À toi, Musanne.
Mon inspiratrice, mon initiatrice. Tu es l'unique étoile qui éclaire ce bas monde et les cieux orageux de notre Cité Pourpre.
Tu me connais, Musanne. Si prolifique par la plume et pourtant si pataud par la langue. Je n'ai pas su trouver les mots hier pour te faire entrevoir la lumière, aussi me rattrapé-je dans la seule forme d'expression où je me sais capable d'exceller. J'ai commencé par les vers que tu as déjà pu lire, mais j'ai eu le sentiment que cela ne suffirait pas. Tu mérites bien plus que tous les mots du monde, mais t'offrir un réconfort à la hauteur de ta personne n'est pas une mince affaire.
Encourager ton prochain a toujours été ton domaine, bien plus que le mien. C'est pour cela que je tiens à te rendre enfin la pareille. Tu as le droit aussi de goûter au bonheur que tu inspires à ton entourage. Fi de mon incompétence dans un cas comme celui-ci. Je ne lâcherai pas ma plume tant que mes pensées n'auront pas pris une forme satisfaisante.
Ma plume, disais-je. Indéniablement la partie la plus affûtée de mon être. J'ai désormais passé plus de temps à l'employer qu'à ignorer cet atout, mais cela ne fait pas si longtemps que j'ai appris à exploiter mon potentiel. J'ai suivi tes conseils et tes traces, lu assidûment les œuvres que tu me recommandais, y compris les tiennes. J'ai même la sensation que découvrir ton évolution a façonné la mienne.
Mais voilà, Musanne. Je n'ai d'aptitude que dans l'art des lettres, et majoritairement grâce à ta contribution. Je le sais et l'accepte à défaut d'une autre option : je ne serais plus grand chose si ma plume venait à m'être retirée. Il en va autrement pour toi. En plus d'être la fondatrice de ce sanctuaire que nous avons coutume d'appeler notre club, tu en es le principal pilier. Lui donner vie était à la portée de chacun, mais maintenir son existence avec un tel brio n'était pas donné à tout monde. Il est comme un enfant que toi seule pouvait bercer et élever, jusqu'à façonner un être unique en son genre qui saurait accueillir en son sein de nouveaux adeptes.
Amakna tout entier murmure avec effroi que Brâkmar est un pur produit des diables et du vice. C'est là que se situe ta force, Musanne. À mes yeux, Brâkmar est une terre d'accueil, même une terre promise. C'est ici-bas que j'ai trouvé la place que j'avais cessé d'espérer. J'y ai trouvé mon oasis, moi qui pensais me diriger vers une institution où je ne saurais pas plus m'épanouir qu'en mon village natal. Tu n'as pas fait que m'offrir un loisir : tu as pris sous ton aile l'adolescent laissé pour compte que j'étais, qui désespérait de se voir accepter tel qu'il était.
Sais-tu seulement combien j'ai pu me haïr ? Je me suis cru cassé, défectueux, faible et irrécupérable. Parce que je n'étais pas à l'image de leurs attentes, qu'une barrière intangible et indestructible se dressait perpétuellement entre nous, que je ne savais pas me faire apprécier d'eux et que j'osais rêver d'un avenir plus doux que celui que Boundok me destinait. J'étais l'autre, celui qui ne ressemblait à personne, qui ne s'exprimait pas comme les autres, qui ne se mouvait pas comme les autres, qui gâchait son temps en des futilités qui n'intéressaient que lui et qui rechignait à prendre les armes un jour.
Le savais-tu, Musanne ? Et sais-tu également qu'à force de les entendre chuchoter sur mon passage et soupirer lorsque j'avais l'audace d'ouvrir la bouche, j'ai fini par le croire à mon tour ? Crois-moi sur parole, je le penserais encore et l'aurais sans doute pensé jusqu'à l'heure de ma mort si tu n'avais pas été là pour me prouver le contraire.
J'ai toujours pensé que cela allait de soi. Que ma reconnaissable était tangible, et ce même si j'ai toujours peiné à exprimer mes sentiments de la manière attendue. Que tu lisais dans mon esprit et étais largement informée de tout le bien que je pensais de toi. Je dois garder en tête que le propre de mes pensées est que je suis le seul à les connaître. Pour le meilleur, car j'aime à cultiver mon petit jardin secret, mais également pour le pire : il me semble terriblement ardu d'extérioriser ce que je ressens.
Aussi espéré-je y être parvenu, une fois n'est pas coutume. Ou que cette fois devienne coutume, bien au contraire. Tu mérites de savoir ce que tu représentes non seulement à mes yeux, mais aussi à ceux de nos congénères, je n'en doute pas un instant. Tu le mérites d'autant plus dans un moment de grand chagrin, où ce que nous tenons tous pour acquis est loin d'être aussi évident pour toi. Quelle que soit ta peine, quels que soient tes tourments, je te souhaite d'en triompher comme tu nous as toujours aidé à vaincre les nôtres. Et c'est bien pour cela que nous nous tenons à tes côtés, car il est tout naturel de te donner autant que nous avons reçu de ta part.
Nonobstant, je me tiendrai à tes côtés aussi longtemps que tu auras besoin de moi.
Avec le souhait d'avoir pu te retourner ne serait-ce qu'un semblant du soleil que tu as insufflé dans ma propre vie,
Bien sincèrement,
Sulys.
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De la plume d'un lys blanc
PoetryTantôt poèmes , tantôt courtes proses, les textes présentés ici ont pour ressemblance d'avoir été rédigés par la même personne. Bien entendu votre serviteuse, mais également l'une de ses créations. Sulys Irving chérit son passé, navigue sans boussol...