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Le regard d'Oikawa est bloqué sur moi. Il est désemparé. Il ne sait plus quoi dire. On dirait un enfant qui a fait une bêtise et qui ne sait pas comment se faire pardonner auprès de ses parents. 

Je lâche un long soupir et me rassois après m'être rapidement excusé auprès des autres clients du restaurant. J'avais presque oublié que j'étais debout. Je passe doucement une main dans mes cheveux et tente de mettre de l'ordre dans mes pensées. Pourquoi fait-il cette tête ? Pourquoi je me suis énervé comme ça ? Est-ce que ça comptait autant ? De quoi j'ai l'air maintenant ? 

Mes poings serrés de chaque côté de mon assiette, je sens une douce chaleur caresser le dos de ma main. Mes yeux baissés encore une fois se lèvent pour regarder Oikawa. Il a un air désolé collé sur le visage. 

- Tu étais vraiment en retard juste à cause d'une rose ? soupire-je en retirant ma main de la sienne. 

Il hésite un quart de seconde avant d'hocher la tête. Il y a anguille sous roche, voire même baleine sous gravier. 

- Je suis sincèrement désolé pour mon retard et aussi si je t'ai mis mal à l'aise avec ma rose. 

- Pourquoi tu m'offres une rose en plus ? 

- Parce que ça sent bon et que c'est quelque chose de beau ? 

- Kenma est persuadé que tu m'as invité parce que tu me dragues. 

On dirait qu'il bugge. Mais soudain il secoue la tête et est pris d'un rire nerveux. Il est inarrêtable. J'en serais presque vexé.  

- T'as pas besoin de te foutre de moi comme ça, on a compris. je grommelle. 

C'est officiel : je suis vexé. Le pire c'est qu'il continue de rire. Je suis à deux doigts d'hurler de nouveau mais c'est inutile, ça ne ferait qu'empirer la situation. Oikawa finit par s'arrêter et m'observe. 

- Je suis désolé de t'avoir fait attendre si longtemps. J'étais vraiment sur le chemin pour venir quand je t'ai envoyé un message pour dire que j'étais en retard mais j'ai vu un fleuriste qui allait fermer alors j'ai négocié avec le commerçant pour acheter une rose et j'ai dû me dépêcher pour arriver. J'avoue j'aurais pu être plus rapide ou plus prévoyant mais je voulais juste te faire plaisir. Je m'excuse aussi pour mes messages, je t'ai accusé à tort en disant que tu n'étais pas là comme si tu n'étais pas venu et que tu ne prenais pas notre amitié au sérieux. 

Je hoche la tête. Je suis content qu'il me dise tout ça. 

- C'est ok. Je t'en veux pas trop. Préviens en route la prochaine fois quand même. J'ai poireauté un moment. T'aimerais pas que je te fasse pareil. 

Il me sourit doucement et un serveur vient finalement prendre notre commande. Au final, nous sortons du restaurant deux heures plus tard, à la fermeture de l'établissement. Il est presque trop tard pour un film alors le grand roi propose de me raccompagner. 

Nous sommes morts de rire la moitié du trajet. Finalement, on s'entend vraiment bien et ça me rassure. J'avais peur que les étincelles provoquent un feu mortel mais ce n'est pas le cas. Le feu qui s'anime entre nous est chaleureux. On aurait envie de s'y blottir pour lire, boire un chocolat chaud ou faire une sieste. 

À quelques pas de l'immeuble de Kenma, Oikawa repère un glacier encore ouvert. Il m'entraine vers la petite boutique et m'offre un pot de glace rempli plus qu'il n'en faut pour moi. Deux cuillères plantées et de l'argent déposé sur le comptoir, nous sortons rapidement et partons à la recherche d'un banc pour s'asseoir et manger. 

Si je racontais ça à Kenma, j'entends déjà les remarques fuser. "Et après il te drague pas." "Ose me dire que c'est pas un rencard." "Mooh c'est mignon et il t'a donné à manger aussi ?" Du sarcasme comme il sait faire dans toute sa splendeur. 

Le froid se plaque tout le long de ma gorge. Ça fait du bien. La glace fond rapidement et je suis aux anges. 

- Mechi pouh cha. 

J'ai la bouche pleine, j'aurais peut-être dû finir de manger. 

- Haha, je t'en prie, ça me fait plaisir. Et toi ça te fait plus plaisir que la rose on dirait. 

Je lui souris mais je crois que c'était un pique. Envers lui ou envers moi je ne sais pas vraiment mais un pique quand même. 

- Tu as de la glace sur le coin des lèvres. 

- Où ça ? 

Je frotte ma main sur ma bouche mais le pouce d'Oikawa est plus rapide. Il essuie délicatement la commissure de mes lèvres et lèche son doigt en me fixant. 

- Et après tu me dragues pas. je marmonne à voix haute sans faire attention, pensant à Kenma. 

L'ancien passeur d'Aoba Josai me regarde droit dans les yeux. 

- Ça dépend, ça te plairait ? 

Je suis bouche-bée. Lui qui tout à l'heure était gêné au maximum que j'ai évoqué le sujet, il me fait de rentre dedans plus plus. Je le dévisage. Je n'étais vraiment pas prêt à ce qu'il me lance ça comme ça. 

- Tu n'as plus faim ? Je finis ta glace si tu veux. ricane-t-il. 

- Pas touche, bafouille-je en retrouvant mes esprits et mes mots. 

J'engloutis ce qu'il reste de glace, sans en laisser une miette pour lui. 

- Aller, je te ramène. Tu as prévu ton ami ? 

Je hoche la tête. Je me suis assuré de lui décrire nos déplacements pour qu'il ne soit pas inquiet dès qu'Oikawa avait le dos tourné. Je me lève, mes jambes tremblotent. 

- Bah alors, on tient plus debout. Fallait le dire si tu voulais que je te porte comme une princesse. 

Je lui tire la langue. Il va continuer de se payer ma tête longtemps je pense. 

- Bébé Shoyo peut marcher tout seul. Bravo. 

Il applaudit en ricanant. Je lève les yeux au ciel mais au final ça m'amuse. Je préfère largement ce climat amical que celui de tout à l'heure au restaurant. 

Arrivés devant la porte, ma main sur la poignée, je m'apprête à rentrer. Je ressens le souffle de mon ami dans mon cou, il est vraiment proche de moi. Je sens mon corps se réchauffer. 

- Tu sais tout à l'heure, au restaurant, quand tu m'as dit que je te draguais, si je n'ai rien dit c'est parce que tu avais totalement raison. 

Je me retourne d'un coup mais il me fait déjà signe de loin, marchant vers les escaliers. 

- Tombe pas trop vite sous mon charme Chibi-chan, ça serait pas amusant.  

Royal RavenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant