Royal Raven

⑨

La poigne qui m'a agrippé avant que je ne me retourne ne m'est pas inconnue. Dès que je pose mes yeux sur celui qui m'a attrapé, un sourire extraordinaire éclaire mon visage. 

- Kageyama ! 

- Salut Hinata. Qu'est-ce que tu fais là sans Kenma ? 

Je ne m'attendais tellement pas à le voir que mon cerveau efface la question qu'il m'a posé au moment où je l'ai vu. Il est censé être à son camp d'entrainement pas au cœur de Tokyo. 

- Pourquoi t'es là et pas dans un gymnase ? 

- Atsumu Miya participe aussi au camp et il voulait absolument qu'on aille s'entrainer dans le gymnase de son lycée. 

- Oh je vois. 

- Il en profite pour passer du temps avec son frère du coup. Il arrête pas de nous casser les pieds avec, soupire mon meilleur ami. 

- Mais vous êtes tous là ? 

- Ouais, ils m'attendent plus loin, je leur ai dit que j'arrivais.  

- Oh d'accord. C'est cool alors. Ça me fait plaisir de te voir, tu as l'air de t'éclater en tout cas ! 

Il hoche la tête. Ça se voit qu'il est épanoui. Je sens alors mon téléphone vibrer dans ma poche et je suis ramené à la réalité qui m'attend. Si je ne me dépêche pas d'abréger la conversation avec mon meilleur ami - même si je l'aime beaucoup et qu'il m'a presque manqué pendant ces quelques jours - il ne faut surtout pas qu'il se retrouve face au grand roi. 

- Et toi tu fais quoi sans Kenma ici alors ? 

Et voilà qu'il relance la conversation. Misère. Comment je me sors de là maintenant ? Connaissant les personnalités des deux rois je suis mal barré. Je retiens mes larmes et grimaces de désespoir. 

- Je... il voulait rester jouer chez lui alors j'attends des amis. mens-je en bafouillant. 

Kageyama fronce les sourcils et plisse les yeux. Il n'est clairement pas convaincu par mon mensonge. Je ne sais plus quoi faire. Je ne peux pas regarder mon téléphone pour savoir quand est-ce qu'Oikawa arrive et je ne peux pas dire à mon meilleur ami de s'en aller sans être méchant ou qu'il se vexe. 

- T'as pas l'air bien Boke. 

Et merde. Ça n'arrange pas mon cas. S'il est persuadé que je vais mal il va encore moins me lâcher. 

- Si si tout va bien t'inquiète pas pour moi. 

Mes neurones sont pris dans un tourbillon pour trouver une solution. Soudain, éclair de semi-génie. 

- Si ça va pas mieux dans trois heures je t'envoie un message t'inquiète pas mais en attendant je crois que tes amis t'attendent là bas. 

Je viens juste de repérer le petit groupe qui attend contre un mur au bout de la rue. Je reconnais Atsumu qui fait de grands signes. Kageyama dit qu'on a la même énergie lui et moi. Mon meilleur ami hoche la tête et me tapote affectueusement l'épaule. 

- Prends soin de toi Boke et courage si jamais tu croises de la poussière. 

Je ricane mais au fond de moins je suis rassuré en le regardant s'éloigner. Il ne serait pas vraiment ravi si je lui avouais que j'avais justement rendez-vous avec la poussière dont il parle. 

Dès que Kageyama a disparu de mon champ de vision, je me précipite pour sortir mon téléphone de ma poche. Deux messages s'affichent sur l'écran : un de Kenma qui s'inquiète à demi-mot et un d'Oikawa qui me dit qu'il va être un petit peu en retard. 

Je pousse un soupir de soulagement. Dieu merci, les deux rois ne se sont pas croisés. Je me dépêche de rassurer Kenma en lui disant que tout va bien, que j'ai croisé Kageyama et qu'Oikawa n'est pas encore arrivé. 

Je me cale contre le mur du restaurant et attend. Je ne sais pas si je dois entrer dans le restaurant ou si je dois patienter à l'extérieur le temps que mon nouvel ami arrive. 

Les minutes défilent et toujours aucun mouvement dans la rue. Cela fait maintenant trente minutes que j'attends, en comptant les dix minutes que j'ai passé avec Kageyama. 

Dix-neuf heures quarante-cinq et toujours aucun signe. Il m'a dit qu'il serait en retard mais pas que j'allais poireauter pendant autant de temps. Dans quinze minutes ça fera une heure que notre heure de rendez-vous est dépassée. J'ai trop stressé pour ce soir. Stressé d'arriver en retard, stressé que Kageyama croise Oikawa et découvre qu'on s'entend bien finalement. Ce n'est pas mon habitude de stresser comme ça pour rien. 

Je vérifie une nouvelle fois mon téléphone pour m'assurer que je n'ai pas reçu de message mais silence radio. Il ne m'aurait pas posé un lapin quand même. À moins qu'il se soit ravisé, qu'il préfère que l'on reste des inconnus, que l'on se regarde constamment de travers et qu'il m'assène ses remarques à tout bout de champ. Finalement, ça ne serait pas une si grande surprise. 

Peut-être que toutes les paroles de Kenma m'ont détraqué le cerveau. Les intentions d'Oikawa ne semblent pas être celles que le passeur de Nekoma avaient imaginé ou alors il est très doué pour les dissimuler. 

Mes yeux se posent encore sur mon téléphone. Je me retrouve face à l'écran, ne sachant pas quoi faire. J'hésite pendant de longues minutes. Je devrais peut-être le prévenir quand même que je rentre, en inventant une excuse potable. 

Mes dents se plantent dans ma lèvre inférieure. Je relâche la pression juste avant que le sang ne coule dans ma bouche. Ça ne sert à rien d'attendre plus longtemps. 

Je jette un dernier œil à mon téléphone avant de l'enfouir une dernière fois dans ma poche avec l'intention de ne pas le ressortir sauf pour prévenir Kenma quand je serai dans le métro. Après tout, nous ne sommes pas dans un film, la probabilité qu'il arrive maintenant est de 0,0001%. Et encore, ce n'est qu'un chiffre hasardeux. Je lui enverrai un message en même temps que celui pour Kenma quand je serai sur le quai du métro. 

En quelques minutes j'arrive devant les portiques qui mènent au quai du métro. Mon téléphone n'a toujours pas vibré. Je fouille mon portefeuille pour découvrir qu'il me manque un ticket. Je me dirige vers la file qui patiente devant le distributeur. Ma main attrape mon portable au fond de ma poche le temps de patienter. Je décide d'envoyer un message à Oikawa avant Kenma pour m'excuser d'être parti même si je pense qu'il n'est même pas là. 

Mon doigt glisse sur notre conversation. Je regarde l'heure, 20:02. Mon téléphone vient de vibrer.