Chapitre 14

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Il y avait du bruit, on l'appelait. On avait laissé la lumière entrer dans la chambre, aussi. Mais Stiles enfonça davantage sa tête dans l'oreiller – il ne voulait vraiment pas se lever. La faute au lit, trop confortable. A la chaleur que lui procurait la couette. Au sommeil, dont il manquait quelque peu et qui rendait l'intégralité de son corps si lourd qu'il faudrait véritablement réussir à le motiver pour lui faire accepter efficacement l'idée que continuer de dormir n'était pas une option. A vrai dire, sortir du lit... Il n'avait pas le choix. Le lycée ne l'attendrait pas, les cours non plus.

- On va finir par être en retard, entendit-il.

Il y avait du mouvement près de lui, quelques bruits de frottement légers – on avait repoussé la couette de l'autre côté, on s'habillait. Stiles était très bien, allongé, dans ces vêtements qui lui servaient de pyjama. Pourquoi bouger ? En quoi ce retard devait lui importer ? Retourner se blottir dans les bras de Morphée lui semblait plus attrayant que tout le reste. Oui, sa fatigue parlait pour lui.

- Stiles, lève-toi !

- ... Pourquoi faire ? Réussit-il à articuler, le visage partiellement enfoncé dans cet oreiller moelleux qui lui faisait du pied.

- Parce qu'on est en semaine, pas en week-end... Et je ne crois pas que tu aies envie que le lycée appelle ton père pour lui dire que tu n'es pas en cours.

Honnêtement, Liam n'avait pas envie de s'y rendre non plus tant la fatigue l'étreignait, lui aussi. C'était ça, de parler et de veiller jusque tard dans la nuit, au point d'en avoir oublié leurs obligations de lycéens. Qu'importe qu'ils arrivent à suivre les cours ou non, c'était leur présence, qui comptait. Or, le temps passait, Liam était presque près... Tandis que Stiles se réveillait à peine. Ce n'était pas faute d'avoir essayé : déjà vingt bonnes minutes que le louveteau s'y attelait. Il y allait doucement, avait même de sacrés scrupules à essayer de l'empêcher de se rendormir. En tant qu'humain, Stiles ressentait la fatigue bien plus fortement qu'un loup et puis... Il savait que son court sommeil avait été un peu perturbé. Liam l'avait senti se tourner et se retourner à plusieurs reprises, tout comme il avait perçu quelques changements dans son odeur au fur et à mesure que la nuit s'écoulait, sans que cela aille jusqu'à le réveiller lui. Mais il savait que ses sens ne le trompaient pas. Par décence, il ne lui ferait pas part de ses observations, et attendrait que Stiles lui en parle de lui-même, s'il en avait le souvenir – ce qui n'était pas certain puisqu'il dormait. De façon générale, Liam ne voulait pas le mettre dans l'embarras, quel que soit le sujet... Surtout que retourner au lycée signifierait, pour Stiles, affronter ses démons.

Car Scott s'y trouverait, nécessairement.

Quoique l'hyperactif pourrait éviter de s'approcher de lui – Liam ne doutait pas de ce fait – mais il était clair que le voir et se retrouver dans la même salle de classe que lui serait une épreuve. Alors, il s'assit au bord du lit et retint un soupir.

- Stiles, l'appela-t-il encore.

Cette fois-ci, l'hyperactif ouvrit les yeux mais ses paupières étaient si lourdes qu'elles semblaient déjà sur le point de se refermer. Liam esquissa un petit sourire embêté, alors que Stiles le regardait enfin. Et l'humain soupira bruyamment avant de se redresser doucement. Les cheveux en bataille, les yeux cernés, il n'était pas difficile de déduire le fait que sa nuit, loin d'être réparatrice, ne demandait qu'à être prolongée.

- On est censé partir dans combien de temps ? Marmonna Stiles en se frottant les yeux.

- Dans dix minutes, répondit Liam du tac au tac.

Stiles cessa tout mouvement et le regarda, l'air ahuri, mais parfaitement réveillé cette fois-ci.

- Ah, laissa-t-il échapper soudainement avant de sauter du lit pour se préparer.

xxx

Stiles n'était pas parti dans l'idée de se montrer efficace dans sa concentration au niveau des cours, pour la simple et bonne raison qu'il avait au départ quelque peu oublié qu'il devait aller en cours – la preuve en était qu'il avait eu un mal fou à se lever. Ainsi, il n'avait pas particulièrement eu le temps de stresser, d'angoisser quant à ce à quoi il devrait affronter une fois au lycée. Et c'était maintenant qu'il en passait le portail qu'il commençait à réaliser. A se faire la réflexion qu'il n'était pas tout à fait prêt à reprendre le cours de sa vie là où il l'avait laissé – chez lui, dans son lit. Parce qu'être invité par Liam lui avait fait momentanément oublié ce fait... Qu'il avait sciemment mis de côté, dans une espèce de réflexe de survie. C'était en tout cas comme ça qu'il le voyait : survivre pour ne pas s'effondrer. Oublier pour survivre. Ne pas songer à ce que Scott lui avait fait. Stiles s'efforça de se dire que cela n'avait pas la moindre importance, que c'était du passé.

Mais son corps, lui, ne cessait de lui faire ressentir le contraire. En lui, le malaise grandit. Je ne veux pas le voir. Et pourtant, il le devrait puisqu'ils étaient dans le même lycée, et plus particulièrement dans la même classe. Ils se mettaient d'ailleurs à côté dans chaque cours, ou presque. Autant dire que le changement que Stiles allait devoir opérer serait radical. Il serait... Il n'avait pas la moindre intention de s'approcher de lui, ni même de lui parler. Mais que ferait-il, si Scott essayait ? S'il lui forçait la main ? Si...

- On va voir Lydia, elle doit savoir.

La voix quelque peu hésitante de Liam le ramena bienheureusement à la réalité. Laquelle le terrifiait, d'ailleurs... Mais peut-être pas plus que ses propres réflexions. Il poussa un soupir presque tremblant et finit par hocher la tête sans oser regarder son ami dans les yeux. Il avait eu beau oublier de temps à autres... Les souvenirs ne s'en iraient pas tout de suite – peut-être jamais vraiment, à la réflexion. Enfin Stiles n'en savait rien. S'il se rappelait de la façon dont son esprit traitait les évènements traumatisants de sa vie... Non, il n'oubliait jamais vraiment. Mais là, il avait l'impression que ce qu'il avait vécu ou plutôt ce que Scott lui avait fait vivre... C'était différent de tout le reste.

Il l'avait détruit d'une autre façon que l'avaient fait Donovan, ou le Nogitsune. Cette destruction-là était bien plus profonde, bien plus intime... Bien plus morbide. Et pourtant, Stiles ne le réalisait pas complètement. Il n'y pensait pas vraiment, s'efforçait de se dire que ce n'était pas si important que cela... Mais ça l'était. Ça l'était, et il n'arrivait pas à se l'avouer.

Si parler de la finalité de cette histoire à son amie banshee ne l'enchantait pas, il savait toutefois que c'était on ne peut plus nécessaire. Liam n'avait même pas eu besoin de le convaincre lorsqu'il lui avait parlé de cette possibilité... Stiles devait le faire. Il le fallait, parce qu'elle était dans la même classe que lui, au contraire du louveteau, qui avait le malheur d'être plus jeune d'une année. Autant dire que celui-ci n'avait pas la moindre envie de laisser Stiles seul tout en sachant que Scott serait là... Et l'hyperactif lui-même ne se sentait pas assez fort pour l'affronter de cette manière. La présence de la banshee, à ses côtés, ne serait définitivement pas de trop.

- Elle va hurler lorsqu'elle saura, sourit maladroitement Stiles, dans l'espoir de dédramatiser la situation.

Pour lui-même. C'était lui qu'il cherchait à détendre, à convaincre que tout allait bien se passer.

- Elle aura raison, lui fit remarquer Liam, sans sourire outre mesure.

Si Stiles était un loup-garou, sans doute aurait-il perçu le stress que son ami s'efforçait de cacher derrière son visage quelque peu fermé, tendu... Mais qu'il ne vit que comme une forme de sérieux... Que la main qui vint se poser dans son dos cassa quelque peu. La chaleur surnaturelle, il la sentit passer au travers de ses vêtements – elle le rassura. Cette main-là, elle ne serait jamais levée sur lui. Elle ne lui ferait pas le moindre mal. Il la connaissait. Et pourtant, il connaissait aussi celle de Scott, voire Scott tout court... Et voilà où il en était.

Mais Stiles ne pouvait pas se méfier de tout le monde... Et il avait besoin de croire en l'honnêteté de Liam, en sa bonté également. Alors il hocha la tête et continua d'avancer, les doigts horriblement crispés sur les bretelles de son sac.

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