Chapitre 23 - Billie

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Il observe le portrait de mon père avec attention. Il faut que j'arrive à ouvrir mon cœur, je le lui dois même si ça reste difficile. Je prends une grande inspiration avant de me lancer. 

— C'est la dernière photo que j'ai prise de lui, avant que sa maladie d'Alzheimer ne se déclare, je lui explique. Mon père a toujours été un héros pour moi, comme pour toutes les petites filles j'imagine. Enfant, je mettais une taie d'oreiller sur mes cheveux et fredonnais la marche nuptiale avec un époux imaginaire en rêvant secrètement qu'il ressemblerait au premier homme de ma vie. J'ai dû faire une croix sur mes rêves d'enfant le jour où il m'a demandé qui j'étais un matin. Son regard, son expression, je m'en souviendrai jusqu'à la fin de mes jours. J'ai encore mal quand je regarde cette photo. Avec le temps, ça devient moins douloureux mais ça fait toujours mal. Je ne suis jamais tombée amoureuse et j'ai fait en sorte que ça n'arrive jamais quand il est parti. Jusqu'à toi. J'ai peur Austin. J'ai peur de souffrir le jour où je te perdrai. Quand tu m'as annoncé ton départ en Iran, mon cœur s'est brisé en mille morceaux et je ne supportais pas l'idée de te savoir là bas avec les risques que cela comportaient. Je sais que j'aurais dû te dire tout ça il y a un mois mais je pensais qu'avec le temps ça passerait. Je n'ai jamais eue de mal à me séparer de quelqu'un mais toi... j'ai cru mourir ces dernières semaines. Rien ne va, tout est fade sans toi. Je ... je t'aime Austin. Et je ne veux pas que tu démissionnes, pas pour moi. 

Je me décide enfin à croiser son regard vert d'eau si particulier. Il sourit, sa cicatrice creusant cette fossette que j'aime tant. 

— J'ai peut être un peu menti, ça tombe bien, lâche t il en haussant les épaules.

Je fronce les sourcils pendant qu'il se marre.

— Je n'ai pas démissionné mais j'étais prêt à le faire si c'est ce que tu voulais. J'ai discuté avec mon responsable, je ne devrais pas faire plus de 2 voyages par an à l'étranger, le reste se fera sur les bases américaines. Pour la maison, elle n'est pas encore vendue mais ça ne saurait tarder. Les nouveaux voisins sont horriblement bruyants, me confie t il avec un clin d'œil. 

— Je déteste New York.

— Il y a des tas de maisons avec jardin à San Diego. J'en ai vu une qui serait parfaite pour tous les 5.

— Tous les 5? Tu veux qu'on vive ensemble?

— Billie, on dormait toutes les nuits ensemble et les murs de notre maison ne nous laissaient aucune intimité. On peut choisir une maison avec deux chambres si ça te rassure de changer de lit une nuit sur deux, se moque t il.

Pour réponse, je lui saute dans les bras et l'embrasse à en perdre haleine. Austin rigole face à mon assaut et je ne peux m'empêcher de lui demander:

— Maddy ou Lenny?

— Les deux! Ils deviennent inséparables... Leur excuse c'est les chiens, mais je le vois la reluquer comme un morceau de viande. Quand je suis rentré, j'ai appelé Maddy qui bizarrement sortait sa chienne dans l'appartement de Lenny! Elle m'a dit où te trouver et que .. tu avais peur de souffrir, mais ça je l'avais compris tout seul. 

— Ils me manquent. Tu me ramènes à la maison?

— Il va falloir se faire discret... les nouveaux voisins, tu sais!

— Alors on va profiter d'être à New York pour s'exprimer, je rigole avant d'arracher son t-shirt. 

Dans ses bras, je retrouve le bonheur. S'éloigner des gens qu'on aime ne les protège pas de la mort et ne nous empêche pas de souffrir. Un jour, peut être, je risque de le perdre d'une façon ou d'une autre, en Iran par un bombardement, sur le vol nous ramenant à San Diego, en traversant la route, de maladie. Tout est possible, alors autant profiter de chaque secondes que la vie m'offre à ses côtés. 

10 jours plus tard, nous emménageons dans une maison avec un jardin immense pour le plus grand bonheur de nos chiens. Austin a insisté pour prendre une maison avec deux chambres, si j'ai trouvé l'idée stupide au départ, j'ai vite compris que ses projets d'avenir s'étendaient bien au delà des miens. Je suis terrifiée par l'avenir parce que la vie m'a habitué à me prendre les choses les plus précieuses à mon cœur, petit à petit, d'une façon terrible. Mais à ses côtés, j'ai confiance. En lui, en nous, en l'avenir. Un jour j'arriverai à me projeter au delà du mois à venir, pour l'instant j'y vais pas à pas et Austin me guide avec douceur. 

A TRAVERS LE MUROù les histoires vivent. Découvrez maintenant