• CHAPITRE DEUX •

98 16 24
                                    

Il se sentait humilié. Humilié et frustré.
Il n'était pas malade, cela faisait juste un moment qu'il n'avait pas mangé, c'est tout. Mais quel culot de prétendre une chose pareille ! Surtout de sa part à lui. C'était lui, le malade dans cette histoire. Lui et lui seul.

Fyodor, dans son pull noir à col roulé surmonté d'un veston assorti, restait avachi dans son fauteuil au milieu de son salon. Il était tel un roi, seul devant l'immensité de ses richesses et possessions, sans savoir que faire ni qu'en faire.

Au bout de plusieurs minutes de lourd silence supplémentaire, il dut commencer à respirer par la bouche. Ses inspirations se faisaient plus profondes et même légèrement sifflantes. Il se sentait comme en manque d'oxygène.
Fyodor passa soudainement une main dans ses cheveux, palpant son cuir chevelu d'un geste indécis.

Il se rendit compte alors qu'il avait cruellement besoin d'air. Sa grande maison, avec ses multiples grandes pièces et ses longs couloirs et son beau jardin, commençaient à devenir étouffantes.

Aussi il marcha à grand pas jusqu'à sortir au devant de sa maison et sortir précipitamment son paquet de cigarettes. Ce dernier lui échappa des mains et tomba au sol.

- 'Chier, siffla Fyodor entre deux grandes respirations.

Il ne cessait de regarder de tous les côtés, comme s'il était épié. Peut-être que une mauvaise habitude que les paparazzis lui avaient donné.

Il coinça une cigarette entre ses lèvres fines et pâles et voulut l'allumer mais son briquet décida de lui faire des misères, refusant de s'allumer.

- 'Chier..! continua Fyodor, de plus en plus frustré.

Au bout de la 7e - ou 8e, peut-être ?- tentative infructueuse, le jeune homme jeta le briquet qui s'éclata au sol et cracha sa cigarette. Sa respiration se faisait de plus en plus erratique. Il hyperventilait.

Il commença à faire les cents pas en rond, dans un sens puis dans l'autre, se tordant les doigts nerveusement, en proie à une sorte d'abyssale panique intérieure. Il sentit d'ailleurs ses yeux le piquer ; il allait probablement bientôt fondre en larmes, pour ajouter à son calvaire.

Soudain, il s'arrêta et s'accroupit, le visage enfouit dans les mains.

- Reprends-toi, Fedeshka. Reprends-toi, se dit-il en se frictionnant la figure.

Il souffla, vida ses poumons plusieurs fois, sentant son cœur marteler ses côtes.

Quand il ouvrit les yeux, il vit une paire de chaussures lustrées et les jambes qui vont avec plantées devant lui.

- Ça va pas, m'sieur ? demanda le chauffeur.

- Partez.

- Vous avez pas répondu à ma question.

- Non, ça ne va pas. Partez.

- ...

Il ne bougea pas. A la place, il alluma une cigarette et la descendit au niveau de Fydor, toujours accroupi au sol.

- Vous avez l'air d'en avoir besoin.

Dostoievsky releva lentement sa tête, puis prit la cigarette entre deux doigts pour la mettre dans sa bouche et tirer une longue taffe.

Le chauffeur se décala pour s'asseoir à côté de lui.

- Vous savez, parfois, la vie, c'est à chier, dit-il simplement.

- Je le sais.

- Vous en avez bavé, non ?

- En effet.

L'Ange de Fer  [Fyolai]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant