7. Un Café Contre Nature

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AARON


— C'est quoi son nom ? La femme d'hier, se questionne Seth.

— Pourquoi ? Elle t'intéresse ? s'impose Maura.

— Il n'y a que toi qui m'intéresses Maura chérie.

C'est depuis la cuisine de mon appartement que j'entends ces deux-là se chamailler. En sortant de ma chambre vêtue de mon tailleur-pantalon et ma chemise déboutonner, je les rejoins.

— Elle s'appelle Brooke, Brooke Davis.
   
Il est près de quatorze heures et j'ai quelques kilomètres à parcourir pour me rendre au bureau. Ce matin, Seth, mon ami d'enfance et moi, sommes allés à la salle de sport. Maura nous a rejoints plus tard pour déjeuner et c'est comme ça qu'ils se retrouvent tous les deux ici.
   
Je connais Maura et Seth depuis aussi longtemps qu'il est possible de se souvenir d'une personne. Nous étions ensemble à l'école élémentaire et durant tout le reste de notre scolarité, jusqu'à ce que chacun de nous prenne des chemins différents à la fac.
   
Étant d'origine italienne, Maura a préféré retourner dans son pays pour ses études et a étudié l'art à l'Université Polytechnique de Milan. Quant à Seth, il a quitté Boston pour le New Jersey et a étudié le commerce international à Princeton.
   
C'est comme ça que je me suis retrouvé dans ce restaurant italien, hier soir. Maura nous en parle depuis des semaines, et d'après ces dires, le goût de la nourriture est la même que dans son pays.
   
— Elle n'a pas apprécié que tu règles l'addition, c'est totalement compréhensible, elle la défend.
   
— Vous les femmes ! Toujours dans le besoin de chercher la petite bête et pas un merci, s'exprime Seth.
   
— Et vous les hommes, toujours à croire que tout vous est permis !
   
Ils continuent de se chercher pendant encore cinq bonnes minutes avant que l'on ne lève l'ancre.
   
Mon intention partait d'un bon sentiment, je ne voulais en aucun cas la rendre mal à l'aise. Sa tante et son non petit ami, — peu importe la relation qu'ils entretiennent —, se sont montrés très aimables en me proposant de me joindre à eux. Je me suis dit : pourquoi pas les inviter à dîner pour compenser. Mais il faut croire que ça ne lui a pas plu.
  
— Vous avez l'air de bien vous entendre tous les deux, suppose Maura.
   
— Elle m'a insulté d'enfoiré en costume et de connard je ne-
   
— C'était elle ! me coupe Seth.
   
— Oui.
   
— T'aurais dû lui tenir cette ascenseur, tu l'as cherché aussi, elle ajoute.
   
— Vous n'avez pas des entreprises à gérer ? J'ai du travail qui m'attend, j'essaye de me débarrasser d'eux quand nous sortons de l'ascenseur.
   
Mes deux amis viennent chacun de familles influentes. Maura est propriétaire d'une gallérie d'art en ville et Seth, lui, est directeur commercial dans le secteur de la vente de produits cosmétiques.
   
— J'ai un vernissage le mois prochain ! Passe avec Kay et amène Brooke avec toi.
   
— C'est mon employée, on ne sort pas ensemble je te rappelle.
   
— Employée, pas employée peu importe, vous êtes deux êtres humains qui ont des besoins, intervient Seth.
   
— Des besoins ?
   
— Tu as très bien compris, il hausse un sourcil amusé et monte dans sa voiture.
   
Il met le contact, prêt à s'en aller. Maura s'installe à son tour dans sa berline, sans omettre de lever les yeux au ciel quant à sa remarque.
   
— Réfléchis-y je serais ravi de la rencontrer, elle me décoche un clin d'œil et mes deux amis s'insèrent dans la circulation en même temps.

***

En arrivant au bureau, je suis surpris de ne pas trouver Judith à son poste. La dernière fois que c'est arrivé, elle et M. Neal se trouvaient dans le bureau de Mlle. Davis.
   
Josleen est celle que je suis venu chercher. C'est elle qui endosse la responsabilité de l'organisation du gala et il ne reste que deux semaines avant l'événement tant attendu. C'est à son bureau que je la trouve avec Jude son assistante.
   
— Aaron ! Comment tu vas ?
   
Elle vient me trouver alors que j'avance jusqu'à elle.
   
— Très bien et toi ? Comment se déroulent les préparatifs ?
   
— Parfaitement bien, les étudiants vont entrer dans une semaine intensive et déterminante en ce qui concerne le concours, elle m'explique. En fin de semaine prochaine, les sujets seront rendus et on aura nos gagnants.
   
— Bon travail.
   
— Le monde s'est mis en pause sur les programmes scolaires pour consacrer une semaine entière au concours, c'est plus que du bon travail.
   
Elle demande à Jude de nous apporter deux cafés et par la même occasion de lui imprimer quelques documents. Nous nous installons à son bureau.
   
— Comment vont tes parents, Aaron ?
   
— Bien, ma mère n'a pas changé toujours sur le dos de Sam et mon père, lui, profite de sa retraite, j'articule sans aucune envie de parler d'eux et encore moins d'elle.
   
— Des nouvelles de ton frère ? elle demande, une pointe d'inquiétude dans la voix.
   
Mon frère ne donne pas particulièrement de nouvelles. Les seuls foies où il est possible de le voir c'est à Atlanta ou à la télévision. Il ne vient que très rarement à Boston.
   
— Kayla m'a dit qu'il sera présent au gala, à part ça rien.
   
— Il paraît que sa fiancée et lui vont annoncer leur union lors du bal masqué de Lance Atlantics, elle colporte.
   
Maman sera ravie.
   
— Tu me l'apprends à vrai dire.
   
— Ce n'est qu'une rumeur, il n'y eut aucune annonce officielle, elle essaye de se rattraper.
   
Au même moment, Jude revient, les bras chargés. Je me lève et la rejoins, en la débarrassant de ce qui l'encombre. Elle m'adresse un « merci » et se remet au travail.
   
— Ne t'en fais pas Josleen, je dépose sa tasse de café près d'elle et emporte la mienne. Nous verrons bien si les rumeurs sont fondées lors du gala.
   
Je quitte la pièce, mon café toujours en main. Après la façon dont c'est terminé la soirée d'hier, je devais m'excuser. Du moins, essayer de rattraper le coup avec Brooke.
   
En longeant le couloir, les salles de réunion occupées par les employés cessent le temps d'une seconde ce qu'ils sont en train de faire et je sens leur regard me suivre. Heureusement pour elle, son bureau se trouve assez loin et aucune baie vitrée ne donne sur le couloir.
   
— Entrez, j'entends après avoir signalé ma présence.
   
— Bonjour Mlle. Davis.
   
— M. Lance ? Bonjour ? elle se lève par réflexe mais je l'arrête.
   
J'entre sans omettre de fermer derrière moi. Je suis surpris de découvrir la décoration de son bureau, il y a des livres sur les étagères et des photos des personnes de sa vie. Je reconnais uniquement son non petit ami et sa tante.
   
Une plante trône dans un coin près de la baie vitrée et un tapis a été ajouté ainsi que deux fauteuils scandinaves beiges.
   
— Je vous ai apporté du café, je mens et lui tends la tasse.
   
Théoriquement j'avais décidé qu'il lui reviendrait.
   
— Merci ? elle l'a saisi et l'apporte à ses lèvres couvertes d'une fine couche de brillant.
   
— Beurk ! Mais qu'est-ce que c'est ?
   
— Du café ?
   
— Vous avez une manière cruelle de boire votre café M.Lance, elle repose la tasse dans un coin. Je ne sais pas comment on présente des excuses dans cette ville, mais sûrement pas en offrant du café immonde. À moins que ce ne soit pas pour cette raison.
   
Elle grimace, sûrement à cause du goût du café noir et amer qu'elle vient d'ingurgiter.
   
Note à moi-même : pas de café noir pour Mlle. Davis.
   
— Oui, en parlant de ça, je tenais à m'excuser pour hier soir c'était déplacé de ma part et irréfléchi. Je suis conscient que vous n'avez pas besoin de moi pour payer vos factures.
   
Ses sourcils sont légèrement froncés et à la manière qu'elle a de me dévisager elle n'a pas l'air de vraiment me prendre au sérieux.
   
— Mlle. Davis ?
   
— Excusez-moi j'ai cru comprendre que vous vous excusiez d'avoir agi de manière absurde et désinvolte, elle reprend.
   
— C'est le cas.
   
— Qu'avez vous fait de mon patron et qui êtes vous ?
   
Un rire m'échappe malgré moi, même si une légère pointe de déception me surprend. Elle pense que je suis horrible au point de ne pas reconnaître mes torts ? Peut-être y suis-je allé un peu fort avec elle ?
   
— Accepter mes excuses si vous le souhaitez, je ne reviendrai pas dessus.
   
— Voilà le Aaron Lance que je connais, elle affirme.
   
C'est la première fois qu'elle me cite entièrement. En y repensant, je me demande pourquoi elle reste la seule à encore utiliser mon nom pour s'adresser à moi.
   
— J'accepte vos excuses à la condition que vous repreniez votre travail interminable, elle désigne la paperasse monstre sur son bureau.
   
OK, j'y suis peut-être allé un peu fort. Rien qu'un peu.
   
— Je peux vous aider à alléger votre travail si vous m'y invitez ?
   
Son visage s'illumine et un sourire sincère naît sur ses lèvres roses. Ses yeux bleus brillent d'un éclat peu commun.
   
— Avec plaisir, elle désigne la chaise vide face à elle.
   
Je prends place, m'empare de la tasse de café et bois une gorgée.
   
— Eh ! Mon café.
   
— Je pensais que vous le trouviez immonde ?
   
— C'est le cas, mais je comptais y ajouter du lait et beaucoup, beaucoup de sucre.
   
Cette fois, c'est à mon tour de grimacer. C'est un crime, carrément contre nature. Et je dois sacrément avoir une tête à mourir de rire puisqu'elle se met à rire pleinement.
   
C'est une belle femme, je dois l'admettre.
   
Une heure passe, puis deux sans que nous nous arrêtions de travailler. Il m'est arrivé à plusieurs reprises de nous resservir du café et encore une fois j'y retourne.
   
En sortant de son bureau, je tombe nez à nez sur Judith.
   
— Aaron ?
   
— Judith, que me vaut ce plaisir ?
   
Elle me dévisage, perplexe. Sûrement parce qu'elle vient de me voir sortir du bureau d'une collègue sans m'avoir croisé à l'accueil avant.
   
— Je ne vous ai pas vu arriver à l'étage, tout va bien ? elle jette un coup d'œil dans mon dos supposant sûrement un mal entendu avec Mlle. Davis.
   
— Parfaitement.
   
Je la contourne et passe mon chemin quand elle m'interpelle :
   
— Vous avez besoin de quelque chose ? Je pourrais sûrement vous être utile, elle propose, le sourire aux lèvres.
   
— Ça tombe bien, j'aurai besoin de deux cafés s'il vous plaît, un noir et un autre au lait avec trois sachets de sucres.
   
Elle acquiesce d'un hochement de tête, toujours avec ce même air intrigué et rejoint la salle de repos à l'étage en dessous, tandis que je retourne retrouver Brooke.
   
— Où est le café ?
   
— Il arrive.
   
Nous continuons de travailler une bonne demi-heure. Judith est passée nous apporter notre café et a eu l'air plutôt surprise de nous trouver tous les deux ici. Je dois avouer que si un mois plus tôt on m'avait dit que je serais là à aider mon employée la plus têtue et obstinée, je n'y aurais jamais cru. Pas après le départ désastreux que nous avons pris elle et moi.
   
En la regardant se démener à la tâche, je ne peux qu'être admiratif. Cette femme, ne s'est pas plainte une seule fois de la surcharge de travail que je lui ai imposé.
   
— Qu'est-ce que vous pensez de l'idée d'intégrer plus de volontaires au voyage associatif ?
   
— Vous me demandez mon avis sur votre décision ?
   
Je savais que le sujet allait faire parler plus vite que prévu et qu'il serait le sujet principal des discussions à venir. Avoir un avis extérieur, celui d'une personne qui serait potentiellement intéressée, peut se montrer bénéfique.
   
— Vous voudriez en être ?
   
— Évidemment, tout le monde le voudrait, elle rétorque. Et je pense que vous avez bien fait de la soumettre, il y a plus de chance d'obtenir une place, et les gens sur place recevront deux fois plus d'aide.
   
— On agirait plus rapidement et peut-être même qu'on accomplirait des tâches supplémentaires, j'ajoute quand nous sommes interrompus par de nombreux coups de porte.
   
Brooke invite la personne à entrer et c'est Judith qui se tient derrière celle-ci :
   
— M. Lance, votre sœur vous attend dans votre bureau.

THE CONTRACTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant