Chapitre 16

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Lydia partait du principe que les choses devaient, pour la sécurité de Stiles, se dérouler à distance. Disons que maintenant qu'elle savait de quoi l'alpha était capable, elle refusait que celui-ci prenne le moindre risque. Il ne devait pas se retrouver seul avec lui.

Sauf que Stiles n'était pas d'accord. Quitter son petit-ami par SMS, il ne savait pas faire et puis pour lui, ça n'avait pas de sens. Il se trouvait un peu... De la vieille école mais pour lui, on ne mettait pas fin à une relation de cette façon d'autant plus que Scott comptait pour lui – encore à ce jour. Le jeune homme continuait, malgré ce qu'il lui avait fait, de lui vouer un certain respect. « Tu ne lui dois rien » lui avait dit Lydia, quelque peu alarmée par sa façon de penser. Elle avait raison et Stiles le savait : il était néanmoins difficile pour lui de passer si vite à autre chose... De se défaire de cette espèce d'emprise que Scott avait toujours sur lui. L'hyperactif était d'ailleurs persuadé qu'il s'agissait d'autre chose que de cela, mais Lydia n'en démordait pas et appuyée de Liam, elle avait tenté de le lui faire comprendre, à la pause intercours. Les deux jeunes gens avaient usé du quart d'heure jusqu'à la dernière seconde dans l'espoir que Stiles commence à faire évoluer sa réflexion. Le problème, c'est qu'ils étaient trop pressés, tous les deux. Quant à l'humain, il voulait vraiment arriver à cette finalité, mais... Il fallait lui laisser un peu de temps. Tout ça, c'était si frais... Si dur à encaisser qu'il n'était même pas sûr de l'avoir complètement fait. Scott, ce n'était pas n'importe qui pour lui. Il s'agissait en premier lieu de son meilleur ami, puis de son petit-ami. Et c'était là que la chose coinçait.

Parce qu'un petit-ami, ça écoutait sa moitié.

Parce qu'un petit-ami, ça ne levait pas la main sur sa moitié.

Parce qu'un petit-ami, ça respectait le consentement de sa moitié.

Sa moitié.

Stiles, dans sa réflexion aussi intensive que nauséabonde, se demanda ce qu'il avait fait pour que Scott cesse de le respecter de la sorte. Pour lui, il y avait forcément une raison à ce changement de comportement aussi subtil que poussé. L'humain se souvenait de leurs débuts... Encore plus parce que cela restait tout récent. Scott était... Il était parfait. D'une douceur incroyable, à l'écoute et... Enfin, il n'avait jamais rien fait qui aurait pu lui laisser penser que leur relation prendrait cette tournure. Stiles était peut-être un peu vieux-jeu, rêveur sur certains points, mais... Il s'imaginait vraiment loin avec lui. Leur couple lui semblait plus que prometteur. Ils partaient d'une base – qu'il avait jugée – saine et... Ils se complétaient. Puis Stiles se savait toujours disponible et la meute faisait qu'ils pouvaient passer encore plus de temps ensemble. S'il aimait toujours autant cette famille de cœur, Stiles devait avouer qu'il rêvait d'une plus grande proximité avec Scott... Une proximité qu'il lui avait toujours plus ou moins refusée. L'hyperactif avait pensé que son petit-ami n'aimait pas les démonstrations d'affection en public et cela, il l'avait automatiquement accepté. Mais alors, pourquoi ne s'était-il jamais caché, avec Allison ? Et puis Kira ? Pourquoi Scott les embrassait souvent devant eux ? Il n'avait jamais eu l'air de se soucier de leur présence, alors... Pourquoi avec lui, les choses avaient-elles été si différentes ?

Était-ce parce que Stiles était un homme ? Qu'il était, au départ, son meilleur ami ? Était-ce son physique, qui ne correspondait pas à celui d'un modèle ? Était-ce à cause de son hyperactivité, celle que tout le monde lui connaissait ?

Ces questionnements aussi nauséabonds que ces pensées le firent plonger dans un état qu'il n'avait pas souvent eu à expérimenter dans sa vie. Un état qui le faisait se sentir comme une merde. Un déchet pur et simple. Un état qui lui fit se dire que, peut-être, ce qui lui était arrivé avait du sens.

Peut-être qu'il avait mérité la façon dont Scott l'avait traité. Cette gifle, cet acte qu'il n'arrivait pas encore à qualifier de viol mais qui en était bel et bien un. Cette horreur que l'alpha avait perpétrée à plusieurs reprises.

Lorsqu'arriva la fin du cours, Stiles ressentit le besoin de partir. Partir loin et tout de suite. Prendre l'air et fuir. Alors que sa gorge se serrait au point de lui donner l'impression de ne plus pouvoir respirer correctement, il s'empara de ses affaires et sortit de la salle en trombe sans un regard en arrière. Dans sa poitrine, son cœur lui sembla imploser. Il était trop plein. Trop rempli de tout. Il débordait de ce tout. Il le vomissait. Et Stiles eut l'impression qu'il n'était pas capable de le supporter. Puis il avait du mal à respirer, son sac le pesait... Alors il le laissa tout bonnement tomber au sol sans s'arrêter de courir, sous les regards ahuris des lycéens présents dans le couloir. Sa vue se troubla à une vitesse incroyable, si bien qu'en plus de n'en plus pouvoir, Stiles eut la nausée. Sans même se rendre réellement compte du fait qu'il pleurait déjà, il passa une main sur ses yeux. Là, il y voyait un peu mieux – pour l'instant. Ce serait suffisant pour se rendre sans encombre là où il désirait rester jusqu'à la fin de la journée, un endroit aussi simple que commun : un endroit dans lequel il pourrait s'enfermer sans problème.

Il croisa le regard perplexe d'un jeune homme qui se lavait les mains et c'est d'autant plus honteux qu'il se barricada dans la première cabine libre. Stiles s'autorisa un certain relâchement dès lors qu'il eut verrouillé la lourde porte. Là, il était tranquille. En sécurité, si l'on pouvait dire ça comme ça. Complètement effondré, dépassé par ses propres réflexions et émotions, Stiles se laissa glisser le dos contre la porte jusqu'à se retrouver au sol. De là, il se recroquevilla sur lui-même et se laissa aller aussi silencieusement que possible.

De sa vie, Stiles ne s'était jamais senti aussi faible et pathétique. Quoique les choses n'étaient pas plus reluisantes lorsque Scott abusait de son attirance et son autorité sur lui... Mais ce qui faisait le plus mal, c'était l'après. La réalisation des conséquences de tout cela, lesquelles répondaient à certaines de ses questions... Et pas dans le sens qu'il désirait. Il voyait ça comme une vague ayant le pouvoir de tout détruire sur son passage – et c'était exactement ce qu'il se passait. Stiles se sentait complètement détruit. Il n'y avait rien de plus juste que ce mot pour décrire son état psychique. Comment une seule âme pouvait-elle avoir un pouvoir pareil ? N'était-ce d'ailleurs pas cela le plus terrifiant ? Savoir qu'un jeune de son âge, qu'il considérait comme extrêmement important pour lui, avait réussi à réduire sa confiance en lui à néant ? Stiles ne savait plus ce qu'il devait croire, ce qu'il avait le droit de penser de tout ça. Tout ce dont il avait conscience, c'est qu'il ne tenait pas.

Ainsi lorsque l'on se mit à tambouriner contre la porte de la cabine qu'il occupait, Stiles n'essaya même pas de résister. En plus de taper contre le bois, on l'appelait. Liam. Lydia. Ils étaient là, encore. Toujours. L'hyperactif eut bien du mal à trouver la force de se relever et à tourner le verrou. Sitôt son geste terminé, la porte lui échappa. Stiles, le corps secoué de spasmes, ne releva pas la tête. Il vit les baskets de Liam, les talons de Lydia. Les joues inondées de larmes mais le regard on ne peut plus vide, il fit un pas en avant. Puis deux. Et quelques autres. Il sentit sa tête tomber – elle se laissait simplement choir sur quelque chose de chaud et solide. L'épaule qui se présentait à lui. Ses sanglots reprirent avec une ardeur folle, si bien que le peu de forces qu'il pensait avoir encore ne lui apparut que comme une belle fumisterie.

Stiles ne tenait plus debout seul et il n'était même pas certain que cette certitude concerne seulement son corps. Il y avait en lui quelque chose qui n'allait plus et dont l'état se détériorait de jour en jour... Une sorte de nécrose dont il essayait malgré lui de nier l'existence. Force était de constater que c'était inutile : elle était plus forte que lui.

Alors oui, il s'effondra purement et simplement dans les bras de Liam – le premier à avoir eu le réflexe de le rattraper – tandis que Lydia, sous le choc, ne savait que faire.

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