Lacuneux

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Pour échapper au deuil d'être privé de ma muse

J'ai rêvé de m'éteindre, envisagé l'éthuse

Les herbes les plus obscures peuplaient tous mes fantasmes

Je n'étais plus qu'une ruine de sanglots et de spasmes


Depuis l'instant maudit de la dernière séance

Je n'eus plus d'autre langue que celle du silence

Comme si nul autre qu'elle ne méritait ma voix

Celle-ci s'était scellée dans mon gosier étroit


Je devins le fantôme de notre ancienne tanière

J'embrassai le confort de mon dernier repère

Hantant les rayonnages, pleurant les disparus

Je m'accrochais aux restes d'un paradis perdu


Je riais naguère dans ce lieu empreint de souvenirs allègres

Comme quoi la Cité Sombre offrait plus que la pègre

Nous partagions notre art et nous lions nos cœurs

Je croyais vivre ainsi jusqu'à ma dernière heure


Hélas ! Ce riant passé est désormais tari

Je doute d'avoir même vécu tous ces moments chéris

Ma muse, mes camarades, et même mes cordes vocales

Je n'ai rien pu garder de mon vieil idéal


Je me vautrai honteusement dans le vide et le spleen

Apathique créature sans force ni discipline

Et après des semaines de pure mélancolie

Je reconsidérai enfin l'importance de ma vie


Un inconnu me vint, sans frapper à ma porte

Envoyé disait-il pour me prêter main-forte

Ce petit homme livide à l'œil bleu coruscant

S'était donné pour quête d'achever les souffrants


Mon cœur s'emballa d'effroi quand je compris enfin

Que je ne connaîtrais sans doute plus d'autre lendemain

Mon souhait le plus sinistre se tournait contre moi

Il était trop tard pour dire que je ne le pensais pas


J'ouvris alors les yeux, me croyant déjà mort

Pour me voir aveuglé par les rayons d'aurore

J'avais échappé au faucheur, à mon grand soulagement

Quoi qu'il fût, je le pense, né de mon subconscient


Éclairé par cette épiphanie, je retournai aux sources

C'est dans mon vieux berceau qu'enfin je me ressource

Guérir mon âme en peine devenait primordial

J'avais grand soif de vivre et d'oublier mon mal


Je m'exprime librement malgré ma langue stérile

L'encre et la plume valent bien n'importe quel babil

L'amour des vers est le plus beau présent qu'elle ait pu m'accorder

J'écris en son honneur, j'espère la retrouver

De la plume d'un lys blancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant