• CHAPITRE UN •

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Il était debout devant son miroir plein-pied, son script dans une main, une cigarette dans les doigts de l'autre. Il porta cette dernière à ses lèvres, inspirant le plus de nicotine possible. En remplissant ainsi ses poumons de fumée, il fit saillir ses côtes en-dessous de sa peau pâle et fine où on pouvait si aisément distinguer chacune de ses veines et artères rouges ou mauves.
C'était pour ça que tout le monde sur le plateau l'appelait "le Porcelain". Son visage au teint d'albâtre presque inexpressif pouvait en effrayer plus d'un tant il ressemblait à un cadavre aux traits d'une jeunesse de porcelaine.
Il passa une main nerveuse dans ses cheveux ébène recouverts d'une légère couche de gras et les ébouriffa distraitement, aspirant une nouvelle bouffée de sa cigarette.
Ses yeux violets parcoururent pour la énième fois son script. Le jeune homme n'avait obtenu le rôle d'Halan uniquement car son corps possédait des formes assez féminines, avec des hanches plutôt proéminentes, des jambes longues et lisses, une mâchoire fine et des lèvres pulpeuses d'un rose pâle. Tous ces attributs convenaient parfaitement au rôle car, dans la pièce de l'Ange de Fer, le personnage d'Halan, jeune homme de la bourgeoisie allemande, devait se travestir en femme et changer les A de son prénom en E.
Le Porcelain hésita à aller une dernière fois se pencher par dessus les toilettes et s'enfoncer deux doigts dans la bouche jusqu'à la glotte, mais il se dit qu'il était déjà assez affaibli comme ça.
Il sorti de sa loge, puis des coulisses, puis de la salle de théâtre. Dès qu'il mit un pied hors du bâtiment, une foule de journalistes l'assaillirent de questions.

- M. Dostoievsky, vous sentez-vous nerveux vis-à-vis de la représentation qui aura lieu dans trois semaines ? questionna une femme en tailleur gris et à l'impeccable chignon blond.

- Je ne répond pas aux questions.

Il plaça sa main sur le côté de son visage pour ne pas être ébloui par les flash d'appareils photos puis entra dans la belle voiture noire avec chauffeur qui l'attendait.

Même une fois les portières fermées, les journalistes continuaient de le harceler avec leurs photos qui finiraient sûrement dans le journal People local et leurs dictaphones brandis à tout va.

- Allez-y, ordonna-t-il froidement à son chauffeur.

- OK, m'sieur.

Fyodor Dostoievsky fronça les sourcils.

- Où est Ivan ?

- Le précédent chauffeur ? Oh, il a été viré pour harcèlement sexuel. Apparemment, il aurait tenté de peloter une petite brune française sur son lieu de travail mais sa pote lui a démonté le bras, au petit Ivan. Si vous voulez mon avis...

- Je m'en passerai. Ramenez-moi simplement chez moi.

Le premier avis que Fyodor venait de se faire à propos de son nouveau chauffeur était qu'il parlait déjà bien trop. Pour penser à autre chose qu'à ce foutu ballet, il regarda rapidement son téléphone. Trois messages manqués.

Salut
03:45

Salut
05:33

Salut. Là, tu devrais être réveillé
07:21

Salut.
14:08

Fyodor était le genre de personne à mettre des points à la fin de chaque message. Il attendit deux petites minutes avant de voir une nouvelle bulle s'afficher à l'écran.

Enfin !
14:10

Tu me saoule avec tes insomnies.
14:10

L'Ange de Fer  [Fyolai]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant