Chapitre 9

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SIDON

"Les préparatifs sont enfin terminés, la cérémonie de mariage de son Altesse Sidon, prince des Zoras d'Hyrule et Dame Yona, princesse des Zoras de l'Est, va pouvoir commencer."

J'entends la phrase prononcée par la voix mielleuse de Meryth sans la comprendre. Comme si chaque mot qui la composait avait été dénudé de toute signification. Mes pas sont lourds et ma gorge me pique. J'ai l'impression d'être prisonnier de la brume d'un rêve, ou en l'occurrence d'un cauchemar.

Cette journée aurait dû être la plus heureuse de ma vie, mais elle n'est finalement que le point d'orgue du malaise et de la contradiction qu'est devenue mon existence.

Si je l'avais aimée, elle, et pas lui. Tout aurait été différent, plus facile à vivre.

Le simple fait que le mariage puisse enfin se dérouler m'aurait sûrement rendu heureux. Les compliments de gens dont je ne connais même pas le nom m'auraient sûrement rendu fier. Toute cette organisation, tout ce monde qui est venu me voir, tout cela aurait tellement de sens.

Sauf qu'on ne choisit pas toujours. Je ne suis ni heureux, ni fier. Et ma vie est un bordel que je suis incapable d'expliquer.

Enfermé dans mes propres pensées, la cérémonie semble se produire dans une autre dimension. Je suis les instructions que l'on m'a donné, établies selon des codes complexes qui me dépassent complètement. Je ne fais qu'appliquer une suite d'actions apprises par cœur, totalement vides de sens pour moi.

Le sourire que j'affiche depuis le début de la journée commence à me faire mal. J'ai juste envie d'être seul. J'ai juste envie de pleurer.

Je ne regarde pas du côté de Meryth. Le simple fait de le voir jubiler me donnerait envie de l'étriper, témoins ou pas.

Je n'ai pas la moindre idée de comment il s'est débrouillé, mais il a apparemment découvert ma petite relation avec Link, et il a décidé depuis de faire de chaque instant de ma vie un pur enfer.

Il s'est débrouillé pour que le mariage se déroule le plus rapidement possible et m'a trouvé suffisamment de travail pour me tenir éloigné de Link jusqu'à la date fatidique.

Coincé dans ma prison dorée, je n'ai pas pu voir Link depuis que l'on est sortis du Temple. Je sais qu'il est ici, assis parmi les centaines d'invités.

Je brûle d'envie de le voir, de me plonger dans ses yeux bleus pour échapper à ce cauchemar, et ne plus jamais ressortir. Mais je sais aussi qu'à cause de mon état émotionnel, le simple fait de le regarder me ferait fondre en larmes devant toute l'assistance, ce qui aurait pour effet immédiat de ruiner tous mes efforts de la journée.

Ne pouvant donc regarder ni Meryth à ma gauche, ni l'assemblée -et Link- à ma droite, je suis réduit à fixer la personne qui me fait face, celle avec qui je suis supposé passer le restant de mes jours. Ma future... reine.

Elle semble être au comble du bonheur, et cache à peine son excitation.

"Sidon... tu... es superbe."

"Merci, toi aussi Yona."

A vrai dire, je n'ai aucune idée de ce que je raconte. Je vois flou. Ma réponse a été automatique. Et l'apparence de Yona est la dernière chose qui me préoccupe.

Le discours presque ininterrompu de Meryth se poursuit, rapprochant l'inéluctable, sonnant les derniers instants de ma vie où je suis encore libre. Libre des chaînes indestructibles du mariage princier. Libre des responsabilités de roi. Libre de l'obligation de produire un héritier avec quelqu'un que je ne désire pas.

Puisque je ne peux apparemment pas l'éviter, je ne demande qu'une chose : disparaître, cesser d'exister pendant quelques instants, le temps que cette cérémonie de mariage se déroule jusqu'au bout.

Je ne veux pas. Je ne peux pas. Mais il le faut.

"Votre Altesse Sidon, souhaitez-vous prendre Dame Yona, princesse des Zoras de l'Est pour épouse, et en faire la nouvelle reine des Zoras d'Hyrule ?"

Le voix de Meryth me tire de mes pensées. C'est maintenant. Le silence règne dans toute l'assemblée.

Il faut que je le dise.

Mon corps et ma volonté résistent, ma gorge et les mots qu'elle retient me brûlent. Je ne peux pas me résoudre à prononcer ces trois mots, qui viennent de reprendre tout leur sens et toute leur dureté.

Il le faut.

"Je le veux."

A Zora's BloodOù les histoires vivent. Découvrez maintenant