• CHAPITRE NEUF •

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- Vous avez déjà été amoureuse, vous ?

- Peut-être, quand j'étais ado... mais mon meilleur ami est en plein dedans.

- Oh, trop chou.

- Plus agaçant que chou, à vrai dire. Il me rabat constamment les oreilles avec son écrivain chéri. Mais bon, si ça le rend heureux. Bref. Pourquoi cette question. Vous êtes amoureux, vous ?

- Absolument !

- Je vois. Et vous le gérez comment ?

- Je sais pas du tout !

- Comment ça ?

- En fait, je crois que je n'ai jamais réellement été amoureux.

Prise de notes.

- Jamais ?

- Jamais. Du coup là, ça fait tout bizarre. Le pire, c'est que je sais même pas si cette personne sait que j'existe.

- Comment vous sentez-vous quand vous êtes loin de cette personne ?

- Je ne fais pas comme dans les comédies romantiques. Je ne penses pas tout le temps à cette personne. Mais je dirais juste que j'aimerais l'avoir à mes côtés.

- Vous êtes seul, dans la vie ?

- Oui.

Très seul.

- Oh. Comptez-vous dire à cette personne ce que vous ressentez ?

- Je ne sais pas, ça me fait peur.

- Pourquoi ?

- On se connaît à peine, et je craint que s'il découvre ce qu'il y a "sous la surface", il ne veuille plus de moi.

- C'est une peur tout à fait compréhensible. Mais à mon avis, tant que cela ne tient pas de l'illégal, ce qu'il y a "sous la surface" ne devrait pas le faire fuir. Et puis vous pouvez apprendre à le connaître.

- Comment ?

- Eh bien, vous venez le voir et vous lui demandez s'il serait partant pour prendre un café ou boire une bière.

- Ah.

- Malheureusement, je crois qu'il est temps pour nous de nous quitter. À la semaine prochaine, Osamu !

- Au revoir !

Il sortit et alla s'installer gaiement à l'arrière de sa voiture grise. Son chauffeur à lui, jeune homme qui entrait tout juste dans la vingtaine mais déjà avec une montagne de cheveux blancs, le salua et l'emmena au conservatoire Achtenberg, qui allait fêter son bicentenaire dans peu de temps et qui donc, pour l'occasion, se verrait accueillir une représentation du ballet de l'Ange de Fer du compositeur éponyme.

Le "scénario", en soi, si on puis l'appeler ainsi, était a la fois simple et nuancé, chaste et passionné, fade et fascinant.

Simple car ce n'était qu'une histoire d'amour parmis tant d'autres.

Nuancé car le ballet était en réalité une satire de l'époque - ladite époque étant la fin des années 1600.

Chaste, car les deux amants, dans la tradition des histoires courtoises, seuls des baisers et quelques prudes caresses étaient échangées en tout et pour tout au cour du récit.

Passionné, car dans les multiples scènes où les deux tourtereaux dansaient ensemble, leur ronde se transformait en une valse endiablée, presque sensuelle tant leurs corps étaient proches.

Fade, car ce n'était après tout qu'une énième histoire d'amour entre un preux seigneur, Klaus de Menendrau et la femme dont il s'éprend éperdument, Helen Jaeger.

L'Ange de Fer  [Fyolai]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant