Chapitre 6 - Austin

460 56 13
                                    

J'envoie mon dernier dossier quand ma voisine claque sa porte, faisant trembler notre mur mitoyen. Je me tourne vers Ares qui regarde vers elle la tête penchée sur le côté.

— Ouais, c'est bizarre, je murmure.

Aussi bruyante soit elle, elle n'a jamais claqué une porte, même quand je lui ai mis des cris d'animaux toutes les nuits. Je suis tenté de lui parler mais nous ne sommes pas amis, plutôt ennemis avec une marge de tolérance. Oui, je vais l'ignorer c'est mieux. Seulement quand ses sanglots raisonnent dans le silence environnant, je ne peux plus feindre l'indifférence. Je soupire et m'approche de la cloison.

— Billie? 

— C'est vraiment pas le moment Austin, hurle t elle. Tu auras tout le temps de me casser les oreilles demain. S'il te plaît juste une soirée.

— Je voulais juste voir si ça allait, je rétorque.

Elle lâche un ricanement amer avant de frapper le mur, puis le sol. Je m'assieds, dos à elle et attends.

— Parce que ça t'intéresse peut être?

— Tu m'as aidé quand j'avais mal à la jambe... peut être que je peux t'aider ce soir...

— Je vais surement perdre mon boulot, tu ne peux rien pour moi.

Sa voix tremble et ses pleurs étouffés reprennent de plus belle. Je frotte ma cuisse qui commence à me lancer tout en cherchant quoi lui dire. Rien ne vient, parce qu'elle a raison, je ne peux rien pour elle.

— Tu fais quoi comme travail?

— Je suis prof de danse.

— Ca explique beaucoup de chose, je rigole. Je pensais que tu étais danseuse pro ou un truc du genre. 

— C'est ce qui était prévue..., m'avoue t elle.

— Qu'est ce qui s'est passé?

— Une longue histoire ennuyante et déprimante.

Elle me renvoie mes propres mots au visage mais je ne peux pas lui en vouloir. Bientôt 2 mois qu'on se torture mutuellement et quand elle m'a tendu la main en pleine crise, je n'ai rien lâché sur mon histoire alors je ne peux pas attendre mieux de sa part.

— Tu ne voudrais pas t'inscrire à l'un de mes cours?

Je pouffe rien qu'à l'idée jusqu'à ce que ma jambe me rappelle à l'ordre. La crise pointe le bout de son nez, je le sens.

— C'est la seule chose qui pourrait m'aider! Les inscriptions diminuent, le chiffre d'affaire avec et ils vont supprimer un poste.

— Qu'est ce que tu enseignes?

— Hip hop et breakdance essentiellement. Et toi? Tu fais quoi? 

— Ingénieur en armement. Je conçois des armes ou améliore celles déjà existantes.

— Wahou, je savais bien que tu étais un psychopathe!

J'éclate de rire face à sa réflexion. Bizarrement, parler avec elle m'aide à détourner mon esprit de ma jambe douloureuse.  

— Alors t'es du genre baggy et Air Jordan ou Dunk?

— Si tu sortais de chez toi tu le saurais, réplique t elle amusée. 

— Je sors, je me renfrogne.

C'est vrai, je n'ai pas manqué un seul footing nocturne avec Ares. La reprise est difficile et les douleurs qui vont avec sont terribles mais je sais que ça s'estompera avec le temps. Si je n'avais pas tout foutu en l'air en me cloitrant ici, je n'aurais pas à revivre tout ça.

— La nuit pour que personne ne te voit, me fait elle remarquer.

— Apparemment ça fonctionne mal puisque tu m'as vu...

— Je t'entends, je ne t'espionne pas par la fenêtre, précise t elle. Et je préfère les Air Force.

— J'en étais sûr.  

— Et toi? C'est quoi ton style?

— Mini jupe et haut talons, je ricane.

— J'en étais sûre, s'exclame t elle.

On rigole un moment tous les deux. Depuis notre dispute, je n'ai pas revu Lenny alors ça fait du bien de parler à quelqu'un d'autre que mon chien. D'ailleurs, je devrais l'appeler pour m'excuser. Billie me rappelle le rendez vous d'Iris chez le véto la semaine prochaine. 

— Tu ne viendras pas, n'est ce pas?

— C'est ... compliqué Billie.

— Tu sais comment je t'imagine? Avec la tête de Frankenstein, pouffe t elle. Oh non pardon, tu es peut être défiguré et je ne ... oh mon Dieu, je suis horrible, pourquoi j'ai dit ça?! Pardon Austin. 

Je ne réponds pas, elle n'est pas si loin de la vérité et la dernière femme qui faisait partie de ma vie n'a rien trouvé de mieux pour me décrire que "monstrueux", alors j'imagine que je devrais être flatté de ressembler à Frankenstein... 

— Austin? Tu m'en veux? Je suis désolée, je ne voulais pas te faire de peine tu sais? Et puis je ne t'ai jamais vu alors ça ne compte pas. C'est juste le faite que tu restes caché et ... Pardon, vraiment.

 — Détends toi Billie, tu parles trop quand tu es stressée! 

— Pourquoi tu ne veux pas qu'on te voit?

— Parce que les gens me regardent comme si j'étais un monstre et j'en ai marre de me justifier.

— Olala et moi qui en rajoute une couche... 

— Tu ne m'as pas vu, ça ne compte pas, je la coupe avant qu'elle ne reparte dans des excuses inutiles. 

— Et puis tu auras surement bientôt de nouveaux voisins alors ...

— Pourquoi tu dis ça? Aurais je enfin réussi à te dégoûter de vivre ici?, je me moque.

Pourtant au fond je suis inquiet, parce que je me suis habitué à elle, c'est stupide mais c'est comme ça. Je connais ses habitudes autant que les miennes, je cale mes journées sur les siennes pour l'écouter danser, ça c'est peut être un peu tordu mais c'est vrai que j'aime entendre ses pieds fouler le sol.

— Si je perds mon boulot, je vais devoir revendre la maison, explique t elle.

— Ok, je m'inscris à tes cours.

Je regrette instantanément mes mots. Pourquoi j'ai dit une chose pareille? Elle va s'imaginer des trucs.

—  J'adorerai te voir en tutu et talons hauts, rigole t elle.

— C'est ça, je râle.

Je sens les nausées arrivées, des douleurs musculaires se font sentir également. J'ai déjà pris ma dose journalière, mais juste pour cette fois, je peux en reprendre un, non? Le flacon roule entre mes doigts, au fond je sais que je ne devrais pas mais c'est plus fort que moi. 

A TRAVERS LE MUROù les histoires vivent. Découvrez maintenant