Magnetic

Chapitre 10

Alec

Comment fuguer ?

Comment prendre la fuite ??

Comment éviter un repas catastrophique ???

Les coudes appuyés sur le plan de travail en marbre de la cuisine de mes parents, je suis à deux doigts d'entrer ces questions dans la barre de recherche de Google. J'ai l'air d'un homme totalement désespéré au vu de la posture que j'affiche.

Je suis plongé dans mes pensées, la tête entre les mains, chaque muscle de mon corps crispé sous le poids de cette situation qui, il faut l'avouer, me déplaît profondément.

Je suis mal à l'aise, comme si je ne me sentais pas à ma place. Quelle ironie du sort. Étant donné que je me trouve chez mes parents, mais aussi chez moi, dans ma propre maison.

Réfléchir à l'issue de ce repas et à la façon dont il pourrait se passer est une très mauvaise idée, et pourtant, c'est ce que je suis en train de faire.

Peut-être que tout va bien se passer, au contraire de ce que je suis en train d'imaginer ?

Ou alors ça peut s'avérer être, tout simplement, une catastrophe et un carnage complet qui finira en une guerre de rancœur et de haine.

Évitons.

Ils doivent tous être en train de m'attendre pour commencer l'entrée qu'elle a préparée, alors que moi, j'essayais de suivre la recette indétrônable des mousses au chocolat de mon père, tout en tentant de faire taire mes pensées qui me criaient qu'elle était juste derrière moi, concentrée à sa tâche.

Vous dire que sa présence ne m'a pas du tout fait perdre mes moyens ...

Serait un gros mensonge ...

Je suis quand même à deux doigts de vous mentir.

À son insu, mes yeux ne pouvaient s'empêcher d'être attirés par sa personne.

Comme si j'étais encore l'adolescent qui attendait les nuits sombres et étoilées pour la voir apparaître à sa fenêtre et contempler son visage fasciné par l'espace et ses mystères.

Sa présence à Marblehead me déstabilise, encore plus étant donné qu'elle est chez moi. Je n'arrive pas à me faire à l'idée qu'elle soit revenue une fois, alors une deuxième ...

Non, c'est vraiment trop étrange ce dîner chez mes parents.

À croire que c'est le rituel du dimanche midi et qu'on croise la mère et la fille quotidiennement dans le quartier alors que c'est tout le contraire.

Ça doit bientôt faire dix minutes que je me suis enfui de la tablée pour venir me réfugier dans la cuisine sous prétexte que j'allais chercher un autre dessous de plat afin d'éviter que la chaleur des lasagnes ne fasse fondre l'immonde nappe en plastique de ma mère.

Heureusement qu'ils se sont lancés dans une discussion sur les informations récentes du pays - que j'arrive légèrement à discerner d'ici - pour les détourner de mon absence et qu'ils ne pensent plus au fait que je devrais déjà être revenu auprès d'eux depuis au moins cinq bonnes minutes.

Bon, de toute façon, je vais bien devoir y aller un jour ou l'autre. Je respire un grand coup, remplis mes poumons d'oxygène puis me redresse, prêt à affronter la tempête qui menace d'éclater.

Je fouille rapidement dans un des placards de la cuisine et m'empare d'un dessous de plat - soit, la cause de mon retour dans la pièce - et me dirige mécaniquement vers la salle à manger.