Ecrire pour se soigner

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Écrire.

Écrire c'est donner la possibilité à la personne qui vit en moi d'exister. C'est comme donner à ce garçon de dix-sept ans, qui est en moi, la possibilité de mener la vie qu'il aurait voulu avoir. La possibilité d'être la personne qu'il aurait voulu être, sans moi... Sans tous les préjugés, sans le regard négatif et critique que je porte à moi-même, et que je lui porte à lui...

A ce garçon...

Ce garçon que personne ne regarde et que je me suis refusé à voir, parce que ce n'est pas normal d'être qui il est. Parce que ce n'est pas comme ça que les gens auraient voulu qu'il soit, et que, par conséquent, ce n'est pas comme ça que je voulais qu'il soit.

Parce qu'il aurait dû être plus, et qu'il n'a jamais été que moins. Parce qu'on lui dit de marcher droit et de ne pas poser de questions mais que lui il est perdu, alors, constamment, il demande son chemin. Et que les gens, fatigués, lui disent de le trouver tout seul. Mais tout seul il ne veut plus, parce qu'être seul c'est être différent, et qu'être différent c'est se faire des reproches, et que les reproches ça finit par blesser irrémédiablement.

Et puis il y a moi. Semblable à ce garçon de dix-sept ans qui se prend les reproches, mais qui continue parce que j'ai jamais compris qu'être moi ça voulait dire ne pas être eux. Alors je continue, et je pousse plus loin, comme s'ils avaient raison ! Comme s'ils savaient ! Comme si...

Comme si j'étais comme eux. Comme si je pensais la même chose. Comme si ce garçon à l'intérieur méritait les injures, méritait les blessures. Comme si ça ne m'atteignait pas, alors que lui il est à terre, les genoux baignant dans son propre sang et que moi je suis debout à deux doigts de partager la même teinte. Mais qu'au lieu de ça, je choisis de les écouter... et de leur donner raison.

Mais, ce garçon, j'ai beau eu grandir, j'ai beau eu le bâillonner, il n'a jamais cessé d'être la personne qu'il était. J'avais beau en avoir honte, j'avais beau l'injurier, le harceler, l'engueuler, le renier... il n'a jamais su être d'une autre façon. Parce qu'au fond de moi, lui seul savait, qu'être moi allait être la plus belle chose qu'il allait se passer quelques années plus tard.

Ce garçon meurtri, que j'avais moi-même saccagé, il attendait ce jour, où, avec un brin d'esprit et de sensibilité, je viendrai le trouver. Sa main tendue vers moi, il m'a lancé ce regard que jamais il me sera possible d'oublier. Ce regard qui m'a fait prendre conscience de son ingéniosité et de ma monstruosité. Ce jour-là j'ai compris qu'être lui valait mille fois mieux que d'être eux. J'ai attrapé sa main et ensemble on a décidé de se soigner du regard des autres. Ensemble on a décidé d'apprendre à s'aimer mieux que j'avais appris le détester.  

Les rêves ne meurent jamaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant