cours particulier.

- Je suis désolé, le coach a pris plus de temps, dit-il, essoufflé de sa course vers la plateforme

- Pas grave, je ne voulais pas partir sans te remercier du cours

- Oh, ce n'est rien, mais on a été coupé, pourquoi pas remettre ça à demain ?

- Heu... Il faut que je vois avec mes parents, mais je repasserai sur la piste, surement

- Super à demain alors

Je fais un signe de la main et glisse jusqu'à la piste public pour retourner à la station. Il sait que Soren m'a invité à sa soirée ? Ou alors, il n'est pas invité lui ? Bizarre non ? Je chasse mes questionnements sur la soirée dont je ne suis même pas sûr d'y aller et me reconcentre sur la piste et les abrutis qui foncent pour faire les derniers télésièges.

Quand je rentre à l'appartement, je n'y trouve que ma mère. Mon frère et mon père sont partis faire des courses et réglé leurs chaussures de ski.

- Ta journée s'est bien passée, me demande calmement ma mère

- Oui, super

- Tu ne me racontes pas ta virée au bar d'hier soir ?

Je déglutis et me gratte le cou frénétiquement.

- Il n'y pas grand-chose à raconter, je suis rentrée à 22 h

- Bien et aujourd'hui ? Tu as skié toute la journée seule ? me demande-t-elle avec un ton plus sec

- Non, j'ai fait du snowboard avec des gens du bar

- Hum

- Et je voulais savoir si je pouvais aller ce soir à une petite soirée chez ces fameux gens du bar

Elle bouge nerveusement sur sa chaise. Signe qu'elle n'apprécie pas vraiment ma demande.

- Puisqu'on ne peut rien te refuser

J'écarquille les yeux.

- Ce sont les vacances et puis j'ai 18 ans, je lui lance amèrement

- Très bien, alors ne me demande pas

Je sens cette tension habituelle dans l'air qui a le don de me mettre hors de moi.

- Non mais t'a fini de te braquer à chaque fois que je demande quelque chose ? De faire autre chose que de rester avec vous ! C'est même toi qui voulais que je sorte pour penser à autre chose, me sociabiliser à nouveau, j'hallucine !

- J'arrêterai de me braquer quand je pourrai savoir ce que tu fais et ne pas devoir passer par ton père ou de te faire un interrogatoire, ça aussi, c'est hallucinant ! 

- Mais tu viens de dire que j'avais 18 ans ! Donc, je fais ce que je veux non ?

- J'ai bien compris tes 18 ans, mais la base d'une relation seine mère et fille, c'est la communication, me crie-t-elle 

- Tu vois, tu commences à hurler, fin de la discussion

Elle me fusille du regard et s'enferme dans la chambre en claquant la porte. Je reprends ma respiration et me masse les tempes. Je rentre dans la douche pour faire évacuer le reste désagréable de la discussion et de ma transpiration par ailleurs. Tout le temps la même chose. J'ai le droit d'avoir des secrets à moi. J'ai le droit d'avoir une vie privée. J'ai le droit de ne pas tout partager. Merde. 

Tout SchussOù les histoires vivent. Découvrez maintenant