𝟙 | Chapitre XXX - Celui qui s'embourbait dans ses promesses, 2/2

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Margaret

Margaret guida Priel jusqu'au lit au centre de la pièce et le contempla s'asseoir et lever les yeux vers lui, le menton haut et la bouche entrouverte. Ses cheveux entouraient son visage pâle, tombaient sur ses épaules avec indolence. Les premiers boutons de son vêtement étaient défaits et dévoilaient la clavicule blanche.

Il posa un genou sur le matelas, qui s'enfonça sous son poids, et poussa doucement le jeune homme en arrière. Il se laissa faire, jusqu'à ce que son dos entrât en contact avec les couvertures et que son partenaire le surplombât.

Priel resplendissait, digne bien qu'allongé, le regard fier et les lèvres étirées par un sourire satisfait. Il se redressa sur le coude pour réclamer un baiser. Toujours maladroit, un peu moins pressé. Impérieux, surtout. Cette fois, il prit son temps, appuya sa main baguée contre la nuque de Margaret, l'obligeant à se pencher davantage.

Margaret suivait ses gestes, obéissait à ses désirs.

Une déformation professionnelle ; il lui semblait parfois qu'il ne savait plus quels étaient ses désirs à lui.

Il fit courir ses mains sur le corps de Priel et entreprit de détacher les boutons restants de sa chemise. Le tissu glissa, dévoilant un torse clair et tonique. Le ventre se gonflait et se creusait à intervalles rapprochés. Il respirait vite. Margaret fronça les sourcils.

« Que s'est-il passé ? »

Une brûlure traversait son bas-ventre, ses flancs, montait jusqu'au nombril. Elle disparaissait sous la ceinture et s'étendait sur le côté, peut-être dans le dos. Il effleura la peau rosée avec douceur.

Priel claqua la langue et écarta sa main.

« Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'argent en jeu que tu es autorisé à poser des questions », dit-il d'un ton sec.

Il se remit en position assise. Sa chemise tomba sur le matelas. Il frissonna et se pinça l'arête du nez. Il paraissait vulnérable, soudain, à moitié nu sur le lit, l'abdomen barré par une cicatrice. Le visage vide. Ses mèches sombres avachies sur ses épaules dénudées accentuaient la pâleur de l'épiderme.

Ses yeux presque noirs accrochèrent les iris blancs de Margaret, qui inclina la tête sans formuler la question qui bordait ses lèvres. Il s'écarta et s'assit en tailleur à côté pour réajuster sa propre chemise. Priel ne disait rien, les lèvres serrées.

« Je comprendrais si vous ne vouliez plus qu'on..., dit Margaret après de longues secondes à soutenir les yeux inexpressifs.

— Ce n'est pas ça, le coupa-t-il. Je n'ai pas envie que tu te sentes obligé. »

Il ne sut que répondre.

« Je t'ai donné beaucoup d'ordres que tu n'as jamais refusés, mais ce soir, ça n'en est pas un. Tu es libre de partir, Margaret. Je suis désolé d'avoir tenté de te convaincre, c'était puéril. C'est juste que... je suis fatigué d'être seul, tu vois ? Et toi, tu es là, et... »

Son visage tressaillit. Le masque se fissura un bref instant, laissant apparaître des traits déformés par une peur démesurée.

Margaret le scruta sans comprendre.

« Pardon, dit Priel, la main collée à sa cicatrice. Pardon, Margaret, j'ai outrepassé notre accord. Pardonne-moi, je t'en prie... »

Ses yeux brillaient de larmes qui ne coulèrent pas. Le masque, animé par une conscience propre, s'agrippait à ses tempes, ses pommettes et son menton pour ne pas se détacher.

Margaret sourit avec délicatesse et passa le pouce sur la joue du jeune homme.

« Vous avez parlé d'adultes consentants, plus tôt, dit-il en s'approchant légèrement. Je crois être assez adulte pour déterminer si je suis consentant ou non. Vous l'avez dit, il n'y a pas d'argent en jeu. Rien ne m'oblige à rester, mais rien ne m'oblige à partir non plus.

L'Hiver hurlait à l'oreille du monde [Intégrale]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant