Chapitre 28

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- Aria ?

Ma mère me tape doucement derrière l'épaule.

- On peut monter, c'est bon !

Mon corps la suit, mais mon cerveau est toujours resté à ce qu'il s'est passé il y a peine quelques minutes. Mes yeux quant à eux fixent toujours le télésiège qui est maintenant qu'un point noir dans l'immense paysage blanc montagnard.

- Attention ! Il faut s'asseoir rapidement ! hurle un pisteur

La réalité me rattrape trop vite quand je manque de me faire percuter par un siège. Le pire, c'est qu'il n'est pas débrayable. Il m'arrive en plein dans le dos et me blesse légèrement l'arrière des jambes. Je râle et m'assois violemment.

- On se fait tout le temps avoir avec les non débrayable, s'exclame mon père

Pas moi. Je ne me fais jamais avoir par les non débrayables. Cependant, pars les mains qui frôlent oui.

Étant donné que ce n'est pas un débrayable, la montée est lente, trop lente. Mon esprit flotte et l'arrière de mes jambes me signale que je dois avoir au moins deux gros bleus. Les montagnes défilent autour de nous avec leurs pics blancs majestueux qui semblent toucher le ciel d'un bleu parfait. La seule chose qui n'est pas majestueuse dans cette montée outre le temps, c'est ce cliquetis mécanique des installations du télésiège. Insupportable. De toute manière, je ne sais pas ce que je peux supporter en ce moment. Ce contact fugace avec Soren m'a mis encore plus de mauvaise humeur même si mes joues et la chaleur qui s'en dégagent me soufflent l'inverse. C'était qu'un geste furtif, surement non voulu. Mais en même temps, ce regard qu'il m'a lancé quand je l'ai aperçu, je n'étais pas un regard normal. Arg.

- Ça va Aria ? me questionne ma mère

- Oui oui !

Je retourne à mon silence et ses ruminations. Il faut que j'arrête. C'est bientôt la fin du séjour, j'ai décidé de me détacher du groupe pour profiter comme il faut de mes derniers jours de vacances. Mais en même temps, je sais que quelque chose à changer en moi et que cette perspective de partir me rend triste. Trop triste pour un simple séjour de ski que je fais tous les ans.

Quand nous atteignons enfin le sommet après, je ne sais combien de minutes de télésiège, j'ai l'impression d'émerger. Je me lève du siège sans me faire avoir cette fois-là. Je me stabilise dans la neige qui crisse sous mes skis. Le vent est glacé ici, bien qu'on ne soit pas encore au glacier, il est plus intense qu'en bas. Je jette un coup d'œil vers mes parents et mon frère qui s'organisent déjà, ajustant leurs masques et serrant leurs gants, discutant joyeusement des pistes qu'ils veulent descendre. Je fais quelques pas dans la neige pour m'approcher d'eux.

- Aria ! tu es prête ? lance mon frère en s'approchant, ses bâtons de ski en main, le sourire impatient.

- Oui, bien sûr, je réponds en ajustant mon masque et les dragonnes de mes bâtons

Je prends une profonde inspiration. C'est peut-être le moment de laisser tout ça de côté, de profiter simplement de la descente, de la vitesse et de la neige. Tout le reste pourra attendre.

La première descente de la journée est toujours la meilleure. Je me faufile entre les autres skieurs et snowboardeurs tout en me concentrant sur mes mouvements, cherchant toujours à améliorer mes virages et mes dérapages. Mon père m'avait expliqué la dernière fois qu'il faut savoir bien contrôler sa vitesse dans les dérapages, sinon c'est la blessure aux jambes assurer. J'ai encore un peu de mal à le faire et j'ai souvent mal après des journées entière de ski. Mais au moins, je n'ai pas des milliards de bleus sur les fesses et les genoux. Le froid me mord le visage, mais je continue. La neige éclatante contraste avec le ciel azur et fait presque mal aux yeux. Je n'aime pas forcément la vitesse en voiture, mais en ski, elle me procure une sensation de liberté et de force. Je glisse de droite à gauche avec le vent qui me siffle dans les oreilles. Ma mère est derrière mon père bien devant nous et mon frère essaye tant bien que mal de me rattraper. Je souris. Un vrai sourire.

Quand j'arrive en bas de la piste, je ralentis pour faire le magnifique dérapage qui asperge mon père de neige.

- Ah non !

- Ah si je réponds en hurlant

Mais le karma me rattrape brutalement. Je me prends non pas un mes deux paquets de neige dans la tête, le plus petit par ma mère et le plus gros par mon frère.

- Sérieux ?

- Très sérieux, lance mon frère

- Bien fait, ricane mon père

Je me débarrasse des morceaux de neige restants sur mon blouson et plante mes bâtons dans la neige. Il m'en reste encore un amas dans ma tresse que j'essaye d'arracher, mais en vain. 

- C'est coincé dans mes cheveux maintenant ! je me plains

- On refait la même ! elle était top ! s'exclame mon frère en ignorant complétement ma plainte 

Je hoche la tête en grognant vers mon frère qui est prêt à repartir. J'ai à peine le temps de reprendre mon souffle de cette descente qu'il faut repartir. Je secoue ma tête une dernière fois afin de détacher les maudits morceaux de neige, mais je suis stoppé net dans mon élan quand j'aperçois, derrière mon frère, sur l'autre côté de la piste, Soren et le groupe. Mon cœur rate un battement.

- Oh ! on la refait du coup ? demande mon frère en faisant de grands signes

- Oui, je...

- Tu ?

- Oui ! j'ai dit oui !, dis-je en m'énervant presque

- Oula ça va, je n'ai pas entendu, rétorque mon frère

Nous réajustons nos bâtons et nous dirigeons vers un autre télésiège qui amené en haut de la piste. J'évite soigneusement de regarder dans la direction de Soren et du groupe, mais j'ai l'impression de sentir son regard sur moi. Je me force à ignorer cette sensation et je me concentre sur ma famille, sur mes skis et les sensations que je m'apprête à ressentir encore sur la descente. 

Tout SchussOù les histoires vivent. Découvrez maintenant