BROOKE
— On a les résultats du concours ! crie Marc en entrant en trombe dans notre salle de réunion.
Un peu plus de deux semaines en arrière, on annonçait au monde entier le fameux concours organisé par Lance Company Inc. Et aujourd'hui, les résultats viennent de tombés et toutes les personnes qui m'entourent à cet instant, qui ont consacré des semaines de travail acharné, attendent avec impatience les résultats.
— Alors tu vas cracher le morceau Marc ! s'impatiente Dan.
— Deux étudiants, de la même ville, la même université, il rétorque aussi essoufflé que s'il avait couru un marathon.
Quelle était la probabilité d'un tel résultat ? Infime. Deux étudiants qui se connaissent forcément ont remporté un concours face à un nombre incalculable d'autres étudiants.
— D'où est-ce qu'ils viennent ?
— De Londres. Blake Smith et Cole O'Brien, ils sont en dernières années à Blackmore et vous pouvez me croire quand je vous dis que ces deux-là sont des têtes, il avoue avec une pointe d'étonnement dans la voix.
— Alors les résultats ? on reprend en chœur.
— 99,99%, il marque un temps de pause considérable et jette de nouveau un coup d'œil aux résultats. Pour les deux.
La vache.
S'ils sont aussi doués que nous le disent les chiffres, ces deux-là finiront sûrement par être des atouts pour la société. Qui sait, peut-être que l'un d'eux finira par nous rejoindre ou peut-être même les deux ça seraient l'idéal.
Le gala a lieu dans quelques jours et il ne saurait tarder avant qu'ils n'arrivent. Le voyage sera long, il faudra les accueillir comme il se doit. Je sais que M. Lance prend en charge la totalité de leur voyage ce qui comprend ; le logement, les tenues pour le gala et les diverses activités à faire en ville s'ils le souhaitent.
Après notre dernière entrevue dans son bureau il y a quelques jours, quand il m'a présenté le contrat, nous n'avons plus eu aucun contact. S'il fallait passer par ça pour qu'il me fiche la paix et bien il aurait dû en venir au fait plus tôt.
Je ne l'ai plus croisé dans aucun couloir, ni même aperçu dans son bureau. Les seuls fois où nous étions contraints d'être dans la même pièce, c'était en réunion et encore, ça arrivait très rarement ces derniers jours.
À m'entendre, on croirait que sa présence dans mon quotidien me manque, mais loin de là, au contraire. Il a même arrêté de m'envoyer des listes interminables de choses à faire par mail. Après la question du voyage associatif, je n'ai pas eu d'autre sujet sur lequel travailler si ce n'est le gala.
— Quand est-ce qu'ils arrivent ? je demande.
— Demain, dans l'après-midi. Une voiture sera mise à leur disposition, le chauffeur d'Aaron les attendra à l'arrivée.
Néanmoins, il attend une réponse, quelle qu'elle soit. Le gala a lieu dans trois jours et je n'ai toujours pas donné ma réponse concernant sa proposition. J'y ai longuement réfléchi, et ai annoté le contrat de toutes les manières possibles. J'ai revu le pour et le contre, et j'ai évité de penser aux possibilités que ça pourrait m'apporter. Parce qu'en dehors du côté positif de cette supercherie, les points négatifs restent les plus durs.
Qu'est-ce que les gens diront en nous voyant arriver au bras de l'autre ? Que M. Lance s'est entiché de sa nouvelle employée en un temps record, que mes intentions à son égard sont mauvaises et que je profite de lui, de qui il est, à mes dépens.
Il n'y a pas pire que de sortir avec un homme d'une telle influence pour que les gens y voient une opportunité au harcèlement. J'ai assez donné, beaucoup trop même pour prendre le risque de replonger dans ce cercle vicieux.
Mais d'un côté j'aurais l'excuse parfaite à la question suivante : pourquoi est-ce que j'évite mes parents, et plus particulièrement ma mère qui n'a pas cessé de m'appeler à de nombreuses reprises. C'est la seule raison assez convaincante qui pourrait me pousser à accepter. Si on omet les privilèges qui vont avec.
Plus tard dans la journée, ayant notre après-midi de libre, Newt et moi sommes allés faire les boutiques dans l'espoir de nous trouver à chacun une tenue pour le gala.
C'est chez un couturier qui propose des prestations sur-mesure que j'observe mon ami se faire prendre ses mesures sur une petit estrade surélevé, face à un long miroir en largeur.
Le salaire convenu par la multinationale en fonction des différents postes est incontestable. Je pourrais m'offrir une robe raffinée et au-dessus de mes moyens habituels, mais je ne le ferais pas.
— Alors, qu'est-ce que t'en dit ?
— La coupe est cool, je réponds, peu attentive.
Je sens son regard sur moi à travers le miroir. En le relevant vers lui, l'inquiétude traverse ses iris et je m'en veux de ne pas être suffisamment éprise par notre virée shopping.
— Qu'est-ce qui se passe ?
Je ne peux pas lui en parler, ça serait enfreindre la première règle.
— Rien.
Pas du tout convaincu, il descend de son piédestal et vient me rejoindre près de la banquette en velours bleu roi.
— Je vois bien que quelque chose ne va pas, il insiste sans être trop envahissant.
Si je lui disais, il fallait que j'en parle à Chris. Hors de question que mon meilleur ami soit mis à l'écart. Promis, je lui dirais tout par téléphone. Ou à son retour ? Mais si j'accepte sa proposition et que le gala à lieu avant que Chris ne revienne, il m'en voudra.
Après tout, qui a dit que l'accompagner au gala faisait officiellement de moi sa petite amie ? Rien. Je dirais que nous nous y sommes rendus ensemble et voilà. Ni plus, ni moins.
— M. Lance m'a demandé de l'accompagner au gala, je lance, les mains couvrant mon visage, honteuse.
Pourquoi est-ce que bizarrement, plus aucun bruit ne se fait entendre dans la pièce ? Pourquoi l'impression de ma peau devenue brûlante fait soudain tilt ?
Je dégage mes mains de mes yeux et le visage de Newt s'offre à moi. Il a l'air paralysé. Ses yeux sont prêts à sortir de leurs orbites et je ne parle pas de sa mâchoire sur le point de se décrocher et rejoindre le sol d'une seconde à l'autre. Les bras le long du corps, il se redresse et réajuste les pans de sa veste de costume. Ses lèvres remuent, mais aucuns sons n'en sort. Il essaye de trouver les mots, mais visiblement ça a l'air de lui coûter.
— Il faut que je m'assoie, il déclare enfin en se jetant dramatiquement sur la banquette en velours où je suis installée.
— Tu sors avec Aaron Lance, il se ressaisit doucement.
— Non ! Je... Je vais sortir avec Aaron Lance, du moins le temps d'une soirée, je mens, sachant pertinemment que cette soirée sera prolongée d'une durée indéterminée.
— C'est toujours comme ça que ça commence, c'est d'abord le temps d'un soir ensuite, les jours suivants et enfin vous finirez par tomber amoureux l'un de l'autre.
Je ne réponds pas et me lève, l'abandonnant à ses essayages. La journée file et tandis que Newt, lui, a trouvé sa tenue de gala, je me tâte à trouver la mienne, en vain. Toutes les boutiques du coin proposent des robes et des tailleurs incroyables, mais bizarrement, j'ai un mal fou à trouver ce que je recherche.
Peut-être que ne pas avoir de tenue serait un bon moyen de ne pas m'y rendre, à ce gala ? Et si, je prétextais une maladie ? Mais j'ai déjà dit à Newt que je comptais m'y rendre avec notre patron. Enfin, non, j'ai plutôt fait référence à sa proposition, pas à ma réponse.
Si, j'ai dit que je sortirais avec lui le temps d'une soirée...
Foutu soirée à laquelle je souhaite participer plus que tout ! De toute façon, tant que les termes du contrat ne sont pas transgressés, alors tout va bien. On continuera de se porter très bien.
En rentrant à l'appartement, Chris avait essayé de me joindre pour m'avertir qu'il était arrivé en un seul morceau en Californie, et ma tante, elle, préparait déjà à dîner. Newt, lui, est rentré chez lui. Sa mère est passée lui rendre visite.
C'est bredouille, que je rentre. Les mains vides et une fatigue maximale. Ma mère n'a pas essayé de me joindre aujourd'hui et c'est tant mieux. Je savais qu'en acceptant la proposition d'Aaron, j'aurais une bonne excuse à ces appels manqués, mais peut-être même une bonne raison pour elle et mon père de revenir dans ma vie.
Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on sort avec un milliardaire, qui par la même occasion est patron d'une multinationale. Et ça, ma tante n'a pas hésité à me le faire savoir par ses cris d'hystériques.
— Ah ! elle hurle en sautant de joie.
— Calme-toi, je n'ai pas encore accepté, je m'efforce de lui expliquer, en vain.
Elle reprend son calme difficilement malgré l'excitation qui pétille en elle. Je le vois rien qu'à sa façon de trembler, elle peut exploser d'une minute à l'autre. Elle n'en a rien à faire de mes protestations, tout ce qu'elle a tiré de cette conversation est : Brooke Davis et Aaron Lance, aux bras l'un de l'autre.
— Peut-être, mais j'avais raison sur un point. Il ne te méprise absolument pas.
Je pousse un soupir et m'éloigne d'elle avant qu'elle ne se mette en tête des idées saugrenues, sortie tout droit de son imagination. À cause d'elle, j'ai déjà imaginé mon patron à moitié nu et j'ai eu du mal à me débarrasser de cette vision. Au point où, lors de ma dernière partie de jambes en l'air, son visage m'est apparu. Et quelle a été ma surprise quand ce petit désagrément m'a totalement refroidie. J'ai dû arrêter, prétextant une douleur physique et me suis enfui à la seconde suivante. Moi, qui n'ai presque aucun mal à prendre du plaisir malgré mes nombreux coups d'un soir foireux, j'ai été le coup foireux de quelqu'un à mon tour.
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THE CONTRACT
RomansaBrooke Davis s'installe à Boston pour prendre un nouveau départ, et décroche un emploi à la Lance Company Inc. Son patron, Aaron Lance, un homme ambitieux et impassible, ne jure que par son travail à en oublier le relationnel. Après un mauvais dépa...