Chapitre 8 - Austin

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Je les entends parler depuis tout à l'heure. Habituellement je mets mon casque et écoute de la musique quand son amie Maddy vient, ça m'évite de les entendre glousser et c'est ma façon de leur laisser un peu d'intimité. Mais là, ma curiosité l'emporte et surtout ... sa mère à l'air d'être une vieille bique digne des sorcières Disney. 

— Comment ça un vieux futon? Il est tout neuf ce canapé!, s'énerve Billie.

Je sens que ça va partir en vrille! En même temps sa mère n'a fait que critiquer chaque centimètre carré de cette maison et de sa fille par la même occasion! 

— Excuse moi, chérie! Je ne pouvais pas deviné que ce truc couvert de poils et tâché de bave était neuf.

— Iris est chez elle, si ça ne te convient pas tu peux t'en aller!

— Je pense qu'il vaudrait mieux effectivement. Je pensais que tu avais acheter une maison, pas une cabane de jardin.

— Alors là tu dépasses les bornes, hurle Billie. Pour qui tu te prends à venir ici à une heure pareille pour faire un état des lieux de ma vie?!

— Oh moins c'est toujours aussi rapide avec toi! Tu travailles au moins?

— Evidemment que je travaille, tu crois que je paie mon crédit avec des carottes?!

— Et tu n'as toujours pas de petit ami?

— Non mais je rêve! Qu'est ce que ça peut bien te faire?

— Tu mets ta vie en l'air avec tes bêtises, il serait temps de grandir un peu! D'abord ta carrière, ensuite ta vie amoureuse et puis cette ... maison, crache sa mère avec dégoût.

J'avoue que là... même avec des écouteurs je ne pourrais pas louper une miette de cette discussion. 

— C'est TOI qui a foutu ma vie en l'air! Tout est de ta faute et tu le sais, s'époumone Billie.

— Ne dis pas n'importe quoi, si tu avais fait attention à ta ligne...

— J'y crois pas. Tu recommences avec ça.. tu n'as jamais rien compris n'est ce pas? Tu crois encore que je rêvais de devenir un petit rat d'opéra, mais ça c'était ton rêve à toi. Le mien, je le réalise tous les jours.

— En donnant des cours à des gamins des quartiers? se moque sa mère. Tu n'as même pas fait le nécessaire pour devenir pro et partir en tournée!

— Devenir pro? C'est à cause de toi si je n'ai pas pu le faire. Je te rappelle que JE me suis occupée de Papa pendant 2 ans alors que TOI tu te pavanais dans tes magasins de luxe. C'est moi qui ai mis ma vie entre parenthèse pour m'occuper de lui. MOI, pas toi. Si tu avais pris soin de lui je n'aurais pas arrêté de danser pendant deux longues années et j'aurais pu reprendre la danse à un niveau correct après sa mort. Mais tu n'as toujours pensé qu'à toi. Tu n'étais même pas là.

— Moi aussi je me suis occupée de lui!

— De ses comptes en banque ça je n'en doute pas une seconde. Mais ne vient pas me dire que tu t'occupais de lui, c'est moi qui le lavait, lui donnait ses médicaments, le rassurait quand il était désorienté. Toi, tu ne venais même plus le voir. 

— J'aimais ton père, tu crois que ça m'amusait de le voir dépérir ainsi? Il ne me reconnaissait même plus de toute façon alors à quoi bon! Tu as refusé que je paie une infirmière, tu as tout gâché. Tu as laissé tomber ta carrière, tu ne laisses plus aucun homme entrer dans ta vie, même ton chien ne ressemble à rien. Non mais tu l'as regardé? Un husky avec des oreilles tombantes! N'importe quoi!

— Sors de chez moi.

Les hurlements continuent jusqu'à ce que sa mère se décide enfin à partir. Je ne sais pas quoi faire. Au début, Billie laisse exprimer sa colère dans son salon et puis le silence se fait. J'aimerais l'aider mais je ne sais pas comment. Après toutes les horreurs que sa mère lui a dite, je doute qu'aucun mot ne puisse la réconforter. Alors je reste immobile un moment, attendant de voir comment elle s'en sort. 

Quand elle finit par aller se coucher, je décide d'en faire de même. Seulement, à peine ai-je mis un pied dans ma chambre que je l'entends pleurer. Je tourne en rond impuissant mais ses larmes redoublent et je ne tiens plus. Tremblant, je franchis la porte de chez moi. Arrivé devant la sienne, je ne prends pas la peine de sonner et entre. Iris se redresse sur le canapé, tout crocs dehors jusqu'à ce qu'elle m'aperçoive. Elle se recouche aussitôt avec indifférence. Sa maison est le reflet parfait de la mienne alors je n'ai pas trop de mal à trouver sa chambre. La porte est ouverte, il fait nuit, toutes les lumières sont éteintes. Je ne perçois que des ombres et je la vois en position fœtale sur son lit, secouée par des sanglots étranglés.

Mes mains, mes jambes, tout mon corps tremble d'appréhension mais la voir ainsi me conforte dans mon choix. Je ne peux pas la laisser comme ça. Consciente qu'on l'observe, elle se retourne et pousse un cri de panique en m'apercevant dans l'embrasure de sa porte.

— C'est moi Billie.

— Austin?!

— Je peux? je demande en désignant son lit.

Pour réponse elle s'écarte. Je tente de contrôler ma démarche autant que possible avant de m'asseoir à ses côtés. Elle me dévisage mais elle ne voit rien de plus que moi. Des formes, des ombres, rien de précis et c'est très bien comme ça. 

— Je la déteste, lâche t elle.

— Moi aussi!

Je n'ai pas fini de tendre mon bras vers elle qu'elle se jette sur moi pour pleurer tout son soûl. Sa tête sur mon torse, je la laisse se déverser en torrent. Son poing agrippe mon t-shirt et je caresse son dos, tentant de lui transmettre un peu de réconfort même si je sais que ça ne suffira pas pour effacer les mots de la harpie. Après une bonne heure de détresse, elle finit par s'endormir contre moi. Je devrais partir, maintenant, mais je n'en n'ai ni l'envie, ni la force. Son parfum aux touches de vanille me nargue et m'enivre. Rester est une erreur, partir est un supplice. 

A TRAVERS LE MUROù les histoires vivent. Découvrez maintenant