T1.Chapitre 9 - Rêve

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- Mia, tu viens ? Je vais te montrer comment faire les cocktails ! s'écrie Lucie depuis la porte des douches communes.

- J'me dépêche ! réponds-je en terminant de me rincer la tête.

Ma collègue est en binôme avec moi pour tenir le bar ce soir. Dimitri ne voyait pas d'un bon œil que je prenne un poste alors que je suis arrivée il n'y a que 3 jours. Mais face à mon insistance et à mes arguments bétons, il a abdiqué.

Après tout, il faut bien que je me rende utile et que je comprenne chaque aspect de ce nouveau boulot. Car au-delà de simplement séduire, chacune d'entre nous doit être capable d'endosser plusieurs casquettes : danseuses, prostituée, chanteuse, pour ma part, barmaid, serveuse, intermittente du spectacle.

Georgina, dont j'ai redemandé le prénom à son plus grand amusement, m'a révélé qu'avec l'ancienne chanteuse, il y avait des spectacles presque tous les soirs.

- On dansait, jouait un peu la comédie, Francesca chantait. C'était vraiment ma partie préférée d'être sur scène ! avait-elle dit avant de se perdre dans le méandre de son chagrin.

- Pourquoi est-elle partie ?

Ma question est restée sans réponse. C'est étrange, toutes évitent le sujet. Enfin, les quelques-unes qui me parlent ! La plupart me regardent de travers, discutent en russe pour que je ne les comprenne pas, mais je me doute que leurs discussions sont peu élogieuses.

Une grande rousse, dont le prénom ne m'intéresse guère, ne cesse de me faire des réflexions sur ma silhouette.

- Les sacs d'os ne sont pas admis ici ! Et sans poitrine, tu ne trouveras aucun client ! avait-elle craché en se moquant avec d'autres filles.

Et encore, c'est gentil comparé aux imitations de vomi quand je laisse entrevoir certains de mes tatouages. Il est évident que je pars avec un handicap. Je n'ai pas de poitrine refaite, mon nez a une légère bosse sur le dessus et n'est pas tout droit et fin, comme elles toutes. Ma lèvre inférieure est plus charnue que celle du haut, alors qu'elles ont des physiques proches de la perfection. Leur peau est immaculée de toute imperfection, et mes tatouages sont considérés comme sales.

Elles entrent dans les codes de la maison, tandis que je suis le vilain petit canard dont la tête sautera.

Je ne suis pas du style à m'attacher à l'avis des autres, et je suis plutôt du genre solitaire. Mais un fossé me sépare de ces femmes, et je ne me sens réellement pas à ma place entre ces murs, n'étant pas de celles qui font semblant pour se faire aimer des autres.

Mais ici, enfermé H24 avec elles, le poids de ma différence se fait pesant sur ma poitrine. L'oppression subit par ma cage thoracique est étouffée dans mon oreiller, et si silencieuse, que ma coloc ne s'en aperçoit même pas.

J'en viens même à contacter Mikhaïl, qui répond à chacun de mes appels, de mes messages.

Avec ce qu'il m'a fait, je ne voulais plus jamais lui parler, plus jamais le voir. Mais que je le veuille ou non, il est ma seule ancre dans ce monde de criminel. Il est le seul vers qui me tourner, et cela me coûte de lui donner davantage de contrôle sur ma personne. Hélas, après toutes ces années de vadrouille en Europe, après ce mois de décembre catastrophique en Russie, ma santé mentale est complètement brisée. J'en viens même à vouloir supplier Mikhaïl de me reprendre chez lui, alors que je priais pour avoir ce poste et m'enfuir de sa demeure.

Rapidement, je balaie toutes mes préoccupations, étant désormais coincée au Nebesa, et soumise aux humeurs de ces pimbêches !

J'enfile rapidement un jean jaune poussin et un T-shirt vert pomme. Un mélange de couleurs qui déplaît à la majorité de mes collègues.

RADUCHKA "SOUS CONTRAT D'EDITION"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant