Pluie

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Les ricochets des gouttes comblent le silence qui entoure mes longues heures de solitude. La pluie de ce soir s'annonce diluvienne ; d'aucuns ont même prétendu qu'un orage nous guettait. Je ne suis pas mécontent de me trouver sous l'égide d'un toit robuste et de ne connaître de l'intempérie que les sons qu'elle dispense inlassablement. Moi qui ai pourtant grandi sans ne jamais croiser d'averses, je ne connais de meilleure berceuse. Bien ironiquement, c'est vers mes années brâkmariennes que ces clapotis me ramènent, alors-même que la pluie m'y était étrangère. C'est à croire que je n'ai rien vécu de plus beau et d'épanouissant que mon séjour au sein de la sinistre cité pourpre. L'époque où j'embrassais ma région natale, à laquelle j'avais si souvent rêvé d'échapper... J'y avais découvert mon idéal : à l'opposé de celui auquel j'aspirais, mais le surpassant de très loin.

Un jour ou l'autre, je m'emparerai des matériaux nécéssaires et rebâtirai mon paradis. Et peu me chaut le lieu où cela se fera : "plus qu'un point de rencontre, c'est un état d'esprit".

Un éclat de lumière vient d'envahir la pièce, immédiatement suivi d'un son tonitruant. L'orage semble bien plus proche que je ne l'aurais soupçonné. Je ne suis pas de ceux que la foudre effraie, d'autant que je me sais à l'abri de tout risque. Au contraire, sa dangerosité m'inspire et m'exalte, tant même que j'en perdrais le sommeil dans ma verve créatrice. M'endormir au son des gouttes des pluies ou laisser les forces de la nature guider les fondements de ma prochaine œuvre ?

Je crains de devoir renoncer à la seconde proposition. Il se fait bien tard et je ne tiens qu'à peine debout : mon esprit éreinté ne m'apportera rien de plus aujourd'hui. En dépit de la fatigue qui me pèse, je me sens incroyablement euphorique. Je ne connais rien de plus plaisant que d'achever une journée sur cette note, comme si mon âme elle-même m'assurait que l'avenir me réussira à coup sûr. Charmé par de doux souvenirs et pleinement inspiré pour un futur récit, je ne vois aucune raison d'en douter.

Le sentiment a beau être des plus agréables, je me vois contraint de l'écourter pour ce soir. Grâce à la divine méloppée qui se joue au dehors, je ne tarderai pas à sombrer dans les bras d'Eiwech.

De la plume d'un lys blancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant