Chapitre 3 - Billie

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— C'est un psychopathe, je te jure, je me plains à Maddy.

Elle sirote son verre en écoutant mes plaintes sans broncher. La musique assourdissante du bar m'oblige à élever la voix, je n'arriverai plus à parler demain.

— Une semaine, tu te rends compte? Je suis dans ma maison depuis une semaine et j'ai déjà envie de la revendre.

Je pleurniche, ma tête posée sur mes avant bras. Ce mec est un rustre asocial et totalement cinglé. Je suis sûr qu'il a déjà élaboré un plan pour m'éliminer.

— Je suis sûre que ça va s'arranger, il faut juste que vous trouviez un terrain d'entente, me réconforte mon amie.

— Ca risque pas... je marmonne avant d'éclater de rire. 

J'explique alors à Maddy ce que j'ai fait avant de partir. 

— Nooooooon, mais là c'est sur qu'il va te tuer, se moque t elle. 

Je hausse les épaules, au point où j'en suis. Une semaine que je n'arrive pas à dormir à cause des bruits plus étranges les uns les autres qu'il fait hurler dans ses enceintes toutes les nuits. Ce soir c'est ma vengeance. Il se plaint des classiques hip hop que je travaille, j'espère qu'il appréciera la playlist complète des Spice Girls volume à fond. 

Je profite de ma soirée et décompresse sur le dancefloor. Maddy est déchainée et on s'amuse à danser à deux, rendant fou la gente masculine qui nous entoure. Mon portable ne cesse de vibrer, si au début je l'ignore, je décide tout de même d'y jeter un œil. Des dizaines d'appels et de messages de numéros inconnus. 

Bonsoir, combien pour la nuit?

Combien la pipe? 

Trop bonne, t'es dispo pour une heure?

Je fais défiler les messages qui sont tous dans le même goût. La panique s'empare de moi, je réponds au moins grossier en lui demandant où il a trouvé mon numéro. Et si un ex avait posté une photo ou une vidéo de moi, prise à mon insu? Maddy voit mon trouble et je lui montre le cauchemar que je vis. Elle semble aussi désabusée que moi quand j'obtiens une réponse, un article sur un site d'escort. La photo et le nom ne sont pas les miens, je suis soulagée l'espace d'une seconde. L'annonce propose diverse pratiques sexuelles, j'ai presque cru que c'était une vilaine erreur de la jeune femme, jusqu'à ce que je vois le pseudonyme. Pseudo qui n'est autre qu'un anagramme d'Austin et qui ne me trompe pas sur l'auteur de cette annonce. Je suis donc "SUINTA la charmeuse de tympans". Je vais le tuer, je jure que je vais le tuer. 

— Il veut la guerre, il va l'avoir, je râle avant de récupérer mes affaires. 

— Attends Billie. Tu ne crois pas que tout ça va .. un peu trop loin? 

— Ohhh que non. Il ne sait pas encore ce que je lui prépare! Il va regretter de m'avoir cherché!  

Quand je rentre chez moi, je prends soin de laisser la musique qui semble si inspirante pour lui et monte un plan en béton. On verra qui vendra en premier. Les réservations s'enchaînent à vitesse grand V et je me gausse en voyant que j'ai réussi à remplir la semaine en l'espace d'à peine quelques heures. 

Chaque matin et chaque soir de la semaine qui suit, je savoure ses hurlements injurieux à mon encontre en recalant les voyageurs ayant réservé une nuit dans sa maison via un site de location entre particuliers. Quel plaisir, de le voir, ou plutôt de l'entendre, rager de la sorte. Un bonheur à l'état pur. Pour un asocial pareil, être obligé de confronter des inconnus chaque jour doit être un moment de douce souffrance. J'espère qu'il cauchemarde chaque nuit d'entendre sa sonnette retentir encore avec insistance. 

J'ai tout de même dû changer de numéro de téléphone, car même si l'annonce sur le site de prostitution a été retiré, je continuais à recevoir des propositions indécentes à toutes heures du jour et de la nuit. Qu'il aille au Diable cet ermite à la noix. 

Quand vient la dernière réservation, je me dis que peut être nous allons pouvoir cesser nos enfantillages. Il n'a pas remis ses bruits horribles la nuit depuis plusieurs jours et j'essaie de m'entraîner dans le jardin avec un casque quand le temps le permet. Le weekend arrive et je sens que nous allons enfin pouvoir profiter sans tenter de nous rendre dingue mutuellement. Mais comme on dit, c'était le calme avant la tempête. Austin est doué, très doué. Il vous met en confiance, vous fait croire que vous avez gagné, que vous aurez un peu de répit et enfin un peu de repos mais non. Il profite que vous ayez baissé votre garde pour mieux attaquer. 

Je suis réveillée en sursaut par des gémissements, au départ mal à l'aise de l'entendre en plein ébat, je finis par tendre l'oreille en trouvant le temps long. 

— Je me disais aussi, je hurle à travers le mur. C'était impossible qu'un goujat dans votre genre soit aussi doué avec un autre être humain!

— Faut pas être jalouse comme ça. Tu peux nous rejoindre si tu veux? A moins que tu ais un client ce soir?

— Arggghhhhhh, je jure que je vais te .......

— Me quoi? Je suis curieux. Parle plus fort, j'entends pas bien avec ses gémissements.

— VA TE FAIRE FOUTRE.

Il rigole, cet imbécile rigole et je dois supporter des heures et des heures de films pornographiques bon marché. Mais qu'est ce que j'ai fait au bon Dieu pour avoir un voisin pareil?! Ca ne pouvait pas être une petite mamie toute gentille, qui viendrait me demander de l'aide pour ses rosiers, à qui je proposerais de faire les courses en échange de quelques discussions? Quelle misère! 

Quand je pense la situation totalement désespérée, je ne peux retenir mes larmes quand je découvre cette catastrophe ce lundi matin. Ce n'est tout bonnement impossible, n'est ce pas? Dites moi que c'est une mauvaise blague! Pitié! 

A TRAVERS LE MUROù les histoires vivent. Découvrez maintenant