An 783 de l'ère nobiliaire
L'homme mort se réveilla.
Il n'avait pas entendu les pleurs des siens, allongé, le corps percé de plaies, lavé par des serviteurs terrassés par le chagrin. Un cœur muet, une respiration éteinte et des yeux clos.
Il fut mort mais il ne l'était plus.
La Puissance ne l'enlacerait pas.
Il regarda autour de lui. Les bougies s'étaient toutes consumées et des rideaux dissimulaient la lumière du jour. Il s'assit dans son cercueil. Les petites mains de la famille religieuse ne l'avaient pas encore enfermé dans le coffret qui protégeait les morts des insectes et de la profanation.
Il devait se lever et sortir. Sa tendre sœur serait folle de joie en le voyant vivant. On célèbrerait le retour de l'héritier que la Puissance n'avait pu emporter.
Il fit un premier pas hésitant. Ses pieds étaient nus sur le sol froid. Un autre pas l'éloigna du cercueil. Il se sépara de son support et manqua de tomber. Il distinguait la porte, si loin, et le faisceau de lumière qui passait au-dessous. Derrière, la vie suivait son court et hurlait à pleins poumons. Il progressa. Les siens l'attendaient.
« A votre place, je ne sortirais pas d'ici. »
Surpris, il fouilla la morgue des yeux. Une silhouette vêtue d'une large cape émergea de l'ombre. Le claquement de ses talons se réverbéra dans l'espace. L'étranger parlait d'une voix jeune décorée d'un accent exotique, mais sans appel.
« Qui êtes-vous ?
— Celui qui a échoué à vous éliminer. Vous êtes coriace. »
L'homme passa une main sur son flanc. Une blessure achevait de se refermer. Il recula vers son cercueil. Il n'aurait rien pour se défendre, mais il lutterait jusqu'à la fin.
« Je n'ai reçu qu'une seule fois l'ordre de vous tuer, dit l'étranger en replongeant dans l'obscurité. Je ne vous ferai plus rien. Mais mes employeurs risquent de ne pas être de cet avis.
— Qui êtes-vous ? »
Il crut distinguer l'éclat des dents dans le noir. Un sourire ?
« Celui qui vous aidera à vous enfuir. Vous le méritez.
— Fuir mon propre peuple ?
— Votre peuple veut votre mort. »
L'homme tituba, pris de vertige. Qui avait pleuré sur sa dépouille ? Peut-être n'y avait-il eu personne. Il avait traversé la mort seul. Il jeta un regard à la ligne du jour sous la porte. Il se détourna. La vie suivrait son court sans lui.
« Que dois-je faire ?
— Réfugiez-vous dans le désert Iyarin, dit l'étranger. Personne ne vous cherchera, là-bas. »
Il lança un vêtement sur le sol. Une cape, indiqua-t-il. L'homme la ramassa et, en touchant le tissu rugueux, il comprit qu'il ne restait plus rien de l'héritier bien-aimé. Il irait seul, voyageur ou vagabond, anonyme puisque son nom lui avait valu d'essuyer la mort.
« Qui êtes-vous ? dit-il encore en cherchant à distinguer l'étranger. Je veux savoir qui remercier.
— Celui dont on ne veut rien savoir. »
Bienvenue dans L'Hiver hurlait à l'oreille du monde.
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Prochain chapitre : « Chapitre I - Celui qui s'accrochait à ses promesses »
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L'Hiver hurlait à l'oreille du monde [Intégrale]
Fantasy𝐼𝑙 𝑣𝑖𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑜𝑢𝑏𝑙𝑖𝑒𝑟 𝑞𝑢'𝑖𝑙 é𝑡𝑎𝑖𝑡 𝑚𝑜𝑟𝑡. La guerre déchire le Continent, détruit des familles, met à mal la paix qui avait perduré depuis des centaines d'années. Le jour où Priel perd tout, il pense mourir. Il n'a rien...