Chapitre 8

67 9 1
                                    


Ce qui était drôle avec Isaac, c'est qu'il vieillissait sans prendre une ride et il s'agissait d'une caractéristique que Stiles lui avait toujours enviée. Bien qu'il prenne joliment de l'âge de son côté, l'hyperactif savait fort bien que son humanité avait là ses défauts et faiblesses. Outre ses pattes d'oies, il trouvait son visage un peu moins... Harmonieux. S'il n'était pas obsédé par l'image de la jeunesse, il reconnaissait se préférer tel qu'il était quelques années plus tôt. Lui-même devait reconnaître qu'il avait perdu quelque chose... Ses yeux tout particulièrement. Son « vieillissement » avait semblé s'accélérer ces derniers mois – et Stiles n'avait pas de mal à deviner pourquoi.

Or, lorsqu'il cédait à la fadeur, Isaac lui semblait resplendir. Outre son visage plein de vitalité, Stiles parvenait à distinguer quelques cheveux argent qui, déjà, dansaient avec ses mèches blondes. Bien sûr, ce n'était pas une chose que l'on devait forcément relier à l'âge – dans un sens, ils étaient tous deux encore jeunes ! –, Isaac mettait plutôt la faute sur le stress. Des cheveux clairs, il avait commencé à en avoir dès le lycée tant la peur rythmait ses journées.

Stiles cligna des yeux à plusieurs reprises mais ne put empêcher un sourire large de fleurir sur son visage. La bouffée de chaleur qui l'envahit était sans équivoque quant à la venue improvisée de son ami. Si bien qu'il lui sauta dans les bras sans hésiter une seconde.

Isaac l'accueillit chaleureusement dans une étreinte des plus amicales. Lui aussi souriait, lui aussi était heureux de le voir.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ? Lui demanda vivement Stiles quelques instants plus tard, après s'être écarté de lui.

Et déjà, l'air alentour semblait avoir refroidi. L'humain sentit un frisson de fraîcheur traverser l'intégralité de son corps. Des contacts physiques, il n'en avait pas souvent... N'avait droit qu'à ceux qu'il initiait lui-même, que ce soit avec Derek, ou Eli. Parfois, cela venait d'eux, mais c'était une chose qui restait rare. Alors même si Stiles était tactile, même s'il s'était retiré des bras d'Isaac assez vite... Il réprima le sentiment de regret qui le prenait. De toute façon, ce n'était pas bien difficile tant la joie de simplement revoir Isaac lui réchauffait les entrailles. Du reste, il pourrait s'en passer.

- Je passais dans le coin et je me suis dit... Que je pouvais en profiter pour voir mon meilleur ami, fit Isaac d'un air qui se voulait innocent.

Si Stiles savait que le loup-garou mentait – au moins partiellement –, il ne le mit pas mal à l'aise en relevant ce fait. Car si l'humain était effectivement dépourvu de tout sens surdéveloppé, il avait un talent certain pour démêler le vrai du faux. Néanmoins, il était touché par l'appellation qu'il savait sincère. De fait, Boucles d'or s'était fait une sacrée place dans son cœur. Il avait fallu quelques années, un rapprochement certain et un éloignement de Scott pour qu'il se rende compte de la perle qu'était Isaac. A ce moment-là, il ne détestait pas son meilleur ami d'enfance, mais... Puisque celui-ci ne prenait plus très souvent de ses nouvelles et ne répondait que peu à ses messages... Stiles avait décidé de ne pas forcer. A contrario, Isaac avait fait au mieux pour entretenir cette amitié, au départ lambda.

Aujourd'hui, elle faisait partie des rares choses à pouvoir lui faire tenir le coup, garder la tête haute... Pour mieux maintenir celles de Derek et Eli hors de l'eau.

- Tu veux entrer ? Boire quelque chose, un café ? Tu as roulé longtemps ? Si c'est le cas, tu dois avoir faim et... Je dois avoir des restes du repas d'hier soir et pas mal de desserts aussi et...

- Je veux bien un café, l'interrompit Isaac avant qu'il ne continue sa diatribe interminable.

Disons qu'il le connaissait et que les années n'avaient en rien diminué son débit de parole. Si Stiles s'y mettait, ce n'était pas seul qu'il s'arrêterait. Loin d'agacer Isaac, cela lui rappelait avec joie l'hyperactif qu'il avait toujours connu... Même s'il ne pouvait pas nier le fait que son ami était parfois difficile à suivre.

- Un sucre, avec un nuage de lait ? S'empressa de s'enquérir Stiles.

- Toujours, acquiesça Isaac, un sourire aux lèvres.

Fut un temps où il passait un peu plus souvent, un temps où Stiles, Derek et Eli habitaient en ville. Dès cette époque-là, l'humain avait retenu ce qu'il aimait et toujours fait attention à ce qu'il aie ce qu'il voulait et ce... Même s'il devait partir travailler la minute qui suivait. Si les temps avaient changé, si Stiles avait mis sa vie professionnelle entre parenthèse pour l'instant... Sa générosité était toujours là, intacte. Il restait la perle qu'Isaac s'était promis d'aider à briller lorsqu'ils avaient commencé à se rapprocher.

Ainsi, il entra à la suite de Stiles, qui referma derrière lui. La décoration sobre mais sympathique représentait bien l'âme des habitants de cette maison : chaleureuse et sans artifices.

Mais Isaac n'était pas stupide, ou du moins, pas assez. Il aurait pu ignorer l'odeur de la tristesse abyssale qui imprégnait jusqu'aux murs de la bâtisse et ce, facilement. Néanmoins, il choisit, en son âme et conscience, de la laisser le pénétrer, l'alourdir à son tour. Il ne mettrait de côté cette douleur certaine qu'il ressentait – cette douleur qui n'était pas la sienne. Isaac accordait une certaine importance aux fragrances telles que celle-ci, pour la simple et bonne raison qu'elles dépassaient le simple ressenti : elles étaient le reflet d'une ambiance, d'une vie au point mort, figée dans le temps par la peine des uns et des autres. Isaac dissimula son malaise, de sorte à ne pas ajouter une préoccupation supplémentaire qui alourdirait davantage les épaules solides – mais humaines – de Stiles. De toute façon, il était venu tout en sachant qu'il risquait d'être confronté à une odeur de ce genre...Mais il ne l'avait jamais imaginée aussi forte. Lui qui remettait sans arrêt sa venue à plus tard se rendait compte qu'il avait bien fait de finir par se décider. Pas qu'il ait eu peur d'une quelconque manière, simplement... Isaac avait du mal à se décrocher de son travail, très prenant. Ce qui l'avait convaincu et lui avait donné la motivation nécessaire pour poser un petit congé ? Les nouvelles de plus en plus rares de la part de Stiles, un ami cher à son cœur qu'il savait sur une pente des plus glissantes.

- Derek dort, l'informa directement l'hyperactif alors qu'ils débarquaient dans la cuisine.

Isaac hocha simplement la tête, peu certain de ce qu'il pouvait dire à ce sujet-là. Parce que s'il ne parlait pas souvent de Derek, il tenait beaucoup à lui : disons qu'il évitait de prononcer son nom ou de trop demander de ses nouvelles à Stiles... Parce qu'il savait à quel point son état le peinait. En somme, Isaac limitait au mieux les dégâts...Et faisait très attention aux mots qui pouvaient sortir de sa bouche.

- Il se repose ? Tenta-t-il.

- Il dort, répéta simplement Stiles en haussant les épaules.

Isaac suivit ses gestes des yeux et eut un léger sourire en voyant que l'humain lui servait du café dans la tasse qu'il préférait : ornée d'un petit loup stylisé au pelage clair, c'était celle qu'il lui attribuait à chaque fois. Il ne l'utilisait pour personne d'autre. Fut un temps où Stiles en avait une de ce type, pour chacun des membres de la meute avec gravé dessus un symbole les désignant individuellement.

Il les avait toutes jetées, exceptées celles d'Isaac... Et de Peter, à savoir les deux seuls loups avec lesquels il avait désiré garder contact.

- Où est ton petit loup ? S'enquit Isaac sans le lâcher des yeux.

Il avait l'impression de trouver de l'hésitation dans chacun de ses gestes... Ce qui n'enlevait rien à cette joie qu'il ressentait chez lui. Stiles était véritablement heureux de le voir... Peut-être un peu trop.

Mais ce sentiment commençait déjà à s'atténuer, comme s'il savait son bonheur de courte durée... Et Isaac n'aimait pas beaucoup ça.

- Peter l'a pris pour la journée.

Une pointe d'amertume, puis une lourdeur dans la démarche de Stiles, qui lui tendit sa tasse de café avec un sourire qui perdait peu à peu de son éclat. Isaac s'en saisit en le remerciant et se fit la réflexion qu'il était effectivement temps qu'il vienne rendre visite à son ami, dont la façon d'agir ne changeait pas du passé : il endurait en silence.

Et ça, c'était une chose qu'Isaac ne voulait plus laisser passer.

UsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant