Chapitre 8

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Fléa se regardait une dernière fois devant le miroir, cherchant perpétuellement des imperfections sur son visage, quelque chose qu'elle pourrait maudire. Sa vision commençait à se diminuer de plus en plus, l'obligeant à porter ses lunettes chaque jour. Les larmes lui vinrent aux yeux en repensant aux moqueries et aux regards méprisants qu'elle avait subis tout au long de sa vie à cause de sa différence. Sa peau pâle et ses cheveux blonds presque transparents attiraient souvent l'attention, mais rarement de manière positive.

Elle avait l'impression d'être une étrangère dans son propre corps, ce corps qu'elle abhorrait tant. Les regards dédaigneux des autres résonnaient continuellement dans sa tête comme un refrain incessant. Chaque matin, elle devait affronter la même routine cruelle devant le miroir, cherchant désespérément à masquer les marques de son albinisme, à dissimuler sa différence avec du maquillage.

Malgré ses efforts inlassables, elle sentait le poids de sa différence peser sur ses épaules tels des jougs. Les obstacles semblaient insurmontables, les sourires faux et les regards condescendants étaient son quotidien. Chaque jour, elle se demandait pourquoi elle devait porter ce fardeau, pourquoi son reflet lui renvoyait une image si douloureuse.

Ayant entendu la voiture de Martin arriver dans la cour, elle s'empressa de mettre ses lunettes aux montures dorées, une barrière entre elle et le monde extérieur.

Tandis qu'elle prenait place sur le siège en cuir noir, Fléa sentit une bouffée de nervosité l'envahir. Son cœur battait la chamade et elle se maudit de ne pas être plus confiante en elle.

— Bonjour Martin, comment vas-tu aujourd'hui ?

Martin lui adressa un sourire chaleureux en se tournant vers elle.

— Bonjour Fléa, je vais bien, merci. Et vous, comment vous sentez-vous aujourd'hui ?

Fléa haussa les épaules, essayant de dissimuler son malaise.

— Je vais bien, merci, répondit-elle d'une voix douce.

La voiture avançait souplement sur la route, se frayer un chemin à travers les rues animées de la ville. Fléa observait le paysage défiler à travers la vitre teintée, se perdant dans ses pensées tourmentées. Son cœur battait très fort, empli d'une mixité d'excitation et d'appréhension à l'idée de ce nouveau départ. Les immeubles imposants se dressaient tels des géants de béton et de verre, dominant le ciel. Les rues étaient remplies de voitures et de piétons pressés, tous absorbés par leurs propres pensées et occupations.

— Bon courage pour votre premier jour, l'encouragea Martin en descendant de la voiture.

En arrivant devant l'imposant bâtiment de verre et d'acier qui abritait le siège de l'entreprise, Fléa sentit ses genoux se dérober légèrement.

Elle prit une grande inspiration avant de sortir de la voiture, ses chaussures à talons résonnant sur le pavé. Martin lui ouvrit galamment la portière et lui adressa un dernier sourire encourageant avant de repartir.

En arrivant devant l'entrée du grand bâtiment de l'entreprise, Fléa sentit son estomac se nouer. Elle savait que les regards curieux et parfois méprisants des autres employés seraient pesants. Pourtant, elle avait besoin de ce travail pour survivre, pour prouver sa valeur dans un monde cruel qui ne pardonnait pas la différence.

Elle se retrouva seule devant les portes en verre du bâtiment, se sentant comme une intruse dans ce monde corporatif. Elle ajusta ses lunettes dorées et franchit les portes avec détermination. À l'intérieur, l'agitation était palpable ; les employés s'affairaient dans tous les sens, leurs costumes élégants contrastant avec la tenue sobre de la jeune fille.

Elle se dirigea vers son bureau, passant devant des regards curieux et certains jugements voilés. Elle s'installa à son poste, une pile de dossiers l'attendant déjà. Fléa se plongea dans son travail pour ne pas penser à ses tourments. Son patron semblait absent dans tout le bâtiment, mais elle était certaine que lui seul avait laissé toute cette charge de travail. Les heures défilaient, les tâches s'enchaînaient, et Fléa se concentrait de toutes ses forces. Elle continua ainsi jusqu'à midi sans se lever ne serait-ce qu'une seule fois.

Pourtant, à l'heure du déjeuner, alors que tout le monde quittait le bureau, Fléa resta seule dans son coin, le regard perdu dans le vide. Il était hors de question qu'elle aille aussi dans la cafétéria pour manger avec ces collègues qui ne paraissaient guère désirer sa présence au sein de l'entreprise.

Elle ôta lentement ses lunettes pour frotter ses yeux qui commençaient à souffrir d'épuisement. Soudain, elle entendit la porte du bureau de Thery Firth qui situé devant le sien s'ouvrir brusquement. Il était là depuis tout ce temps, pensa-t-elle en se levant rapidement pour le saluer.

Alors qu'elle se mettait debout, Fléa sentit son cœur rater un battement. C'était un homme imposant, au regard perçant et à la voix grave, qui dirigeait l'entreprise d'une main de fer. Sa réputation en tant que patron indomptable était connue de tous.

Il la dévisagea un instant, son regard scrutant son visage albâtre et ses yeux écarlates, avant de lui adresser un sourire énigmatique, ses yeux d'un bleu glacial la faisant frissonner. Fléa sentit son estomac se nouer, mais elle tint bon, déterminée à ne pas se laisser intimider.

— Bonjour, Monsieur Firth, dit-elle d'une voix ferme, essayant de cacher le tremblement dans ses mains.

— Bonjour mademoiselle Sloan. Je suis ravi de voir que vous prenez vos nouvelles responsabilités au sérieux.

Elle acquiesça, ne sachant pas ce qu'elle devait répondre à une telle remarque. Elle se sentait mise à nu, car il l'observait depuis son bureau depuis le début de la matinée.

— Pourquoi êtes-vous encore là ? Vous comptez-vous affamer durant toute la journée ?

— Je... n'ai pas faim, bredouilla-t-elle, ses mains tremblantes serrant sa robe.

Il la fixa d'un regard sévère, son visage sérieux encadré par une mâchoire anguleuse. Ses yeux perçants semblaient scrutateurs, analysant chaque mouvement de Fléa avec une intensité qui la fit frissonner. Elle déglutit difficilement, sentant la panique monter en elle comme une marée noire prête à tout engloutir. Son teint déjà pâle devint encore plus blafard sous son regard acéré.

Thery Firth arqua un sourcil, ses lèvres se retroussant légèrement dans une moue de mépris. Puis, laissa échapper un soupir exaspéré avant de continuer, sa voix emplie de mépris :

— Je vous ai embauchée pour vos compétences, pas pour rester ici à vous apitoyer sur vous-même. Allez donc déjeuner avec vos collègues et montrez-moi que vous êtes capable de vous intégrer, lança-t-il d'un ton cinglant qui fit frémir Fléa, avant de se diriger vers un ascenseur.

Fléa ravala sa peur et hocha la tête, reprenant ses lunettes pour cacher les larmes qui menaçaient de couler. Elle sortit du bureau en tremblant, les mains crispées sur son sac à main. Elle aurait aimé disparaître, se fondre dans les murs comme un fantôme.

Les larmes lui montèrent aux yeux, mais elle se mordit la lèvre pour les retenir. Elle replaça ses lunettes sur son visage, espérant dissimuler ses émotions derrière les verres teintés.

Sans un regard en arrière, elle traversa le bureau, escortée par le silence pesant qui l'entourait.

Lorsqu'elle entra dans la grande salle lumineuse, le brouhaha des conversations cessa presque instantanément. Les regards curieux et inquisiteurs se posèrent sur elle, la jeune femme aux cheveux argentés et à la peau pâle qui semblait si fragile. Elle sentait sur elle le poids du jugement, des murmures étouffés que ses oreilles sensibles captaient sans peine.


𝗬𝗢𝗨𝗥  𝗕𝗘𝗟𝗢𝗩𝗘𝗗Où les histoires vivent. Découvrez maintenant