Chapitre 10

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Stiles aurait pu se mettre en colère, hurler à Isaac qu'il avait tort, qu'il n'avait pas le droit de dire une chose pareille, de juger alors qu'il ne savait rien.

S'il ne fit rien de tout cela, c'était parce qu'il était fatigué, épuisé.

Et parce qu'Isaac avait raison, aussi. Profondément raison. Sur tout. Il l'avait convaincu... En une phrase, avec quelques mots. Stiles avait su résister aux états de fait qu'il lui avait pourtant présentés, mais Isaac... Avait tapé là où ça faisait le plus mal, là... Où nier relèverait de la stupidité la plus grande tant c'était évident. Puis Stiles n'était pas bête et se savait lucide. Il se protégeait, protégeait sa famille, le semblant d'équilibre qui faisait vivre chacun de ses membres... Mais force était de constater qu'il était réellement à bout, au point que tout début d'énervement soit étouffé dans l'œuf. Le voilà bien refroidi, plus du tout décidé à tenir tête à cet ami si juste, qui n'hésitait pas à lui envoyer la vérité en pleine face.

Bon Dieu, ce qu'elle faisait mal... Elle avait l'allure d'une tempête, l'effet d'un tsunami. Un phénomène dont Stiles avait l'habitude, mais qui le surprenait tout de même à chaque fois par sa violence qui manqua de le faire vaciller alors même qu'il était assis.

Est-ce que Stiles se contenta toutefois de simplement... Mollement subir ? Pas exactement. Par habitude, il désira emmurer ses émotions même si cela ne servirait à rien face à Isaac. Pourquoi ? Pour garder un semblant de dignité et se donner l'impression qu'il gérait encore malgré tout. Isaac avait raison, mais la situation n'était pas si catastrophique que cela étant donné... Que les trois membres de la famille Hale-Stilinski tenaient le coup – à leur manière, certes. Ils survivaient... C'était déjà pas mal, non... ? Stiles faisait notamment au mieux pour aider son fils et son mari à se remettre de cet incident qui avait fait basculer leur vie. Il y arrivait, n'est-ce pas ? La lassitude l'atteignit si vite qu'elle continua d'étouffer cette colère qui n'arrivait pas à prendre le dessus. Elle essayait, pourtant. L'émotion prenait dans la tête de Stiles la forme d'une entité à part entière, tant et si bien qu'il ressentit même l'envie de la pousser à agir. Au moins pour contredire Isaac et ce, même s'il avait parfaitement raison. Pour se donner un air fort, tout autant que l'impression.

Mais rien ne changea. Stiles était juste... Fatigué et n'arrivait pas à se faire d'autre réflexion que celle-ci.

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Finit-il par lâcher dans un soupir qui ne faisait rien de plus que mettre en avant cette lassitude sans bornes.

Le regard d'Isaac changea et Stiles, dans son épuisement mental, ne chercha plus à l'interpréter. Il avait d'autres choses à penser, son propre équilibre à tenter de maintenir pour l'instant. Quoiqu'il s'agissait d'un beau rêve : l'hyperactif essayait juste de ne pas s'effondrer en premier – pour Derek et Eli, il fallait qu'il soit le dernier.

Le silence qui s'ensuivit fut d'une lourdeur telle que Stiles hésita à se lever pour retourner vaquer à ses occupations en espérant que son ami parte de lui-même. Il ne bougea cependant pas d'un millimètre... Car il n'était pas certain que ses jambes le portent tant la faiblesse qui le prenait était épuisante en elle-même – comme tout le reste.

- Rien, répondit finalement Isaac. Je pense juste que ça ne peut pas continuer comme ça. Si tu veux que les choses bougent, tu dois arrêter de te négliger. Sans toi, tout tombe. Alors si tu continues comme ça... Je ne sais pas si je suis sûr de vouloir être là le jour où l'équilibre que tu maintiens pour eux s'effondrera.

Le cœur de Stiles, serré au possible, lui donna l'impression de s'écraser sous un poids à l'ampleur démesurée. Comme si entendre ces mots était différent d'en connaître simplement le sens.

- Tu es humain, Stiles.

Il ne relevait pas sa condition physique, simplement sa nature émotionnelle, laquelle était la même que n'importe quel être humanoïde pourvu de conscience. Comme tout le monde, tu as tes limites. Voilà ce que voulait dire Isaac. Si Stiles le comprit de cette façon ? Difficile de le dire. Son odeur resta la même, idem pour l'expression de son visage – très faciles à interpréter, cela dit.

A bout.

Isaac devait toutefois saluer sa résistance, qu'il jugeait incroyable par sa durée. Stiles savait tenir lorsqu'il le fallait. Il s'agissait là d'une grande qualité...Qui était en train de se transformer en défaut pour la simple et bonne raison qu'il se négligeait complètement et ce, sur tous les plans.

- Si tu crois que je ne le sais pas... Soupira-t-il.

- Tu sais très bien ce que je veux dire, reprit Isaac.

Stiles hocha mollement la tête. Il n'allait pas faire l'idiot, pas même pour tenter de gagner du temps. Il n'en avait pas envie, de toute façon.

- Dis-moi, si tu entends Derek se réveiller, finit par lâcher Stiles d'une voix rauque. Je n'ai pas envie que... Enfin, tu sais.

Isaac le lui accorda sans problème. Même s'il n'était pas pour le fait que son ami continue de cacher ses états d'âme à son compagnon, il comprenait ses raisons de le faire et n'irait pas mettre à mal tout ce qu'il avait construit. Le but, c'était juste de lui faire entendre qu'il pouvait rester dans cette idée-là, tout en l'ajustant. Agir, d'accord, mais autrement. Puis Derek n'était peut-être effectivement pas en état de tout savoir, tout entendre. Comment réagirait-il s'il apprenait que son pilier se désagrégeait petit à petit ? Mais une hypothèse se créa naturellement dans l'esprit préoccupé d'Isaac.

Et si Derek s'en était déjà rendu compte ?

Isaac choisit de reléguer cette question au second plan pour le moment. Chaque chose en son temps. A l'heure actuelle, le mari de Stiles dormait et il fallait, dans un sens, en profiter. Autrement, il serait impossible pour boucles d'or de parler librement à Stiles comme il le faisait. Car lorsque Derek se levait, l'humain ne faisait rien d'autre que se plier en quatre pour l'aider à guérir – en plus de tenter de maintenir de façon générale sa famille à flot. Dans ce genre de moments, Stiles ne s'autorisait pas la moindre pensée qui puisse sortir du sujet « bien-être de Derek. »

- J'aimerais juste que tu accordes un peu plus d'importance à ce que tu aimerais et à ce que tu penses, reprit Isaac. Que tu t'imposes lorsque quelque chose ne te plaît pas. Tu avais prévu d'organiser une sortie avec Derek et Eli, mais tu as reporté parce que Peter a proposé à Eli de passer une journée avec lui. Tu as laissé faire parce que, tu me l'as dit, ça lui fait du bien. Mais toi, est-ce que tu t'accordes parfois quelque chose qui te fait du bien ?

Stiles le regarda longuement, mais sa bouche resta close. Son regard, lui, brilla de façon légère – et pas joyeuse.

- Pourquoi poser une question dont tu connais la réponse ?

Sa voix changeait, encore. Toute de douleur contenue, elle s'élevait légèrement tremblante, mais digne.

Isaac ne se rapprocha pas de lui pour l'instant. Il savait que son ami n'aimait pas que l'on pénètre dans cette petite zone qu'il considérait comme son espace vital. La seule façon de le faire était d'y être autorisé, et le loup-garou ne ferait rien tant que Stiles ne lui donnerait pas le feu vert. Néanmoins, il admira sa ténacité, laquelle allait évidemment de pair avec sa résistance. Sa souffrance était néanmoins lentement en train d'avoir raison de lui.

Alors Isaac ne détourna pas son regard, continua de fixer son ami dans les yeux, lequel s'efforça de ne pas baisser les siens. Le voir dans un tel état lui brisait le cœur et il était clair qu'il ne partirait pas d'ici tant qu'il n'aurait pas... Fait quelque chose de concret pour lui.

Il lui répondit alors d'un air dont le sérieux et la détermination servirent à cacher la douleur que provoquait la vision de cet humain extraordinaire aux ailes brisées :

- Parce que je veux te l'entendre dire.

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