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actuellement en seconde année de Faculté ; « Mona Dahl » est étudiante
à Paris ; « Rita » a récemment épousé le propriétaire d’un grand hôtel de
Floride. Mrs. « Richard F. Schiller » est décédée le jour de Noël 1953 en
mettant au monde une fillette mort-née, à Gray Star, un village perdu aux
confins du Nord-Ouest. « Vivian -Darkbloom » vient d’achever une
œuvre autobiographique, Mon Kilt, dont on annonce la parution
prochaine et que divers critiques, sur le vu du manuscrit, considèrent
d’ores et déjà comme son meilleur livre. Quant aux personnages
aujourd’hui disparus, les gardiens de leurs cimetières respectifs ne
signalent aucune manifestation de revenants.
Considérée sous l’angle purement romanesque, Lolita met en lumière
des situations et des passions qui, si l’on en étiolait le récit par des biais
insipides, resteraient insupportablement obscures aux yeux du lecteur. Il
est vrai que l’ouvrage ne renferme pas le moindre terme obscène ; aussi,
les robustes philistins entraînés par les conventions de notre époque à
accepter sans broncher les déploiements de mots orduriers dont se parent
les romans les plus banals, seront-ils décontenancés par leur absence
totale de cette œuvre. En fait, si l’on choisissait de rassurer cette pruderie
paradoxale en diluant ou supprimant tels passages que certains esprits
chagrins pourraient qualifier d’ « aphrodisiaques » (rappelons à ce sujet
le jugement capital prononcé le 6 décembre 1933 par l’Honorable John
Woolsey, à propos d’un autre livre dont le vocabulaire était infiniment
plus libre), il ne resterait plus qu’à abandonner la publication de Lolita,
car les épisodes susdits, auxquels on risque d’accoler absurdement
l’étiquette de « sensualité », sont strictement nécessaires au
développement d’un récit dramatique qui tend sans relâche vers une
véritable apothéose morale. Les cyniques répondront que la pornographie
commerciale prétend servir le même but ; toutefois, les érudits sauront
leur démontrer que la confession passionnée de « H. H. » est une tempête
au fond d’une cornue, et que 12 pour 100 des adultes américains de sexe
mâle – « évaluation très modérée », selon le docteur Blanche
Schwarzmann (communication verbale) – connaissent chaque année,
sous une forme ou une autre, les expériences très spéciales que « H. H. »
décrit avec tant de désespoir ; ils leur diront encore que si notre
mémorialiste aberré avait consulté un psychopathologiste compétent, en
ce fatal été de 1947, le désastre eût été évité – mais, dans ce cas, cet
ouvrage n’aurait pas vu le jour.
Qu’on me pardonne de rappeler ici ce que j’ai maintes fois dévelop

LolitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant