• CHAPITRE HUIT •

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- Vous devez me parler.

- ...

- Vous devez me parler, c'est pour ça que vous êtes là.

- ...

- Allez, juste pour faire plaisir à votre psy préférée, s'il-vous-plait...

- ...

Le rendez-vous se termina un peu plus tôt.
Il sortit du cabinet en fixant le sol, les cheveux emmêlés par le vent. Il entra dans la voiture et comme tous les jours, il regarda par la fenêtre. Ses doigts se serraient et se détendaient sur le tissu de son pantalon.

Ses cheveux gras pendouillaient autour de son visage blanc. La couleur de sa peau se confondait avec celle de ses lèvres, ses yeux étaient devenus fades. Tout en lui paraissait fade, d'ailleurs. La nourriture, déjà si difficile à ingérer, avait perdu tout son goût. Les odeurs n'existaient plus.
Plus rien n'existait, en fait.

Il avait ce sentiment accablant d'être constamment fatigué, comme si chacun de ses membres était engourdi, alourdis par une charge invisible.

Tout devenait extenuant.

Aussi sortit-il de la voiture, les yeux rivés sur le gravier. Il ressentit quelque chose d'étrange, comme une présence derrière lui. En se retournant, il vit quelque chose de fort perturbant dans le véhicule ; lui.

Il se voyait lui.
Siège arrière.
Assis.
La tête contre la vitre.
Les yeux clos.
Les lèvres bleues.
Le moteur allumé.
Les fenêtres fermées.
Immobile.
Il était immobile.

Il se rapprocha de la vitre, inclina la tête sur le côté. Ses doigts glissèrent lentement sur la surface de verre tandis que son souffle créait une tâche de buée diffuse dessus.

- Fedya ?

Il se retourna, brusquement sorti de sa transe.
Sa bouche s'entrouvrit un instant - Nikolai espéra qu'il prononce quelque chose après plus d'une semaine de mutisme - puis se referma. Son regard revint sur la voiture, vide.

- Quoi..? murmura-t-il, confus.

Il fixa un instant le vide, puis alla à l'intérieur sous le regard inquiet de son chauffeur.
Il gravit directement les escaliers, y laissa sa veste, alla dans sa chambre, y laissa ses chaussures, et tomba lascivement sur le lit. En tournant la tête sur le côté, il fit face à la grande fenêtre qui donnait vue sur le jardin. Il eut à nouveau ce sentiment étrange, dans ses tripes. Comme si elles se déplaçaient d'elles-mêmes dans son ventre. Il se leva, marcha en traînant les pieds jusqu'à la vitre et regarda en bas, au niveau de la terrasse de pierre lisse.

Lui, encore.
Mais pire.
Lui, donc.
Au sol.
Étendu.
Flaque de sang.
Os éclatés.
Immobile.
Il était immobile.

Il se sentit paniquer.
Reculant sous le choc, il trébucha et retomba sur son lit. Des milliers de questions pullulaient dans sa tête sur pourquoi de telles visions lui apparaissaient. Tandis que ses doigts se crispaient et se détendaient sur les draps, ses yeux parcouraient le plafond d'un bout à l'autre.

Il fouilla sa poche, prit son téléphone. Un message de Nikolai et un message de lui. Il hésitait encore à le bloquer, d'ailleurs

KOLYA

Hey
13:43

Ça va ?
13:46

Rodion
14:01

Il posa son téléphone, se redressa et retira sa chemise. Il se leva, marcha jusqu'à son miroir, s'étira.
Il observa un instant ses côtes, sans pouvoir déterminer si elles étaient plus ou moins apparentes qu'avant.
Il renifla et passa sa main dans ses cheveux.
Soudain, il sentit deux mains enserrer doucement ses hanches, se glisser contre sa peau.

L'Ange de Fer  [Fyolai]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant