Chapitre 11

31 7 2
                                    

Callan se figea face à cette question inattendue. Sa rencontre avec Séphiros et Séléna... Voilà bien longtemps qu'il ne l'avait pas évoquée.

- C'est une longue histoire, commença-t-il d'une voix incertaine.

- Hé bien, heureusement que nous avons plusieurs heures devant nous ! répliqua Kira, curieuse d'en apprendre plus sur les trois héliasciens qui l'accompagnaient.

Le jeune stratège laissa échapper un soupir amusé, plongea son regard émeraude dans les flammes qui dansaient devant eux, et il raconta.

- Le récit de notre rencontre est inextricablement lié à celui de mon passé, aussi vais-je commencer par cela. Tu as dû le comprendre lors de notre passage à Émer, mais aujourd'hui, je suis marquis. Cependant, cela n'a pas toujours été le cas. Je suis le fils de talentueux forgerons de Valdor, et, en tant que tel, j'ai grandi au milieu des artisans de la cité. Entouré des armes forgées par mes parents, j'ai rapidement acquis une certaine maîtrise de l'épée, ce qui a poussé mon père à m'envoyer au château quand j'ai eu dix ans, pour que je suive la formation des soldats. Je me suis rapidement fait remarquer parmi mes camarades, pour la simple raison que la plupart d'entre eux n'avaient jamais touché une arme, et n'étaient là que pour le paraître. Enfin... Là n'est pas l'important.

Il marqua une courte pause dans son récit, avant de reprendre.

- Deux ans plus tard, c'est-à-dire un an avant que je ne puisse officiellement prétendre au titre de soldat héliascien, j'ai tout lâché, du jour au lendemain. Je venais alors de recevoir une lettre de ma mère, m'expliquant qu'il y avait eu un accident à la forge. Mon père avait été gravement brûlé, et aucun des guérisseurs consultés ne pouvait déterminer l'étendue de ses séquelles. Après quelques jours, on a enfin eu un verdict : mon père allait recouvrer la plupart de ses capacités, mais ne pourrait plus continuer son travail de forgeron. Ç'a été une terrible nouvelle : seule, ma mère ne pouvait pas faire fonctionner la forge. Enfin, pas comme auparavant, ç'aurait été travailler à perte. Pour pallier ce problème, j'ai décidé de prendre la relève de mon père, et de l'aider comme je le pouvais. Même si elle n'était pas vraiment d'accord avec cette solution, notre situation ne nous laissait pas le luxe de choisir, et elle a dû accepter, à contrecœur.

Kira écoutait son histoire sans l'interrompre, attentive, et surtout heureuse d'enfin commencer à comprendre.

- L'été suivant, la reine Cara organisait une grande réception dans la cour du palais, pour fêter les dix ans de sa nièce, Séléna. C'était une grande fête, à laquelle tous les nobles du royaume étaient conviés. Pour l'occasion, nous avions fermé la forge, et j'étais donc libre pour l'après-midi. Par chance, deux de mes amis parmi les apprentis soldats faisaient partie des gardes mobilisés pour l'événement. Ils m'ont fait entrer en douce, pour que je puisse profiter de la fête. En me faufilant parmi les nobles, j'ai réussi à m'approcher suffisamment de l'estrade où se tenaient Séléna, Séphiros et leurs parents pour être en mesure de les voir. C'est alors que ce jour de liesse a tourné au drame. En plein milieu du discours de la reine, qui se tenait sur un balcon au-dessus de la foule, un homme encapuchonné s'est jeté sur les parents de Séléna, les égorgeant l'un après l'autre sans que les gardes n'aient eu le temps de réagir. D'abord figé par la peur et l'incompréhension, je n'ai pas eu le luxe d'hésiter lorsque l'assassin s'est tourné vers Séphiros et Séléna. Même si je savais que désarmé, je n'avais pas la moindre chance, j'ai bondi sur l'estrade, m'interposant entre eux. Les gardes du palais se tenaient près des entrées de la cour, bloqués par la foule de nobles paniqués. Trop loin pour intervenir. Ce jour-là, j'ai frôlé la mort de près. De très près. Lorsqu'il s'est jeté sur moi, peu intimidé par un enfant, je savais que la force ne me permettrait pas de le vaincre, et qu'esquiver reviendrait à condamner ceux que je souhaitais protéger. Ma seule chance résidait dans ma capacité à le surprendre. Réunissant toute ma concentration, j'ai attendu jusqu'à la dernière seconde, avant de me décaler d'un pas sur le côté, évitant de peu sa lame. Profitant de cette courte seconde mise à ma disposition pour agir, j'ai fait la seule chose à laquelle j'ai pu penser : un croche-pied. Peu orthodoxe, certes, mais typique de l'enfant de douze ans que j'étais alors. Cependant, cela n'a pas suffi à faire tomber l'assassin, mais l'a seulement déséquilibré. Mu par l'adrénaline, je me suis jeté sur lui de tout mon poids, sans penser une seule seconde aux risques d'une telle action. Nous sommes tombés ensemble de l'estrade, et je suis resté au sol, trop sonné pour réagir. Gardant difficilement les yeux ouverts, j'ai entraperçu le reflet du soleil sur la lame de son poignard, qui descendait vers moi. Alors que je me croyais perdu, une lance a bloqué l'arme de l'héliascien, avant de l'envoyer au loin. La garde était enfin intervenue. Du moins, c'est ce que je croyais ! En réalité, la reine Cara venait de me sauver la vie, en risquant la sienne. Je n'oublierai jamais son geste.

Ostarius tome 1 : EspoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant