♕ 𝗖𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 𝟱

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Sirine

Dès le premier regard, j'ai été captivé par l'aura titanesque de cet homme. Sa part sombre m'a attirée à lui, comme un aimant. 

En un battement de cil, cet individu a su réveiller en moi l'élan de passion qui sommeillait au plus profond de mon être. Une sensation inédite pour moi, peu enclin à m'intéresser aux hommes.

Si je devais dépeindre cet homme, je dirais que Rachid Ahmad est une âme farouche et sauvage, forgée par son passé, qui a su se montrer exemplaire dans son comportement au sein de la société. C'est cette vertu qui a éveillé mon émerveillement envers ce prince déchu du désert.

Lors de mes ballades en dehors du palais Ziqāqi Al'Alīqi¹ au cœur du marché du village de zagag sehra², ainsi nommé en raison de sa fréquentation inhabituellement faible, je me suis arrêtée devant un étalage qui dévoilait de somptueux bijoux venus du sud de la région de Jawdat.

J'admirais ces merveilleuses pièces, lorsque mes oreilles furent captivées par une conversation entre deux femmes, chuchotant à propos des rumeurs qui se répandaient au sein du palais et dans les contrées avoisinantes.

D'après leur récit, Rachid aurait été sous la surveillance d'un groupe de mercenaires pendant cinq ans, et son ancienne promise l'aurait trahi avec un homme plus âgé et moins attrayant que lui. Cette révélation fit naître un rire complice chez les deux jeunes femmes qui ne cessèrent de dénigrer cet homme qu'elles ne connaissaient pas aussi bien que moi. 

Ma poitrine se serre face à la moquerie de ces femmes mesquines, vêtus de vêtements qui dessinent leurs formes harmonieuses emmitouflées dans de grands voiles transparents, couvrants à peine leurs chevelures onyx. Les deux jeunes femmes se dirigent vers une maison près du marché, que je suppose être leur résidence habituelle. Ayant perdu ma bonne humeur, je demande à mon garde de me ramener à la maison royale ce qu'il fit.

De retour au Palais, je m'affale sur mon immense lit aux volages fins d'un doré évoquant la couleur du désert. 

Ennuyée, je gravis le dernier rempart qui me permet d'avoir une vue imprenable sur le paysage qui entoure la demeure royale. Ensuite, je déverrouille les deux grandes portes-fenêtres de ma chambre, offrant un panorama à couper le souffle. À quelques kilomètres d'ici se trouvent d'immenses collines de sable d'or dans ce lieu aride. Au-dessus d'un grand lac entouré de palmiers, se trouve une cascade d'une eau aussi limpide que l'océan, d'une teinte similaire à celle de mes iris. Donnant à cet endroit enchanteur l'apparence d'îles paradisiaques, où l'on aimerait passer ses vacances. Ainsi s'achève la fin de ma journée.

En soirée, vêtue d'un pyjama en soie verte, je m'installe sur ce grand lit en songeant à cette nuit où tout a basculé pour moi. Ce jour-là, cet homme ténébreux a posé son regard onyx dans le mien et là, ce fut le déclic. Tout chez lui a captivé mon attention, de sa voix rauque et séduisante à son corps de gladiateur prêt à affronter la mort. C'est sur cette magnifique note que j'ai trouvé le sommeil en rêvant de ce mystérieux Cheikh qui a su voler mon cœur en un instant.

En fin d'après-midi du jour suivant, un bodyguard m'a informé de la visite inattendue du cheikh de Taous, sur qui j'ai eu des fantasmes érotiques dont je ne suis pas très fier. Il m'emmène jusqu'au bureau de mon frère, où il y a une tension électrique qui plane dans l'air. Les deux mollusques se jaugent mutuellement pour déterminer lequel des deux aura le dernier mot et sera le plus fort d'entre eux. Je soupire d'exaspération devant le ridicule de la scène.

Les deux souverains du désert contre attaque en argumentant leurs opinons pendant un moment. Ayant marre de ce cinéma grotesque, je déclare d'une voix décidée : 

- Mon cher frère, ma décision est irrévocable, je vais épouser le Sheikh de Taous dans trois semaines, avec ta bénédiction. Dès demain, je me lance dans les préparatifs du mariage ! Si vous n'avez rien d'autre à ajouter, je vous laisse vaquer à vos affaires.

Ma réplique a réussi à mettre tout le monde d'accord, et c'est sur ce constat qu'une nouvelle journée se termine.

Le lendemain, au aurore je suis réveillée par l'une de mes servantes afin de me préparer pour l'évènement du siècle :  mes fiançailles. Tout le monde s'active pour être prêt dans les délais impartis. Je vous épargne la partie sur l'essayage des robes les plus coûteux, ainsi que les accessoires assorties à chaque tenue proposée par mon styliste personnel. Sans oublier ma séance de beauté qui a duré deux longues heures. Argh, j'ai failli y rester.

Revenons à nos préparatifs, tout a été achevé en fin d'après-midi. La célébration de mes fiançailles a eu lieu en grande trompe vers 19h45. Des musiciens et des danseuses ont été requis pour cette union entre nos deux nations. Sans me consulter, ils ont organisé tout cela en fonction des souhaits de mon futur mari et de mes frères. La fête était trop sophistiquée pour moi et ne répondait pas à mes attentes.

 Je voulais la planifier en privé, dans une ambiance familiale, entouré de nos proches pour cette occasion spéciale. Malheureusement, mes souhaits ne se sont pas concrétisés ! Le point positif dans tout ça, c'est que Hind était là pour moi pendant toute la soirée. Elle et moi savourons une variété de gâteaux orientaux tout en échangeant sur divers sujets.

Le son de la flute fit écho dans l'immense salle de réception qui fait office de salle des fêtes. De là où j'étais assise, j'ai pu observer la scène qui se déroulait devant moi, plusieurs convives se déhanchent sous cette mélodie envoûtante et captivante. L'ambiance de cette fête était animée par le rythme créé par les notes de la flute et les percussions de la darbouka³ jouées par un groupe de jeunes hommes. Cela a ravivé la joie des invités, qui ont poursuivi leur danse sur la piste spécialement aménagée pour cette occasion. Après deux heures, la célébration se clôture après l'échange des alliances, symbolisant notre attachement mutuel.



 •••••••••••••| Note |•••••••••••••

¹ Ziqāqi Al'Alīqi : L'allée des ronces.
² zagag sehra : l'allée désertique

³ Darbouka : La tabukaaa ou derbouka, est instrument de percussion très répandu dans toute l'Afrique du Nord, l'Afrique Subsaharienne, le Moyen-Orient et les Balkans. Elle daterait de 1100 avant J.C et elle est l'un des principaux instruments de percussion du monde arabo-musulman. Elle est liée au zarb persan (appelé aussi tombak) dont des versions en céramique existent encore. Les joueurs de darbouka sont appelés les derbkis . La darbouka fait partie des percussions mentionnées dans l'instrumentarium des Troyens de Berlioz. Elle est employée pour accompagner la danse des esclaves nubiennes, à l'acte IV de cet opéra. De nos jours elle est souvent présente dans les mariages ou moments de fête (Source : Wikipédia).

Mariée Au Réfractaire [𝐀𝐫𝐚𝐛 𝐊𝐢𝐧𝐠𝐬 ᵗᵒᵐᵉ ²]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant