T1.Chapitre 4 - Menace

69 12 32
                                    


Le réveil est étrange. Je ne reconnais ni la dureté du matelas miteux du van, ni les odeurs de sueurs et de vomis. Ici, tout est si agréable et réconfortant, mon corps étant enveloppé dans un nuage, complètement détendu sans être agressé par le froid imprégné de la taule.

D'un bond, je me redresse dans les draps blancs de Mikhaïl, le palpitant au bord de l'arrêt en craignant que ma rencontre avec mon sauveur n'ait été qu'un mirage.

Car c'est bien ce qu'il a fait. Il m'a sauvé d'une mort certaine, et de bien pire encore, que cela m'en déplaise.

J'ai l'impression de lui devoir quelque chose et cette sensation me colle à la peau comme une sangsue s'abreuvant de sang.

Éloignant mes tergiversations, et après avoir piqué un pull dans l'armoire de mon hôte, n'ayant rien d'autre à me mettre sur le dos, je pars à sa recherche et le retrouve à la cuisine où il sirote un café en lisant le journal local.

- Privet, Raduga.

- Je suppose que tu m'as dit "bonjour", tenté-je en me servant une tasse.

- Effectivement, s'amuse-t-il en lapant mes jambes. Bien dormi?

- À la perfection, réponds-je en m'étirant. Cela fait bien longtemps que je n'avais pas été dans un vrai lit!

- Je veux bien te croire, se moque-t-il. Tu as fait le tour du cadran!

- Que veux-tu dire? demandé-je, interloquée par sa remarque.

- Que tu as dormi deux jours pleins. J'ai cru que tu étais morte mais tu respirais toujours alors je t'ai laissé squatter mon lit.

- Comment?! m'exclamé-je. Je-Je suis désolée, bredouillé-je soudainement mal à l'aise. Je ne voulais pas abuser de ton hospitalité...

- Tout va bien, Moy dorogoy. Si je ne voulais pas que tu restes, je t'aurais réveillée de force, crois-moi! Ma femme ne rentre pas avant deux semaines de son voyage d'affaires. Tu peux donc rester jusque-là, il n'y a aucun problème.

- Ta... femme? Tu es marié? m'enquis-je la gorge serrée en le foudroyant du regard.

Il me montre son alliance que je n'avais pas remarquée jusqu'à présent.

Rectification, il ne l'avait pas mise j'en suis certaine. Ses mains ont palpé mon corps, j'aurais senti sa bague. Cela me file la rage! Leurs femmes les pensent au travail alors qu'ils sont avec moi, leur bite dans ma bouche sous prétexte de vouloir relâcher la pression.

Une excuse que j'exècre au plus haut point!

Je n'ose plus le regarder dans les yeux, me brûlant la langue avec mon sombre breuvage afin de carboniser mon envie de lui envoyer ma façon de penser à la face. Même lorsqu'il me glisse des pâtisseries Suédoises sous le nez, mon cœur reste de marbre, bien que mon estomac se manifeste tel un traître.

- J'ai voulu te rappeler les senteurs de chez toi.

- Tack(merci), dis-je sèchement en suédois.

Mon attitude ne lui échappe pas et je n'en ai que faire, préférant piquer une viennoiserie que je déguste en l'ignorant.

Cela fait une éternité que je n'en ai plus mangé.

Les sensations gustatives sont exquises, et me rappelle de joyeux souvenirs d'enfance. Tove et moi, attablés après avoir couru partout dans la maison, rendant nos parents fous. Chacune de nos journées se terminait par des gâteaux de ce genre. Je devais les avaler le plus rapidement possible, si je ne voulais pas que mon frère me les vole par la suite. Il adorait me rendre chèvre. Ma mère m'engueulait puisque, étant l'aînée, je devais savoir partager. Mon frère savait tirer parti de la situation de manière si vicelarde. En y repensant mes lèvres s'étirent timidement, l'envie d'en rire me submerge. Sur le coup, je lui en avais profondément voulu, mais désormais je sais que j'aurais agi comme lui, si j'avais été la plus jeune.

RADUCHKA "SOUS CONTRAT D'EDITION"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant