Chapitre 4

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Fléa s'empressa de changer ses vêtements pour les dissimuler, lorsqu'elle entendit des bruits de pas provenant de l'extérieur de la maison. L'heure du diner avançait, elle n'avait encore rien préparé.

Avec une vitesse fulgurante, elle réussit à être dans la cuisine à temps avant que Miranda ne commence à crier son prénom dès qu'elle fut rentrée dans la maison.

— Où es-tu Fléa? Cria-t-elle de sa voix piquante.

— Je suis dans la cuisine, annonça-t-elle avant que sa foudre ne s'abatte sur elle.

Comme à chaque fois, elle se prépara mentalement à affronter les réprimandes et les humiliations qui ne manqueraient pas de suivre.

Elle s'affaira rapidement dans la cuisine, préparant les assiettes avec une dextérité acquise au fil des années. Les jurons de Miranda résonnaient encore à ses oreilles, les marques de coups sur sa peau pâle lui rappelant la cruauté de sa vie quotidienne. Malgré tout, Fléa gardait espoir en un avenir meilleur, en des jours où elle serait enfin libre de cette prison dorée qui était devenue sa maison.

Miranda entra dans la cuisine, les traits tirés par la colère perpétuelle qui semblait la consumer. Ses yeux s'arrêtèrent un court instant sur Fléa, avant de se poser sur la table vide.

— Ne t'ai-je pas dit que la nourriture devait être prête avant mon retour ?

Fléa baissa la tête, sentant la vague de honte l'envahir. Elle savait que peu importe ce qu'elle faisait, Miranda ne serait jamais satisfaite. Elle prit une profonde inspiration avant de répondre d'une voix calme, mais tremblante :

— Je suis désolée. Je vais préparer le repas immédiatement.

Sans attendre de réponse, Fléa se mit au travail, ses mains agiles s'affairant à cuisiner. Elle sentait le regard insistant de Miranda sur elle, mais elle refusait de céder à la peur. Les larmes menaçaient de couler, mais elle refusait de pleurer devant cette femme qui lui avait vendu un beau rêve. Elle avait cru qu'elle trouverait en elle la mère qu'elle convoitait tant...

Alors qu'elle mettait les assiettes sur la table, Miranda lança d'un ton sarcastique :

— Tu dois te battre pour ta place ici, tout comme tu as dû te battre pour survivre en Haïti. Ne l'oublie jamais.

Fléa baissa les yeux, serrant les poings pour contenir ses émotions. Elle sentit ses yeux s'embuer de larmes, mais elle les retint. Elle devait rester forte, pour elle-même, pour sa dignité.

Fléa savait que Miranda se nourrissait de sa peur, qu'elle prenait un malin plaisir à la voir souffrir.

Les mains tremblantes, Fléa se mit à découper les légumes avec une précision qui trahissait sa nervosité. Les mots acerbes de Miranda tournaient en boucle dans sa tête, réveillant en elle une colère sourde qu'elle réprimait tant bien que mal. Elle était fatiguée de cette vie faite de servitude et d'humiliations constantes.

Pendant que les aliments cuisaient lentement sur le feu, Fléa s'échappa mentalement vers un avenir qu'elle désirait ardemment. Elle rêvait de liberté, de sentir enfin le vent sur son visage sans craindre les représailles de Miranda. Elle se voyait déjà loin de cette maison.

Mais la réalité la rattrapa brusquement lorsque Miranda lui lança un regard glacial.

— Tu n'es rien sans moi petite sotte, ne l'oublie en aucun cas.

Elle ne répondit pas, sachant que ce serait une déclaration de guerre.

Les minutes semblaient s'éterniser alors qu'elle s'efforçait de préparer le repas le plus rapidement possible. Les coups d'œil furieux de Miranda la brûlaient comme un feu ardent, la rappelant à chaque instant sa place misérable dans cette maison.

Fléa sentit son cœur se serrer et ses mains se remirent à trembler. Elle savait que Miranda ne la laisserait jamais partir, qu'elle était son jouet, sa marionnette dont elle tirait les ficelles avec sadisme. Mais ce soir, quelque chose en elle avait changé. Une lueur d'espoir s'était allumée au fond de son être, une détermination farouche à ne plus se laisser écraser. Elle s'accrochait à l'idée qu'elle serait prise dans cette entreprise qu'elle désirait. Être secrétaire, lui permettrait d'avoir assez de moyen pour payer un appartement.

Alors qu'elle terminait à peine de dresser la table, un grondement sourd résonna dehors, suivi d'un éclair zébrant le ciel sombre. La tempête se rapprochait, apportant avec elle une énergie électrique qui semblait emplir l'air. Fléa leva les yeux vers la fenêtre pour admirer les éclairs qui zébraient le ciel. Ils ressemblaient cruellement aux cicatrices présentes sur ses cuisses.

Elle se souvenait qu'elle était restée plusieurs jours sous les décombres et que la pluie était tombée sur le pays, comme pour purifier la terre du sang des victimes. Jamais, elle n'aurait pu oser penser qu'elle serait une rescapée de ce terrible évènement.

Alors qu'elle quittait la cuisine pour se rendre dans sa chambre, elle faillit se cogner à son père adoptif qui venait de rentrer du travail.

— Fléa, où te rends-tu ainsi sans regarder devant toi ? Questionna-t-il en tendant son sac à la jeune fille.

— Je suis désolée, je ne t'avais pas vu, répondit-elle en prenant son sac pour aller le déposer à sa place.

— Ta mère est déjà rentrée ?

— Elle est dans la salle à manger, lui dit-elle en repartant rapidement vers sa chambre.

Elle se jeta sur son petit lit, en laissant éclater ses sanglots. Cette femme ne serait jamais sa mère !

Dans l'obscurité de sa chambre, Fléa se remémorait les paroles cinglantes de Miranda. Cette dernière était son pire cauchemar, elle prenait un malin plaisir à l'humilier à tout moment. Depuis qu'elle avait été adoptée par cette famille américaine, sa vie était devenue un enfer.

Alors que les larmes coulaient silencieusement sur ses joues, Fléa savait qu'elle devait trouver un moyen de s'échapper de cette forteresse dorée qui était devenue son quotidien. Elle repensait à l'entretien pour le poste de secrétaire qu'elle avait passé plus tôt dans la journée. C'était sa seule chance de se libérer de l'emprise de Miranda et de prendre enfin son envol.

Ce poste était sa planche de salut, sa bouée de sauvetage dans cet océan d'indifférence. Elle savait que sa seule issue était de saisir cette opportunité, de prouver sa valeur et de s'élever au-dessus des préjugés et des obstacles.

Tandis qu'elle pleurait, son ventre grogna. Elle était si stressée qu'elle n'avait pas pu manger dans la matinée. Dès qu'elle avait pu travailler, elle s'était interdite de manger ce que son argent n'avait pas acheté dans cette maison.

Elle avait connu de longues années de vaches maigres, ces quatorze dernières années. Mais, elle était habituée à la faim et au mépris. Elle avait l'impression d'être immunisée quelques fois. Évidemment, tout cela n'était qu'illusion. Car durant ses années universitaires, elle s'évanouissait parfois à l'université, puisqu'elle ne mangeait pas. Quand on lui demandait ce qui n'allait pas, elle disait qu'elle était malade.

Alors que la nuit enveloppait la maison dans un silence lourd, elle s'endormit d'épuisement, le ventre vide et les pensées épouvantées par des vieux souvenirs.


𝗬𝗢𝗨𝗥  𝗕𝗘𝗟𝗢𝗩𝗘𝗗Où les histoires vivent. Découvrez maintenant