𝟚 | Chapitre X - Celui qui s'appelait Lumière, 2/2

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Margaret

« Tu lui as donné du lait de pavot ? » dit Dewin en le voyant arriver.

Elle se versait une tasse de tisane, un cigare dans la bouche. Il fit signe que non.

« C'est la première fois en huit jours que je le vois s'endormir tout seul. C'est pas plus mal, ajouta-t-elle en expulsant un nuage de fumée. Les somnifères, ça te bousille un homme. »

Margaret prit machinalement la tasse qu'elle lui tendait, la porta à ses lèvres et fronça le nez quand le goût terreux gagna son palet.

« Il ne tiendra pas », dit-il.

Il vida sa boisson d'un trait, grimaça et reprit une expression sérieuse.

« Il faut trouver une solution, dit-il encore, la voix grave.

— J'en ai une, mais il faut attendre la Lune Morte.

— Pourquoi ? »

Margaret haussa un sourcil. En dévisageant sa mère, il tira une chaise et s'installa en face d'elle.

« C'est la Lune de Nagarr, répondit cette dernière, comme si elle éclairait d'un coup tout le tableau.

— Tu veux user de magie ancienne ? »

Dewin écrasa son mégot. Elle se détourna un instant et son regard embrassa le décor qui les entourait. La nature, partout, fleurait la liberté. Les plantes poussaient selon leur bon gré, les animaux gambadaient sans qu'on les chassât jamais, les cours d'eau n'étaient pas détournés... Le village de Zindiq s'était construit dans le respect de ce monde que la Puissance avait créé – même si sa mère objectait souvent que le Continent était le fruit de Nagarr, le dieu cracheur de feu.

Dewin se racla la gorge en se retournant vers son fils.

« Quand j'étais petite, ma grand-mère me racontait les mythes des temps anciens, quand la descendance de Nagarr et son frère, Painlaal Nagarr, régnait sur le Continent. Des cracheurs de feu, des dragons des mers, et des humains, ceux que les nobles appellent hérétiques, étaient les puissants du monde de jadis.

— Des hérétiques comme toi ?

— Comme nous. Le sang de Nagarr coule dans nos veines et grâce à lui, nous maîtrisons des fragments d'une magie ancestrale.

— La magie des morts. »

Dewin esquissa un sourire. Dans son regard, on lisait l'amusement devant l'obstination de son fils à rejeter les dieux qui n'étaient pas la Puissance.

« La magie de Nagarr, corrigea-t-elle après un bref silence. Une magie née de la Lune de mi-saison du temps où elle n'était pas Morte. Avant la mort de Nagarr, il y a huit cents ans, la magie des ombres était une magie de vie, Maggie.

— Tu rendras ses jambes à Priel avec cette magie ? »

Dewin saisit la main de son fils et la serra.

« Si j'échoue le jour de la Lune Morte, dit-elle avec gravité, il n'y aura plus d'espoir. Dis à ton petit seigneur d'attendre huit jours. Alors, nous serons fixés. »

L'assassin hocha la tête. Il s'apprêtait à se lever – il voulait errer dans les montagnes avant que l'heure fût trop avancée – quand le contact frais de sa chainette lui rappeler ce que Priel lui avait révélé quelques jours plus tôt.

« Ce n'est pas mon prénom, sur mon collier. »

Il ne s'agissait pas d'une question. Le visage de Dewin fut traversé par la surprise.

L'Hiver hurlait à l'oreille du monde [Intégrale]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant