Chapitre 4 - Austin

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Ses coups contre la porte me font sourire. Elle s'acharne dessus depuis de longues minutes avant de finalement se décider à hurler.

— Sors de là, vieux cinglé!

— Qui te dit que je suis vieux?

— Il n'y a qu'un vieux pour être aussi con! Ton chien est collé à ma chienne imbécile!

— Qu'est ce que tu veux que j'y fasse? J'y peux rien s'il l'apprécie.

— Tu ne comprends pas, râle t elle. Il est LITTERALEMENT collé à ma chienne.

Je fronce les sourcils, mais qu'est ce qu'elle raconte cette folle? Prenant soin de rester loin de la fenêtre  pour ne pas qu'elle me voit, je tente d'apercevoir les chiens, en vain.

— Tu m'expliques? je finis par demander.

— Ton chien a sailli ma chienne, ils sont collés! J'ai appelé le véto qui dit que c'est normal.

— Bon bah si c'est normal, laisse les kiffer, je ricane.

— Abruti! Elle est en chaleur, ce ne sont pas des chimpanzés qui font ça pour le plaisir! Elle va avoir des petits!

— Tu t'en remettras t'inquiètes pas. C'est pas si terrible d'être grand mère aussi jeune, je me moque.

Elle hurle derrière ma porte avant de la frapper. Je la laisse m'insulter de tous les noms avant de savourer à nouveau le calme, jusqu'à ce qu'Ares réapparaisse.

— Imbécile, je t'avais dit de ne pas sauter la clôture, je gronde.

Pour réponse, il me tourne les fesses pour s'installer sur le canapé avec la plus grande indifférence. Je crois que le pire c'est Lenny. Quand je lui raconte ce qu'il s'est passé, il ne trouve rien d'autre à me dire que :

— Lui au moins à une vie sexuelle! C'est ça qui t'embête? Tu n'es quand même pas jaloux de ton chien?

— Oh c'est pas vrai! Tu es encore plus con que je ne le pensais!

— Qu'est ce que ça peut faire que la chienne soit pleine? On s'en fout!

— Je vais devoir payer la moitié des frais vétérinaire, je râle.

— C'est sa chienne, elle n'a qu'à se débrouiller!, réplique Lenny.

— Elle n'a pas les moyens...

— Et depuis quand ça te préoccupe?

— Depuis qu'elle a pleuré sur mon palier pendant 20 minutes, je m'énerve.

Je tourne en rond dans mon salon, cette situation m'emmerde, c'est certain, mais je ne peux pas la laisser assumer seule les conneries de mon chien. J'aurais dû le faire castrer, je le sais bien mais bon ... solidarité masculine oblige, je n'ai jamais réussi à m'y résoudre! Lenny se paie ma tête.

— Mais dis donc, elle est jolie cette voisine?

Je hausse les épaules. Il me soule avec ses questions débiles, comme si ça avait une quelconque importance. Elle fait trop de bruit. Je commence à paniquer quand il se dirige vers la porte d'entrée.

— Qu'est ce que tu fais?

— Bah je vais voir à quoi elle ressemble, annonce t il tout sourire.

— Viens ici Lenny. Lenny putain, arrêtes tes conneries. Non, non ne fait pas .... Ding Dong!

Je m'empresse de fermer ma porte sous les éclats de rire de Lenny. Je les entends discuter comme s'ils étaient à mes côtés. Je ne sais pas qui a construit ces maisons, mais il a oublié quelque chose, c'est pas possible autrement.

— Bonjour, je suis votre voisin.

— Ca, c'est pas possible. Mon voisin est imbuvable, asocial et caractériel.

— Pas faux. En faite, je suis le cousin de votre voisin! Lenny, enchanté, roucoule t il.

— Billie, enchantée. Euh ... que me vaut cette visite?

— Eh bien pour être honnête, ca fait des semaines que je l'entends se plaindre de vous, je voulais juste mettre un visage sur la fameuse voisine bruyante et bientôt grand mère, rigole t il.

— Vous êtes venu m'espionner pour ce rustre, non mais je rêve! Espèce de pervers, hurle t elle derrière la cloison.

Eh voilà, je savais que cet imbécile ne ferait qu'empirer les choses! Maintenant, elle croit que je vais faire du voyeurisme! Quand Lenny revient, il n'ose me regarder dans les yeux et mieux vaut pour lui qu'il parte vite.

— Tu n'es qu'un putain d'abruti, je l'engueule. Je l'ai inscrite sur un site de prostitution et je lui ai passé des heures de films porno au milieu de la nuit et toi tu ne trouves rien de mieux à faire qu'aller voir sa tête comme si ça avait une quelconque importance? 

— Bah elle est plutôt jolie si tu veux tout...

— Mais je m'en fous enfin! Je ne la verrai jamais!, je hurle. 

— Plus tu restes enfermé, plus tu deviens con Austin! Le monde ne s'est pas arrêté de tourner il y a 3 ans, ta vie non plus. Alors arrête un peu de tourner en rond dans ta cage alors que les portes sont grandes ouvertes! 

— Tu ne comprends pas... je soupire.

— Non je ne comprends pas effectivement! Je ne comprendrai jamais pourquoi tu te punis pour quelque chose que tu n'as pas fait, encore moins pourquoi tu restes loin des gens alors que tu as la vie devant toi! Il est mort, tu es vivant. Alors vis putain! Ca, crie t il en désignant ma maison, c'est pas une vie. C'est tout juste de la survie et encore! Ce qui t'est arrivé n'aurait jamais dû te conduire à cette vie de reclus. Alors sort! Même ton chien n'en peux plus de voir ta sale tête, tu te rends compte que tu le punis autant que toi?

Mon cousin sort, me laissant seul avec mes regrets, mes peines et mes doutes. Je passe de longues heures assis sur mon lit, face à ce miroir à pieds. Mon reflet me dégoûte mais la truffe d'Ares qui ne cesse de tenter de me ramener à la réalité me sort un peu de ma torpeur. Je sais qu'au fond, Lenny n'a pas tord. Ce n'est pas pour autant que c'est facile. Dans les yeux d'Ares, je puise la force qu'il me manque. Pour le première fois depuis des mois, des années, j'enfile un jogging, des baskets et une casquette. Il fait nuit dehors, la plupart des maisons alentours sont éteintes, la ville s'endort peu à peu. Sans me sentir oppressé par le regard des autres, je commence à courir, Ares sur mes talons. Il ne me quitte pas d'une semelle, comme un soutien silencieux alors qu'il pourrait divaguer comme bon lui semble. Mais il sait, mieux que personne, à quel point c'est difficile pour moi. 


 

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