Prologue

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Ce fut dans cette réalité que je grandis et vécus une grande partie de ma vie. Un monde dans lequel la bataille de Stalingrad avait été perdue par les Alliés, où l'entrée en guerre des États-Unis n'avait que trop tardé et avait finalement condamné la Terre à ce déplorable enfer. Après leur victoire triomphante à la fin du XXème siècle, le Régime avait imposé leur idéologie en appliquant les ultimes volontés du Père Fondateur : purifier l'Europe dans son intégralité.

Des années, des décennies et même des siècles s'écoulèrent avant que l'Empire dont notre Père Fondateur rêvait ne voie le jour. Le monde entier avait été réquisitionné pour une seule et même chose : faire prospérer cette nouvelle Nation. Rien ne subsistait longtemps sans être asservi ou détruit en son nom. Chaque ressource, aussi minime fusse-t-elle pu être, finissait à son service.

Ce monde, qui auparavant, été composé de plusieurs pays, de cultures et de modes de vie, n'était désormais constitué que du Reich et de ses pays fournisseurs. La population, elle-même, était hiérarchisée en différentes classes selon leur influence, leur statut dans la société ainsi que leur pureté raciale.

De cette manière, les personnes jugées comme inférieures, celles correspondant le moins à la vision du parfait hitlérien, se situaient à la limite entre le Reich et l'Autre-Monde. Elles vivaient généralement dans une pauvreté extrême mais n'étaient pas exploitées par le système. Avec le temps et au sein de chaque classe, une homogénéisation physique de la population avait pu être observée. Les citoyens de troisième rang, les Grenzlinie, arboraient tous une chevelure brune avec un regard noisette et une peau blanche. Il était possible pour eux de se hisser au sein de la classe moyenne en ayant dans leur descendance des cheveux blonds et des yeux noisette qui était la marque physique typique des deuxièmes classes : les Mirtelmälig.

Eux aussi subsistaient avec peu de ressources mais possédaient toujours l'avantage de travailler de leur propre chef.

En se rapprochant du centre du Reich, nous trouvions les Exzellent qui vivaient à Germania : une ville immense et prestigieuse bâtie sur les ruines de Berlin, une agglomération fantôme qui avait été réduite en cendres par les Alliés lors de la Seconde Guerre mondiale dans une ultime tentative désespérée de vaincre notre Père Fondateur et ses hommes.

C'était à Germania que les élites du pays et les vrais régisseurs de notre monde vivaient. Ils n'étaient qu'une poignée de gens dits de « lignée pure » signifiant qu'ils avaient une pureté raciale des plus élevées et provenaient de la descendance d'honorables fondateurs du Reich. Au sein des Exzellent, une énième hiérarchisation existait entre les familles. En effet, celles avec les puretés raciales les plus basses se retrouvaient rétrogradées vers les zones proches des Mirtelmälig ce qui représentait un affront considérable. Cependant certains vieux hommes lubriques et sans vergogne n'hésitaient pas à emménager à proximité de ces zones de pauvreté. Ceci dans l'unique objectif de faire miroiter aux jeunes femmes Mirtelmälig une union pour les hisser dans la classe des Exzellent.

Les familles habitant au centre de Germania étaient les plus riches et les plus influentes. Le pouvoir était cédé à celles ayant la fortune la plus importante ainsi que la plus grande pureté raciale. Dans ce sens, tout était fait pour préserver son rang. L'inceste était alors devenu chose fréquente et permettait à une lignée de se maintenir dans les castes supérieures. Aboutissant, de ce fait, à l'apparition de tares génétiques et affaiblissant grandement la population. Les Exzellent se devaient de correspondre parfaitement aux standards de la perfection, ce qui signifiait être doté d'une peau très pâle quasiment translucide, des cheveux blonds éclatants et des yeux bleus de la couleur de l'océan.

Chaque famille possédait des armoiries et des couleurs symboliques montrant leur notoriété au sein du Reich. Les femmes n'étaient considérées que comme un moyen de procréation tandis que les hommes se devaient d'avoir de grandes aptitudes physiques et d'être dotés d'un esprit vif. Pendant plusieurs décennies, la naissance de filles était considérée comme une malédiction. Cela signifiait un mariage, une perte d'argent et potentiellement une diminution de la pureté raciale dans la descendance. Cependant, la démocratisation de l'inceste en avait fait une bénédiction.

Dans le cas où une lignée présenterait de multiples tares génétiques, des handicaps ou des cas de déviances sexuelles, celle-ci se faisait rétrograder dans les classes inférieures, engendrant un immense déshonneur. Pour éviter ce cas de figure, certaines familles étaient prêtes à éliminer, sans scrupule, ses propres pairs.

En dehors du Reich, le reste de la population appartenait à la classe des Müll, qui étaient considérés comme les moins-que-rien de l'Humanité. Suite à la victoire triomphale et totale du Reich au XXème siècle, il y eut une grande transformation et régionalisation du monde. Les Ariens avaient été sélectionnés pour vivre aux abords de Germania, qui était à l'époque en cours de construction, tandis que la population blanche pouvait emménager dans l'enceinte du Reich. Le reste du monde avait été subdivisé en fonction de l'utilité que chaque région pouvait apporter au Régime. L'ancienne URSS ainsi que l'Europe de l'Est étaient devenues majoritairement des champs servant à nourrir la Nation Pure. Cette zone correspondait à l'Agrarwirtsch. Une grande partie de l'Asie avait été transformée en usines militaires et textiles : les Fabrik. Les diverses ressources minérales et pétrolières étaient acheminées du continent africain qui était devenu le Kumpel. Tout ce qui étaient essais militaires et scientifiques étaient réalisés en Amérique, territoire qui avait été totalement bombardé à la fin de la guerre et correspondait au Militär. L'île de Madagascar avait été totalement aménagé pour acheminer les derniers opposants à l'Empire. Par la suite, ce lieu était devenu une pouponnière appelée Müllhalde où les Müll se reproduisaient. Leur descendance était ensuite acheminée, soit vers Germania pour servir de mains d'œuvre, soit vers les Militär pour servir de cobayes.

Ce qui restait du monde était considéré comme un Einöde où plus aucune trace de vie n'était décelée. Le continent Australien avait été réquisitionné comme prison et centre de tortures afin de démanteler les derniers réseaux de résistants, aujourd'hui disparus.

Les événements s'étaient succédés exactement comme prévu au fil des années grâce à la minutie et l'ambition de notre Père Fondateur. Ainsi, l'œuvre de sa vie était sur le point de s'achever quasiment 1150 ans après sa naissance. Ce dernier avait tout prévu depuis le début pour atteindre son idéal.

Enfin, presque.

Liée à l'essor des technologies énergivores et aux usages abusifs, une crise environnementale sans précédent s'annonçait. Cette dernière avait été longuement repoussée grâce à la mise en œuvre des politiques prônant le low-tech, un retour aux technologies employées au cours du XXIème siècle. Avec ce recul technique, le Régime désirait renouer avec les valeurs traditionnelles du Reich ainsi qu'aux anciennes modalités de consommation des citoyens. Bien évidemment, les Citoyens de haut rang et les chercheurs au service du Reich étaient exemptés de ces restrictions. Ces mesures ne faisaient que retarder l'inévitable. Si les précédents dirigeants pensaient pouvoir revenir en arrière, ils se trompaient lourdement. Tout finissait par se payer, un jour ou l'autre.

Ainsi, la pollution, des maladies apparaissaient sur tous les continents, les ressources se raréfiaient et le taux de natalité chutant menaçaient grandement notre glorieux régime. L'air devenait de moins en moins respirable au cours du temps à Germania, le Régime avait dû construire un dôme gigantesque afin de surélever la ville : créant ainsi Germania-la-Superbe au-dessus de Germania l'Ancienne. Dans la Superbe résidait l'élite de la Nation tandis qu'en dessous d'eux vivaient les Müll qui devaient gérer et prendre soin de la capitale de la Nation.

Mis à part ces quelques « soucis » dont seule une minorité de la population avait connaissance, le Reich coulait des jours heureux et vivait prospère. Les festivités du 1150ème anniversaire de notre glorieux Père s'annonçaient grandioses : les dirigeants de la Nation allaient nous présenter la Solution Finale qui nous permettrait une nouvelle fois de poursuivre notre quête de perfection.

Du moins, c'était ce que la propagande de l'Empire mettait sans cesse en avant. La réalité en était tout autre.

Bienvenu.e.s dans mon monde, le monde en 3039.

Résistante en 3039 (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant