Chapitre 8 - Buffet à volonté

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– Des chercheurs sont sur le point de pénétrer la zone, si nous gardons les bras croisés, ils vont nous trouver à coup sûr. Peu importe ce que nous mettons en œuvre, le démon ne cesse de se déchaîner. Rester dans le noir pendant tant d'années n'a rien changé et maintenant qu'il ne semble plus affecté par notre produit, il est enragé.

Lancé dans son discours, le scientifique fut coupé en plein élan par l'alarme qui se déclencha, causant un boucan infernal. Sautant sur ses jambes, le duc ne cessa d'aboyer ses ordres au personnel. Il était à présent trop tard. Celui qu'ils s'efforçaient de garder captif venait de se libérer et de s'échapper... Enfin, c'est ce que tous, sans exception, pensaient.

L'unité d'intervention se préparait à partir à la chasse, lorsque l'ensemble des lumières du complexe s'éteignirent à l'exception des boîtiers de sorties de secours et des éclairages d'urgence. Malgré tout, chaque homme continuait de récupérer l'équipement nécessaire à la traque et à la neutralisation de leur proie.

Contrairement au personnel qui évacuait dans la panique, des pas lents résonnaient dans les couloirs à présent déserts. Les cordes vocales de la créature vibraient et elle se réjouissait de pouvoir prendre sa revanche. Désireuse de jouer, elle laissa les individus restants se perdre dans les dédales du lieu et jugeant qu'il était temps de se lancer à la recherche de ses camarades de jeu, elle lâcha un cri d'avertissement.

– En nous y mettant tous ensemble, nous le vaincrons.

Le chef était convaincu de ses propos et malgré la peur, ses hommes le suivirent dans les couloirs de la mort. Tel une boule de bowling, le démon fonça dans le tas sans se poser de question. Certains avaient péri sur le coup, tandis que d'autres étaient seulement sonnés.

– FEU ! BALANCEZ-LUI TOUT CE QUE VOUS AVEZ !

Malgré les balles qui traversaient son corps, le démon les ignorait. Depuis le début des hostilités, il était resté impassible et n'avait plus bougé. Les chargeurs de ses opposants vides, il s'effondra d'un coup.

– C'est bon, on l'a eu.

Il semblait bien malvenu de crier victoire trop vite. Prêt à faire glisser la lame de sa dague sous la gorge de la créature pour s'assurer d'une mort définitive, le chef se baissa.

– Tu pensais pouvoir nous avoir aussi facilement.

Les yeux ancrés dans ceux du mercenaire, le démon étira un large sourire et en un éclair, il lui sectionna le bras d'un seul coup de dents. Les cris de l'homme ne cessaient et il hurlait à ses subordonnés de poursuivre l'offensive. Les débutants qu'ils étaient n'avaient pas pensé à recharger leurs armes. En conclusion, aucun ne vécut une minute de plus.

Le temps de reprendre totalement conscience, le démon parcourut l'ensemble de la base, à la recherche de chair à exterminer. Ses pieds posés dans une pièce remplie d'ordinateurs, il était perdu. Chaque écran affichait « données supprimées ». Par chance, personne n'avait touché aux papiers et le fugitif prit un moment pour lire scrupuleusement les documents qui passaient entre ses mains tachées de sang.

– Il est grand temps que je remette les choses en ordre.

Le seul moyen de quitter ce lieu consistait à nager. Le retour en surface s'effectua en quelques minutes et discernant les lumières qui bougeaient dans tous les sens, le démon resta quelques minutes sous l'eau afin de voir ce qu'allaient faire les rescapés. Les bateaux s'éloignant, il refit surface et les compta. Une dizaine à tout casser.

D'un sourire, il savait que le plat de résistance venait d'arriver. Comme on l'avait fait avec lui, il prévoyait d'épargner personne. Tous connaîtraient le même sort. Par la même occasion, il allait pouvoir expérimenter la force qui avait jusque-là, été bridée. Son corps changea et laissa place à une créature de taille imposante.

Jouant avec les sentiments de ses victimes, il se mit à zigzaguer entre les embarcations. Leur signaler sa présence était la première étape. Dès que la panique avait gagné la majorité, il accéléra sa nage, de sorte à créer du remous. L'instabilité en envoya plus d'un par-dessus bord.

Exprimant sa liberté une nouvelle fois, il ouvrit grand la bouche et avala les corps qui avaient fini dans l'eau. Au beau milieu de cette nuit sans lune, il prenait plaisir à infliger cette peur qu'on avait tenté de lui faire éprouver. Les survivants, il les acheva d'un coup de queue. Plus aucune présence humaine vivante ne se traînait dans les parages. C'est donc plus serein que le démon regagna la plage à la nage. Sur le sable se trouvaient plusieurs de ses congénères. Retrouvant une forme commune, l'homme passa une main dans ses cheveux pour les basculer en arrière.

– Quel plaisir de pouvoir respirer l'air frais ! À présent, permettez-moi de reprendre mon rôle.

– Mon prince, nous sommes sincèrement heureux de vous voir. Tenez.

La femme lui tendit une tenue qu'il enfila sans attendre d'être sec.

– Je te remercie Julia.

– Que comptes-tu faire désormais ?

– Informez autant de démons que vous le pouvez. La contre-attaque ne devrait pas tarder. Agissons tant qu'ils sont encore dans l'ignorance.

Seul, le chef laissa des ailes apparaître dans son dos. Il cherchait une présence et allait la trouver. Après quelques minutes de vol qu'il se retrouva devant une demeure qui hébergeait celle qui l'avait aidé avant qu'il ne finisse captif. Perché sur un lampadaire, il suivit du regard une voiture qui s'engageait dans l'allée. Il connaissait la personne qui en sortit et sans réfléchir, il lui fonça dessus.

– Que fais-tu ici ?

La gorge serrée, la femme ne pouvait pas parler. Se rendant compte de la situation, l'agresseur s'écarta.

– Tu m'as confié la mission de mettre hors d'état de nuire, le maître des lieux.

À l'ombre des regards, Julia poursuivit ses explications. Lorsqu'elle demanda la présence de son prince et qu'il la lui révéla, elle écarquilla les yeux.

– Il s'agit d'une situation des plus délicates.

– C'est elle que je désire conquérir. J'ignorais qu'il s'agissait de sa fille.

– La petite n'est pas comme son père. Avec les températures que nous avons, elle dort chaque soir avec la fenêtre ouverte. Basile s'étant absenté, ça t'offre une opportunité qui peut te permettre de la voir.

– Je te remercie.

La chambre indiquée, le démon fit le tour de la maison et s'approcha avec prudence, de la fenêtre en question. Une silhouette se trouvait dans le lit et à en juger par sa respiration lente, elle dormait profondément. Sautant par-dessus le rebord, il avança et s'assit sur le matelas. Un sentiment d'apaisement l'enveloppait et à cet instant, il n'avait aucune envie de s'en aller. Rattrapé par ses devoirs récemment récupérés, il se leva et défit le collier qu'il portait à son poignet depuis qu'il avait été soigné. Un dernier coup d'œil envers le bijou, et il le déposa avec délicatesse sur la table de chevet.

Déchéances T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant