Chapitre 5 - Cassures

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Chez eux, Valentin empoigna son fils par le col de sa chemise.

– Que je ne te retrouve pas en train de fricoter à droite, à gauche. Déshonore cette consigne et je te fais le serment que tu ne la reverras plus.

– Je n'ai rien fait. Ne va pas m'accuser d'une chose que je n'ai pas commise.

– C'est un avertissement et tu sais que mes paroles sont toujours tenues.

– Ouais, comme ta promesse de mariage avec maman. Tu l'as tuée, car elle te gênait dans tes petits projets. Elle a tout mis en uvre pour sauver son couple et notre famille. Regarde où nous en sommes aujourd'hui.

– Je te ferai remarquer que je me montre patient alors ne va pas plus loin si tu n'es pas capable d'en assumer les conséquences.

– Je repars. Je t'avais averti que je sortais avec des amis.

Ignorant son fils, le plus vieux se retira. De son côté, Rohan ne tenait plus en place. Devant la porte d'un appartement, il sonna. Dès l'ouverture, il sourit.

– Tu es venu tout compte fait !

– Oui. Mais chut. Mon père pense que je rejoins des amis.

– Ouh... Serais-tu en train de dire que tu me considères comme plus qu'une amie ?

– Possible.

– Au fait, qu'en est-il de ta femme ? Tu lui en as parlé, ou elle l'ignore toujours ?

– Je te l'ai promis. Je lui ai révélé. Elle m'a répondu que nous avions une relation libre et platonique. Ce mariage n'est qu'un arrangement entre deux parties qui ne sont ni elle ni moi. Un couple formé à partir de mots sur un papier.

*

– Basile, c'est Valentin.

– Je t'écoute.

– Je viens d'obtenir les résultats que nous attendions. Ils sont très mauvais et nous devons procéder à une remise à niveau au plus vite au risque que les choses empirent.

– Je te laisse me les transmettre et je me chargerai de rapporter le nécessaire.

– Bien. Nous avons encore un peu de temps. L'environnement ralentit la fragmentation.

– Plus tôt nous agissons, mieux ce sera.

– J'aimerais aussi que tu récupères du poison de Sercadelle.

– Tu es fou ! Où est-ce que je vais bien pouvoir trouver ça, moi ? Ce n'est pas un produit qui se vend facilement. Surtout pas ces dernières décennies.

– Si ma mémoire ne me fait pas défaut, il y a un marché. Le marché de Caranac. Ce vendeur a toujours été installé au même endroit. Il vend des épices et si tu lui demandes un bouillon de serpent, il comprendra ta commande.

– Maintenant que tu l'évoques, je crois que je le remets. C'est le vieillard qui en quarante ans a gardé une tête identique ?

– Tout à fait.

– C'est bon, je saurai le trouver. Aux dernières nouvelles, il a ouvert une boutique dans la ville.

– Dis-lui que tu viens de ma part et il te fera un prix d'ami.

– Entendu.

Les jours suivants, Basile s'absenta. Pour son voyage, il allait devoir changer de ville et en rejoindre une complètement différente. Ça ne lui plaisait pas et pourtant, pour la pérennité de ses affaires et le maintien de ses secrets, il était obligé. Réorganisant ses plans, Valentin finit par l'accompagner. Tels des criminels, ils portaient une tenue qui les dissimulait.

– Dans mes souvenirs, ce marché n'avait pas cette taille. Il s'est énormément étendu.

– J'espère que nous arriverons à trouver ce qu'il nous faut. Au fait, j'ai vu que vous aviez changé la composition de l'injection.

– Oui. J'ai apporté quelques modifications. L'actuel ne semble pas assez puissant. Je crains qu'il se réveille.

– Vu l'état des choses, ce ne serait pas étonnant.

– Nous ferions mieux de nous dépêcher. Je n'apprécie pas tellement de traîner parmi cette foule.

Dans la boutique, le calme planait. Pas un seul client ne s'y trouvait et pourtant, ce n'était pas la place qui manquait. Chaque rayon constituait une spécialité qui ferait tourner la tête aux connaisseurs. Le carillon qui tintait à chaque ouverture de porte avait alerté le propriétaire, qui surgit de l'arrière-boutique et écarquilla les yeux en découvrant Valentin.

– Duc de Lesgardes, ça faisait longtemps que vous ne nous avez pas honoré de votre présence. Que désirez vous ?

Pour simple réponse, il lui donna une liste. Le petit homme la détailla et à chaque fois qu'il avait en stock un ingrédient qui figurait sur le papier, il hochait la tête. Sa lecture achevée, il se mit à vagabonder dans les allées afin de récupérer les articles nécessaires à ses deux clients.

– Ça vous fera un total de 352 dars.

– En voilà 400. Je compte sur votre discrétion.

– Comme toujours, monsieur.

Sans perdre de temps, le duo parcourut le chemin inverse. En cours de route, ne pouvant pas faire grand-chose, ils élaboraient un plan de défense.

– Tu ne penses pas que réaliser ta potion magique ici, ça craint ?

– Je sais parfaitement ce que je fais.

– En tout cas, on peut dire que tu n'as pas peur qu'elle te pète à la gueule.

– Je peux t'assurer que ça n'arrivera pas.

– J'ai une entière confiance en toi. Je ne m'inquiète absolument pas pour la suite des événements.

– Pour rejoindre le site, nous n'attendrons pas de rentrer. Nous retrouverons le bateau au port.

– Tu as tout prévu, comme d'habitude.

– Le temps va finir par jouer contre nous, si nous ne nous bougeons pas rapidement. Je crains que malgré notre réaction, nous allons devoir redoubler de vigilance. Même si nous le maintenons captif depuis de nombreuses années, il n'empêche qu'il a grandi et que ses pouvoirs ont suivi son évolution.

Malgré l'assurance dont faisait preuve le comte, Basile semblait perplexe. Le plan paraissait trop parfait et il leur restait trop d'inconnues pour pouvoir agir à leur guise. Enfin de retour dans une zone familière, les deux hommes s'affairèrent à la tâche. Valentin ordonnait et le personnel s'exécutait sans se questionner.

Alors que tout ou presque était calme, un hurlement vint briser le silence. Une équipe de dix individus environ se précipita en direction de la créature qui avait réussi à se défaire de l'une des attaches, qui lui avait été plantée dans le corps et qui l'immobilisait.

Stoïque, le chef regarda le spectacle qui se dressait devant lui. Le « monstre », comme ils aimaient l'appeler, s'écroula sous les décharges et toujours plus hargneux, il leva les yeux vers son ennemi principal : le duc de Lesgardes. Puisant dans ses dernières forces, le solitaire hurla jusqu'à n'en plus pouvoir. Le goût du sang imprégnait l'entièreté de sa gorge. Gentil ou méchant, un démon reste un démon, mais... avec tout ce qu'il avait subi au cours de cette dernière décennie, il allait agit comme tel. Un fin sourire sur les lèvres il s'endormit, fuyant cette triste réalité.

Déchéances T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant