JEFF

Je suis actuellement assis dans ma cellule. Depuis qu'ils ont emmené Alex à l'isolement, les gardiens m'ont ramené dans la cellule où se trouve Gabriel. D'un côté, heureusement, car il commence à devenir fou. Il ne voudra jamais l'admettre, mais cette jeune femme l'a ensorcelé. Gabriel, je le connais depuis très longtemps. Je suis comme son oncle, car il n'a pas eu de modèle d'une belle petite famille. Alors, je lui sers de modèle masculin, en quelque sorte. On s'est rencontrés dans un café. Il était au comptoir, tirant une tête d'enterrement, et c'était peu dire, car il venait d'enterrer sa sœur. Mais je ne l'ai su que bien plus tard. Gabriel est du genre distant et méfiant, ce qui est compréhensible, la vie ne lui a pas fait de cadeau à ce gamin. La discussion est venue naturellement. J'avais besoin d'un briquet pour fumer, et il m'avait répondu d'une voix froide :

- C'est interdit de fumer ici. 

- Ce n'est pas ce que je vous ai demandé, lui répondis-je sur la défensive. 

Il n'avait pas tenu compte de ma remarque et avait ajouté :

- Vous savez que le taux de mortalité lié à la cigarette est de 21 %. Alors, même si j'avais un briquet, je ne vous le donnerais pas. Je ne veux pas être responsable de votre mort. J'en ai assez de voir des morts.

J'étais resté bouche bée. Comment un gamin comme lui pouvait dire une chose pareille ? À son âge, il aurait dû être étudiant ou jeune entrant dans le monde du travail. Mais je sentais que son cas était particulier.

- Bien, je comprends. En fait, tu n'as pas tout à fait tort. Je voulais arrêter de fumer depuis un moment, affirmai-je. 

- Oui, c'est ce qui a de mieux à faire.

Nous étions restés silencieux un moment. Il avait reçu un coup de fil, la discussion était assez animée. Je sentais que c'était dû à des histoires louches. Quand il eut raccroché, il souffla.

- Des problèmes ?

- Mmh.

- Mais encore ? demandai-je plus curieux que je le devrai. 

- Qui êtes-vous à la fin ? Pourquoi vous me parlez ?, s’énerva le jeune homme. 

- Ça doit être parce que vous êtes aimable comme une porte de prison !

Il ne répondit rien, se leva pour partir. Je le retins par le bras en lui disant :

- Laisse-moi t'aider.

- Je n'ai pas besoin d'aide, et je ne vous connais pas. Lâchez-moi avant de rejoindre vos ancêtres.

- Tu es en colère.

- Vous êtes perspicace ! 

- Je m'appelle Jeff. Oh, et tu peux me tutoyer. Je n'ai que trente-cinq ans !

- Bien, Jeff. Laisse-moi partir maintenant.

- Attends une seconde, j'ai quelque chose à te proposer.

- Et qu'est-ce que c'est ?, son ton était condescendant, désabusé.

- Je ne sais pas ce qui se passe dans ta vie pour que tu sois en colère comme cela, mais il faut l'évacuer, sinon elle va te consumer tout entier. Je suis propriétaire d'une salle de boxe. Viens taper un peu avec moi pour évacuer tout ça. Tu verras, ça te fera du bien. J'en ai vu des gamins comme toi.

Il réfléchit, je sentais qu'il n'avait pas confiance. Il se demandait sûrement où était l'embrouille.

- Tu sais quoi, suis-moi, et tu verras. lui proposai-je.

Je fus étonné, mais il me suivit sans riposter. Soudain, pendant que nous marchions, un homme s'arrêta devant lui. Je vis à l'expression de Gabriel qu'il était tendu. L'homme lui dit :

- Ah, le fameux, le grand Gabriel Santos, te voilà enfin. On te cherchait, tu sais.

- Comme tu vois, je suis là.

- Tu nous dois beaucoup encore. N'oublie pas, l'heure tourne.

Sur ces mots, l'homme partit.

- Tu dois de l'argent, c'est ça ?

- C'est bien plus compliqué que ça.

- Je vois. Combien ? lui demandai-je.

- Beaucoup trop.

- Laisse-moi t'aider.

- Pourquoi m'aiderais-tu ?

- Parce que j'étais comme toi avant.

Il ne répondit rien à cela. Cependant, il avait accepté de venir boxer deux fois par semaine. Au départ, il était méfiant, mais il baissait sa garde petit à petit. Au bout de trois semaines, il me raconta son histoire, sa sœur, le gang, et le fameux problème d'argent.

J'avais réfléchi, et je ne pouvais rester les bras croisés en attendant que ce petit se fasse buter par l'homme qu'on avait croisé. Alors je lui dis :

- Fais-moi rentrer dans ton gang, et je t'aiderai à avoir de l'argent.

- Tu ne connais rien à ce monde-là !

- Laisse-moi te raconter mon histoire.

C'est ainsi que je lui racontai qui était Jeff Mason. Mon père était chef d'un gang quand j'étais gamin. Alors, ce monde, je le connais comme ma poche. J'ai baigné dedans depuis que je suis né. Ma mère est morte en couche. Je n'ai pas eu la chance d'avoir une présence maternelle. Cependant, j’ai eu de la chance, mon père était un homme bon envers moi. Concernant les autres, c'était juste un mafieux, le plus redouté de la ville. Quand j'ai eu dix-huit ans, je suis rentré dans son gang et suis devenu son bras droit, je faisais affaire avec lui, jusqu'au jour où je l'ai vu se faire descendre par les policiers. Une arrestation qui avait mal tourné. Il n'avait pas coopéré de peur de se retrouver en prison il avait préféré mourir que de se retrouver derrière les barreaux. Je lui en voudrai toute ma vie d'avoir choisi la mort. Alors, je m'étais juré de ne plus jamais toucher à ce monde-là, qui n'est que souffrance. Mais je suis obligé de revenir sur ma décision pour ce petit. Après avoir entendu mon histoire, il accepta, et c'est depuis ce jour que nous sommes devenus amis. Il me respecte énormément. Pendant plus de quatre mois, nous enchaînons les cambriolages et tout ce qui pouvait nous apporter de l'argent. Puis arriva le jour de mon arrestation. J'avais ordonné à Gabriel de s'enfuir, mais il n'avait pas voulu. Ce garçon était têtu comme une mule, mais j'étais sa famille, un lien très fort nous unissait.

- Je ne te laisserai pas te faire pincer tout seul. Si on doit aller en taule, je serai avec toi. T'es pas prêt de te débarrasser de moi, Jeff !  jura Gabriel. 

Il aurait pu s'enfuir, mais il ne l'a pas fait. Nous étions ensemble, dans la même cellule. Il veillait sur moi, même s'il n'était pas obligé de le faire étant donné que je savais me défendre. Cependant, Gabriel était un homme très protecteur envers les gens qu'il aimait. Très rapidement, les autres détenus le respectaient, certains le craignaient car tout le monde avait entendu les rumeurs sur le grand Gabriel Santos, seuls quelques crétins osaient défier Gabriel alors Il se battait souvent, inspirant la peur. Personne n'osait le contredire ou autre. Personne ne lui adressait la parole s'il n'était pas obligé de le faire. Seul moi était là pour lui rappeler qui il était réellement, la prison change un homme, et Gabriel avait changé en devenant un monstre, je n'étais en aucun cas effrayé par lui j'avais simplement peur qu'il se perde à cause de ses démons intérieurs. Le jour où cette fille est arrivée et qu'il a commencé à lui donner de l'importance, j'ai directement su que cette fille était sa rédemption. Elle serait celle qui ferait revenir le Gabriel Santos que j'ai connu auparavant.

SANTOS. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant